Santé maternelle et infantile: Enfin, l’accouchement “humanisé” au Sénégal


Habituées à accoucher sur une table avec des mouvements limités, les Sénégalaises disposent, aujourd’hui, d’une autre méthode pour mettre au monde leurs bébés. La deuxième phase du Projet de renforcement des soins de santé maternelle et néonatale  (PRESSMN2)  a été lancée mercredi dernier au niveau de la région de Dakar, précisément à l’hôpital Gaspard Camara. Ce projet du ministère de la Santé, en partenariat avec la coopération japonaise, vise une amélioration de la santé de la mère et de son enfant. Selon les initiateurs, il a déjà connu un grand succès dans les régions de Tambacounda et Kédougou pendant la première phase expérimentée entre 2009 et 2011. 
 
La femme en travail d’accouchement a parfois envie d’être couchée, assise, courbée, à genoux ou accroupie. Parce que les femmes au Sénégal sont soumises à la seule position allongée lorsqu’elles accouchent, elles ne s’en sortent pas, très souvent, avec satisfaction. Pour faire face à ces multiples complaintes, justifiées,  des femmes, les autorités médicales ont adopté une nouvelle méthode d’accouchement, grâce au Programme de renforcement des soins de santé maternelle et néonatale initié par le Japon depuis janvier 2009. Cette technique, qui n’oblige pas la femme à adopter nécessairement la position couchée avant de mettre au monde son enfant, s’appelle « accouchement humanisé ». Il s’agit d’un concept employé dans les documents de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) en 1996 et qui a été scientifiquement prouvé et expérimentée par la Jica (Ndlr, la coopération japonaise) dans des pays comme le Brésil,  Madagascar, et le Sénégal. En effet, accoucher avec le moins de douleur possible en adoptant la position que l’on veut, est désormais possible au Sénégal, en particulier, depuis quelque temps, à l’hôpital Gaspard Kamara de Dakar. L’accouchement à « style libre » permet aux parturientes — qui peuvent en plus être assistées par un parent proche et par une sage-femme — d’adopter la position de leur choix.  Dans ces conditions, bien sûr, elles sont moins stressées. Selon le Dr Awa Ndèye Diagne, gynécologue obstétricienne, dans l'accouchement humanisé, les sages-femmes se plient aux désirs de la femme.  Laquelle peut adopter une position antalgique où elle sentira moins de douleur. « Dans l'accouchement classique, on vous met sur une table, on fait une perfusion, les mouvements sont limités, la femme ne peut prendre une position antalgique. Avec l'accouchement à style libre, la femme est dans une ambiance conviviale. Elle est moins stressée et le travail ne dure pas. La sage-femme est aidée par l'accompagnant », a expliqué la gynécologue, Awa Ndèye Diagne. C'est ce que l'on appelle, accouchement humanisé. Ce nouveau concept, originaire du Japon, en expérimentation au Sénégal, est un ensemble de conditions qui permet à la femme de vivre son accouchement avec aisance. Il se pratique dans une salle équipée de balançoire, de ballons de différents formats et d'affiches illustrant différentes positions d'accouchement. En des termes plus simples : c'est un accouchement au cours duquel une femme suit ses propres instincts et la physiologie de son corps, en adoptant des positions variées, afin d'accoucher avec le moins de douleur possible et le maximum d'efficacité, tout en évitant les complications. Ainsi, la femme peut accoucher en se courbant, en se mettant sur le côté, etc. Contrairement à l'accouchement gynécologique où la femme se met sur une table conçue à cet effet, dans la nouvelle expérience, la parturiente peut se mettre sur une natte, à même le sol ou sur une chaise. Toutefois, “la salle d'accouchement doit être aérée, spacieuse et propre, avec une atmosphère favorable à la détente de la femme. Ces conditions permettent aux femmes de marcher et d'adopter la position qu'elles voudront pendant l'accouchement », a indiqué le médecin chef adjoint du district, Dr Rokhaya Sy. L'accouchement humanisé permet de réduire de manière drastique la mortalité maternelle et néonatale, a indiqué la coordinatrice en santé de la reproduction à la Direction de la santé de la reproduction et de la survie de l'enfant (DSRSE), Seyni Konté Diop. Selon elle, il y a une satisfaction de la parturiente qui est au cœur de l'accouchement. Parce que, comme l’a expliqué cette sage-femme à l’occasion du 6ème Salon international de la santé et du matériel médical de Dakar (SISDAK), « c'est  la parturiente qui suit son instinct pour accoucher correctement et sans stress ». 
