Samuel Sarr, ancien ministre de l'énergie «Ce que l’Ige n’a pas dit à Macky Sall»


La responsabilité de Macky Sall dans la gestion de la SAR.

Les attentes placées sur moi par le président de la République sous la supervision du Premier ministre d'alors président de la République aujourd'hui (Macky Sall) dans ce secteur n'avaient d'égales que les espérances du peuple dans sa capacité et sa volonté d'impulser et d'ordonner une véritable amélioration de leur sort. Et concernant les hydrocarbures, notre objectif premier, fixé par le Premier ministre d'alors et Président aujourd'hui, était de redémarrer la Société africaine de raffinage (SAR) (…) La décision majeure prise en 2007 par le président de la République, en accord avec le Premier ministre concernant la raffinerie, a été l'augmentation des parts de l'Etat dans le capital de la raffinerie à hauteur de 65% au moment où les principaux actionnaires quittaient l'entreprise en laissant une ardoise de 89 milliards de dettes prise en charge par l'Etat. Concernant l'importation des bateaux de brut, cette charge revient à la Direction générale de la SAR, la Directrice commerciale et le Directeur technique de la SAR. Mais avant chaque chargement, je recevais la profitabilité du cargo validé par la BNP qui, je rappelle, avait une mission de contrôle sur la SAR du fait de SA propriété, jusqu'au remboursement intégral de L-C. Nous avions accepté cet état de fait pour éviter que le passé nous rattrape. Cette surveillance nous a permis de rembourser une dette de 89 milliards de FCfa sans en créer d'autres.

La vérité sur le contrat G to G entre le Sénégal et le Nigeria.

Comme je vous l’ai déjà affirmé, dès ma nomination, je me suis rendu au siège de Total et j'ai fait part aux dirigeants de Total de la volonté de l’Etat de poursuivre les activités de la SAR. Je leur ai demandé de procéder à un processing, ils ont décliné la proposition. Je me suis rendu également au Nigeria pour de l’aide. Le Nigeria a octroyé, sur notre insistance, un contrat «G to G», en suggérant diplomatiquement de travailler avec une société en accord avec le NNPC. Nous avions, en collaboration avec BNP Paribas, imposé à cette société une participation au risque financier à hauteur de 30%.

L'oubli de la SAR d'obtenir une licence d'importation date de 1963. Cela ne l’a pas empêché de fonctionner. Après les ateliers de Saly l et 2, nous avions pris le soin de régulariser ce manquement. Après la réouverture de la SAR, nous avions exigé que le fournisseur prenne une part du risque dans la L-C. Je rappelle que nous étions dans un contexte particulier et difficile ou les principaux fournisseurs et actionnaires de la SAR ne souhaitaient plus prendre de risque et qu'il nous fallait trouver des solutions urgentes et innovantes. Beaucoup ne croyait plus à la SAR et je me réjouis d’avoir relevé le défi. Concernant l’évolution institutionnelle de la SAR, nous avons parcouru le monde (Iran, Usa, Inde, Angola. Arabie Saoudite et Qatar) pour trouver des partenaires et ce n'était pas chose aisée du fait de la dette de 129 millions d'euros. Nous avons, en accord avec Total (qui avait exigé que cela ne soit pas un trader et la Nioc-IRAN), cédé 34% des parts à PCMC en mars 20l0, après un coup d'accordéon
financier pour arriver à 80% et céder 51%. Nous avions envisagé de céder 5% au personnel et 5% au détenteur de licence de distribution. Malheureusement, les négociations ont été très longues et le PMES pas encore validé en 2010.

Pourquoi le choix d’un seul fournisseur, APL.

Dans le cadre des cargaisons livrées à la SAR, nous avions écrit à la SAR pour le «First refusaI» en tant qu’actionnaire du fait du «G to G» et du schéma de financement imposant au fournisseur/trader de participer au risques liés à l'ouverture de la L-C à hauteur de 30%. Pour le choix du fournisseur, après avoir demandé à plusieurs pétroliers et traders, qui ont tous décliné, il nous a été fortement suggéré par les autorités nigériennes, en accord avec BNP et NNPC, de choisir ce fournisseur.

Je relève dans votre rapport une accusation d'ingérence que j'assume pleinement. En effet, le Gouvernement étant impliqué dans le financement de la SAR, il m'a été demandé par BNP Paribas et les bailleurs de fonds de m'impliquer dans le financement de la SAR, uniquement en collaboration avec le ministère de l'Economie et des Finances (qui avait délégué un CT à cet effet). Plus précisément, on ne gérait pas la SAR et ne le contrôlait pas comme vous l'affirmez. Cependant, la réouverture de la SAR, le contexte financier et l'évolution du baril au niveau jamais égalé, nous imposaient une préoccupation permanente vis-à-vis de la SAR. J'ajoute que mon implication a été déterminante pour le montage financier et la recherche de partenaires. Et pour cela, j'animais avec une grande fierté une équipe : mes collaborateurs du ministère, les dirigeants de la SAR, les banquiers. Je pense avoir réellement mis mon expertise et expérience au service de mon pays. Notre présence, celle de l'Etat rassurait les créanciers et nous étions à mesure de valider ou pas les engagements de l'Etat. Au-delà de ma personne, la SAR avait comme responsable un Conseil d'administration et une Direction générale, lieux privilégiés des décisions stratégiques et opérationnelles de la SAR. Cette préoccupation permanente de la SAR et le contexte de recherche de partenaires ainsi que le financement nécessitaient des déplacements fréquents à l'Etranger, le Gouvernement ne pouvait pas prendre en charge ces déplacements. Nous avions convenus que les frais pourraient être pris en charge par la SAR comme cela se faisait dans le passé. Je rappelle qu’il m'est arrivé, aussi, de me prendre en charge personnellement pour des séjours à l'Etranger dans le cadre de mes activités du ministère sans remboursement.

