Le 17 août dernier, l’armée française a tué le chef de la branche sahélienne de l’État Islamique. L’opération qui a eu raison de Lahbib Ould Said Ould Ali Ould Joumani alias Adnan Abou Abou Walid al Sahraoui a eu lieu au sud d’Indélimane, dans la forêt de Dangarous. Le chef djihadiste a été neutralisé alors qu’il se déplaçait sur une moto, en compagnie d’une autre personne.
La mort de cette figure de la mouvance djihadiste saharo-sahélienne a été célébrée le 16 septembre par la France, à travers un tweet du président Emmanuel Macron suivi d’une conférence de presse de sa ministre des Armées. « Grâce à une manœuvre de renseignement de longue haleine et grâce à plusieurs opérations de capture de combattants proches d’Adnan Abou Walid Al Sahraoui, la Force Barkhane avait réussi à identifier plusieurs milieux d’intérêts où ce dernier était susceptible de se terrer.
À la mi-août, nous avons pris la décision de lancer l’opération visant ces lieux. C’est dans ce cadre que des opérations aériennes ont été conduites et que l’une d’elle a atteint sa cible », s’est félicité Florence Parly.
Selon la ministre des armées, la neutralisation du chef de la filiale sahélienne de l’EI « porte un coup décisif au commandement de Daesh au Sahel, mais aussi à sa cohésion, car l’EIGS aura des difficultés à remplacer son émir par une figure qui dispose de la même envergure ».
Cette affirmation de Florence Parly semble se confirmer car depuis plus de deux mois après la mort de son émir, l’ex-EIGS n’a pas de nouveau chef. En tout cas pas officiellement.
Abou al Bara al-Sahraoui, le nouvel émir ?
Le président de la Plateforme et secrétaire général du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), a annoncé le 28 octobre dernier la désignation par « l’EI, d’Abdoul Bara al Ansari Assahraoui » comme nouvel émir. D'autres sources parlent plutôt d'Abou al Bara al Sahraoui. Il serait un vétéran du jihad qui fait la navette entre le Sahel et la Libye. L’État Islamique n’a pas officiellement communiqué sur la succession d’Adnan Abou Walid al Sahraoui.
Jusque-là, il s’est contenté de confirmer sa mort à travers sa revue hebdomadaire « Al Naba ». D’abord un hommage aux morts a été illustré d’une photo du djihadiste sahraoui avant que la deuxième partie de son interview ne soit publiée dans le numéro suivant. Une manière pour l’État Islamique de lui rendre un hommage posthume. Explicitement, un message est adressé aux djihadistes ou aspirants dont le moral peut être entamé par la mort de cette figure du terrorisme en Afrique de l’Ouest.
Cependant, l’intronisation d’un nouveau commandant annoncée par Fahad Ag Almahmoud doit être prise au sérieux pour la simple raison qu’il a annoncé en exclusivité la mort d’Al Sahraoui, cinq jours après l’opération de Barkhane.
Mais la prudence recommande d’attendre un communiqué officiel de l’organisation qui peut entretenir le suspense autour de la succession d’Al Sahraoui pour plusieurs raisons.
Comme l’a souligné la ministre française des Armées, l’ancien cadre du Mouvement pour l’Unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) est difficilement substituable eu égard à son envergure.
Ancien du Polisario, Adnan Abou Walid al Sahraoui est arrivé au Mali vers 2010 et devient l'un des caciques du Mouvement pour l'Unicité et le jihad (MUJAO) créé par des dissidents d'Al Qaida au Maghreb Islamique (MUJAO). Lorsque le MUJAO fusionne avec la Brigade des Signataires par le Sang de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar pour former Al Mourabitoune en 2013, al Sahraoui suit la cadence. C'est d'ailleurs au nom de ce groupe qu'il fait allégeance à l’État Islamique en 2015. Désavoué par Belmokhtar, sa soumission est acceptée un an plus tard par l'EI qui ne lui confère pas pour autant le statut de « Wilaya ». Après quelques petites attaques à la frontière avec le Burkina Faso, l'ex-EIGS passe à la vitesse supérieure en octobre 2017 en tuant des bérets verts américains, dans le sud-ouest du Niger, à Tongo-Tongo.
Requinqué par cette opération, le groupe est absorbé par la Province de l’État Islamique en Afrique de l'Ouest en 2019. Année de son affirmation dans la région des trois frontières à travers d'attaques meurtrières contre les armées malienne, nigérienne et burkinabé. Le sommet de Pau organisé en janvier 2020 désigne l’ex-EIGS ennemi numéro de la France et de ses partenaires du G5 Sahel.
Une redéfinition des priorités qui, visiblement est en train de porter ses fruits. Le principal concurrent du Groupe de soutien à l’Islam et à l’Islam (GSIM) est en difficulté. Qui plus est, la traque auréolée de succès de Barkhane contre ses leaders dans le Liptako Gourma a secoué la structure de l’ex-EIGS.
Le 11 juin, Dadi Ould Chouaib est capturé par l’armée française dans le Liptako malo-nigerien. Impliqué dans l’application de peines islamiques au mois de mars à Tin Hama, dans le cercle d’Ansongo (région de Gao), Abou Darda n’aurait pas opposé de résistance aux militaires français.
Quatre jours après, Barkhane tue Al Mahmoud Ag Baye dit Ikeray. Lieutenant d’Adnan Abou Walid al Sahraoui, il était dans le viseur des États-Unis pour avoir été parmi les cerveaux de l’attaque de Tongo Tongo qui a coûté la vie à quatre militaires américains et à des soldats nigériens.
L'État Islamique face à un choix difficile
Ces opérations chirurgicales vont se poursuivre dans la même zone avec la mort le 22 juillet d’Issa Sahraoui qui était le coordinateur logistique du groupe et du juge Abderrahmane al Sahraoui. Numéro deux de l'ex-EIGS, Abdel Hakim al Sahraoui meurt des suites d’une maladie au mois de mai.
Plus qu’une décapitation, cette série noire a installé un malaise entre membres qui ne se feraient plus confiance. Désigner un successeur dans un tel contexte peut s’avérer un parcours du combattant pour le commandement central. C’est d’autant moins évident qu’il faille en même temps le préserver des frappes ciblées de Barkhane de peur qu'il ne soit tué aussitôt après son installation officielle. D’où ce silence sur l’après Adnan Abou Walid al Sahraoui.
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