Sarkozy accusé de pots-de-vin

La magistrate Isabelle Prévost-Desprez a mis en cause Nicolas Sarkozy en rapportant qu'un témoin lui avait dit l'avoir vu recevoir de l'argent liquide chez le couple de milliardaires Bettencourt avant son élection à la présidence en 2007, une accusation démentie par l'Elysée.


Dans "Sarko m'a tuer" (Stock), un ouvrage de deux journalistes du Monde, Isabelle Prévost-Desprez affirme que l'un des témoins, dans l'entourage de Liliane Bettencourt, "(lui) a dit qu'il avait vu des remises d'espèces à Sarko" tout en demandant que ces propos de figurent pas sur le procès-verbal.

"J'ai vu des remises d'espèces à Sarkozy"
L'Elysée a répliqué que ces accusations étaient "infondées, mensongères et scandaleuses", tandis que François Fillon les a qualifiées d'"allégations" dénuées de "tout fondement". Il a souhaité que les procédures en cours "viennent rapidement" mettre un terme à ces "manipulations". Le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé a relevé qu'"à quelques mois de l'élection présidentielle (...) il ne faut être dupe de rien".

A gauche, Martine Aubry a appelé à l'ouverture d'une enquête, tandis que son concurrent à la primaire socialiste, François Hollande, dénonçait "trop de pression" de l'Elysée sur la justice.

Pour appuyer ses accusations, la juge Prévost-Desprez précise que l'ancienne infirmière de Liliane Bettencourt avait "confié à (sa) greffière, après son audition par (elle): J'ai vu des remises d'espèces à Sarkozy mais je ne pouvais le dire sur procès-verbal.

Pas une première
Ce n'est pas la première fois que des soupçons de financement illicite de parti politique planent sur l'UMP pour la campagne présidentielle de 2007. L'ex-comptable des Bettencourt, Claire Thibout, avait déclaré avoir eu connaissance d'une remise de fonds via l'ancien ministre Eric Woerth.

Elle avait également évoqué des remises d'espèces au profit de diverses personnalités politiques, dont Nicolas Sarkozy, sans en avoir été directement témoin.

"Témoins effrayés"
Dans "Sarko m'a tuer", Claire Thibout dit aussi avoir eu l'impression d'être poussée à changer de version par les policiers et d'être victime d'un "acharnement".

Tout en se disant "frappée" par "la peur des témoins", effrayés "de parler sur PV (procès-verbal, ndlr) à propos de Nicolas Sarkozy", Isabelle Prévost-Desprez sort de son devoir de réserve, plaçant notamment l'infirmière de Liliane Bettencourt dans une situation délicate. La juge risque des sanctions disciplinaires.

Explosion de l'affaire Bettencourt en juin 2010
La présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre dirigeait, lors de ces auditions, un supplément d'information après une plainte de Françoise Bettencourt-Meyers, qui accusait depuis 2007 l'artiste François-Marie Banier d'abus de faiblesse à l'encontre de sa mère.

L'affaire Bettencourt a ensuite explosé avec la révélation en juin 2010 d'enregistrements clandestins de conversations au domicile de Liliane Bettencourt, éclaboussant l'entourage de la milliardaire et l'ancien ministre du Budget puis du Travail Eric Woerth.

"Un risque majeur"
Une enquête préliminaire avait alors été ouverte sur un possible financement politique illégal par le parquet de Nanterre dirigé par Philippe Courroye, avec lequel Isabelle Prévost-Desprez livrait "une vraie guérilla, une bataille nucléaire", dit-elle dans le livre. En novembre 2010, la Cour de cassation avait décidé de transférer les procédures de l'affaire Bettencourt à Bordeaux.

Selon Mme Prévost-Desprez, "ce procès représentait pour l'Elysée un risque majeur, il y avait 90% de chances pour que ce soit déflagratoire. Il fallait me faire dessaisir, par tous les moyens. Il était impératif de me débarquer".

Le parquet "surpris"
C'est désormais aux juges d'instruction de Bordeaux qu'il revient de prendre l'initiative d'entendre l'ancienne infirmière de Liliane Bettencourt ainsi qu'Isabelle Prévost-Desprez.

Du côté du parquet de Nanterre, on se déclare "très surpris que ces allégations n'aient pas suivi la procédure normale. Il convenait de les retranscrire à l'issue immédiate de l'audition pour les porter à la connaissance du procureur de la République afin qu'il puisse apprécier les suites à donner. A aucun moment, il n'a été informé de ces faits supposés". (afp/chds)

Dans "Sarko m'a tuer" (Stock), un ouvrage de deux journalistes du Monde, Isabelle Prévost-Desprez affirme que l'un des témoins, dans l'entourage de Liliane Bettencourt. © afp

Isabelle Prevost-Desprez et Gérard Davet. © afp
Mercredi 31 Aout 2011