Déjà expérimenté dans les régions de Kédougou et de Tambacounda, le projet est  parti du constat établissant 392 décès pour 100.000 naissances vivantes. L’implantation de cette réforme dans ces deux régions a, selon le médecin-chef du district centre de Dakar,le docteur Marie Khemess Ndiaye, contribué à renforcer l’efficacité du personnel soignant.  A l’en croire, aujourd’hui, « seuls 3% des prestataires continuent à pratiquer systématiquement la révision utérine, contre 43% au début du projet ». Le docteur Mariétou Diop, de la Direction de la Protection et de la Survie de l’Enfant (Dsrse), espère quant à elle que le projet « permettra de diminuer le taux de la mortalité infantile et néonatale en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement à l’échéance de 2015 ». Pour ce faire, elle sollicite l’implication de tous les acteurs engagés dans la réponse à la santé de l’enfant et de la mère.  Pour cette phase-test, les autorités sanitaires ont décidé d’instaurer la réforme au district centre de Dakar, à savoir l’hôpital Gaspard Kamara. Un établissement choisi pour son exemplarité, selon le Dr Marie Khemess Ndiaye, etqui enregistre 400 accouchements par mois. A cet effet, un nouveau matériel tout à fait adapté est mis à disposition dans les salles d'accouchement de Gaspard Kamara, et le personnel est formé en conséquence. Ce, depuis quelques semaines. Depuis le lancement du projet, quarante-et-une femmes ont donné la vie en « style libre » et aucun cas de complication n'a été répertorié. Aussi, pas un seul cas de césarienne n'a été enregistré au cours de ces accouchements. Un motif de satisfaction pour le Dr Ndèye Maguette Ndiaye, médecin chef du district, qui n'a pas tari d'éloges sur cette nouvelle manière de donner la vie qui consiste à adopter la position la plus adéquate pour les parturientes. Dès les consultations prénatales, les deux possibilités sont expliquées à la femme : l'accouchement humanisé et l'accouchement gynécologique (l'ancienne méthode). C'est à elle de faire son choix. Cependant, il y a une catégorie de femmes qui, même si elles le veulent, ne peuvent pas bénéficier de cette liberté. Ne sont pas éligibles, celles qui saignent, qui présentent une hypertension artérielle, qui ont des problèmes de bassin, qui ont eu à subir antérieurement des césariennes. Selon Mabinta Sambou, assistante sociale à la région médicale de Tambacounda et responsable au bureau régional de l’éducation et de l’information pour la santé, cette nouvelle pratique a permis de relever le plateau technique dans les régions de Tambacounda et de Kédougou. Aujourd’hui, la pratique de l’accouchement humanisé a amené le centre Gaspard Kamara à introduire des équipements nouveaux dans les salles d’accouchement. Ainsi, en plus de la traditionnelle table d’accouchement, on trouve des tatamis et des coussins, des ballons d’accouchement de différents formats, des balançoires, etc. A tout cela s’ajoutent des méthodes de relaxation qui sont efficaces pour soulager la douleur pendant l’accouchement. Les parturientes sénégalaises saluent cette initiative où leur bien-être global est au cœur de la prise en soin par les professionnels de la santé. Ce projet-pilote ayant eu des retombées positives dans les districts sanitaires de Tambacounda et Kédougou, et ayant démarré sous les meilleurs auspices à Dakar, l'accouchement humanisé pourrait bientôt être étendu à l'ensemble du territoire national.
À quelques mois de l'échéance des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), force est de constater que l'objectif 5, celui visant à améliorer la santé maternelle et à réduire les décès des parturientes, n'a pas été atteint. Or, la plupart des décès maternels peuvent être évités, grâce notamment à la présence de professionnels de soins qualifiés pendant le travail. Cela requiert que les parturientes se rendent dans un hôpital ou un centre de santé afin de recevoir les soins appropriés. Ce qui ne se fait pas toujours, hélas.
Maïmouna Faye
 Le Témoin
 
Dimanche 20 Juillet 2014
Yusufa Niang