Mon ingérence dans la gestion de la SAR.

Concernant les opérations quotidiennes et techniques de la Sar, je me défends d'avoir eu une ingérence quelconque, car la SAR disposaient de cadres compétents sous la responsabilité d'un Directeur général avec comme adjoint le Directeur technique (représentant de Total) assisté par la Directrice commerciale. De plus, l'appartenance de chaque cargo à BNP Paribas a permis un suivi rigoureux des activités de la SAR. Nous étions informés en temps réel par BNP, le Directeur général de la SAR et le CNH dans nos réunions de coordination tous les mercredis avec mes autres collaborateurs. Le CNH était informé en temps réel des opérations de la SAR comme tenu de sa place prépondérante dans le secteur, ceci par des réunions hebdomadaires sur la production et les stocks de la SAR, ainsi que les importations.

Je relève dans votre rapport, aux pages 20 et 21, des erreurs d'appréciations concernant la fixation du prix et les contrats conclus par la SAR. Je n'étais pas du tout impliqué dans le processus. J'ai insisté à plusieurs reprises afin que Total puisse livrer en tant qu’actionnaire avec une participation aux risques financiers. Ils ont toujours décliné, je ne me souviens pas de cette épisode de fixation de prix qui était de la responsabilité exclusive du Dg, de la Direction commerciale et de BNP Paribas. Il apparaît dans votre rapport, page 22 à 30, encore des erreurs d'appréciations. Je voudrais préciser que la SAR, étant sous tutelle de BNP, avait contractuellement des conditions qu'elle avait du mal à respecter du fait du retard de la Senelec. Cette dernière devait recevoir la subvention de l'Etat. Ceci nous a causé beaucoup de problèmes pour les ouvertures de lettre de crédits et des surestaries. Sur proposition de BNP Paribas, en accord avec la SAR, nous avions imposé à la Senelec de prendre en charge les surestaries de mémoire.

L’histoire de l’eau dans le pétrole.

Concernant la présence d'eau, je ne suis pas en mesure de l'attester, ceci relève des Dirigeants de la SAR, de la SGS, de BNP Paribas. Mais à la lumière des documents en ma possession, ainsi que le bilan en matière de la cargaison et les états financiers, j’émets une forte réserve sur vos propos de préjudice de 9 796 769 077 FCfa. Si tel était le cas, ce chiffre aurait dû être relevé par celui qui finance le cargo (BNP), le Conseil d'Administration de la SAR, et les commissaires aux comptes.       Il n'en est nullement le cas. Même si cela a été évoqué par la Directrice commerciale, un jour, le bilan matières de la SAR sur les quantités raffinées en avait démontré le contraire.

En lieu et place de nous féliciter, vous nous servez dans vos conclusions des poursuites judiciaires sans fondement financier, juridique et technique. Et même si ce préjudice était avéré, en quoi ma fonction ministérielle de l'Energie est-elle engagée, tout en sachant que BNP Paribas, Total, les bailleurs de fonds surveillaient la SAR comme du lait sur le feu ? Pourquoi la SAR a fait des bénéfices à partir de 2007, dans un contexte particulièrement difficile, en mobilisant un financement de 250 millions d'euros revolving. S'il y a lieu de se poser des questions, il faut se pencher sur les pertes de 129 millions d'euros qui ont conduit la Sar à la faillite. Cette fermeture qui, je rappelle, a occasionnée une perte supplémentaire de plus de 16 milliards de FCfa (charge fixe de 2,5 milliards/mois pendant sept mois sans activités). Ils sont nombreux à vouloir profiter de ces moments d'inquisition pour dénigrer cette prouesse de réouverture de la SAR dans un contexte particulièrement difficile pendant qu'il est encore temps, de crainte de n'avoir à applaudir. L'histoire se fait par les actes posés par les hommes, mais ne se décrète pas, encore moins en un seul jour à travers des propos diffamatoires et fallacieux. Cette génération admirable qui a réussi l'alternance de 2000 aux côtés d'un grand Homme, est heureusement une génération pionnière dont seul l'abnégation et le sens du devoir a permis au Sénégal d'aujourd'hui et de demain de rattraper le retard coupable accusé par le Sénégal d’hier. Dans le domaine de l'énergie, quelques exemples concrets et chiffrés suffisent à démontrer qu'entre hier et demain, le Sénégal dont la responsabilité nous a incombé était à l'image d'un héritier sans héritage. Rien n'était à construire ou à terminer, car tout était à faire, ce n'est pas le cas du Sénégal d'aujourd'hui.

L'Observateur

 

Vendredi 23 Aout 2013
Daddy Diop