Les temps politiques sont chamboulés au Sénégal. Les vents tournent. Et les
girouettes avec ! Plus sérieusement le peuple sénégalais vient de manifester à la
face du continent et du monde la preuve de sa maturité politique et de la
résilience de sa démocratie politique démontrant ainsi que son destin ne se
confond ni avec la personnalité d’un homme encore moins avec les machinations
machiavéliques d’ un président…Ce faisant, il a confirmé la pérennité d’un
écosystème politique qui fait ‘l’exception sénégalaise’ capable de sanctionner
l’exercice du pouvoir et de l’alterner de manière ordonnée envers et contre tout…
dans une sous-région aux mœurs démocratiques encore vacillantes et hélas trop
souvent sujettes à régression. Il reste donc à présent à la nouvelle équipe
entrante du Pastef & Cie à jouer sa partition et prolonger ce momentum pour un
approfondissement de notre vivre ensemble démocratique encore perfectible à
bien des égards. Car à bien des égards, il y a encore matière à faire et à parfaire.
En effet sous le magistère de Macky nos systèmes de gouvernance politique,
économique, sociale ou administrative n’ont hélas opéré que des gains marginaux
dans certains domaines si ce n’est régressé lamentablement dans d’autres. Jamais
l’état de droit n’a été aussi malmené et nos libertés publiques mises à mal. Le
‘Projet’ (comme disent les Pastefiens) ou sa version plus realiste de programme
de gouvernement devra donc élargir / rectifier ou solidifier les fondements dans
certains domaines voire refonder totalement dans d’autres à un moment
charnière de notre histoire. En voici un inventaire non exhaustif.
- En politique, le principe consacré de la séparation des pouvoirs
sérieusement chahuté par le pouvoir sortant devra être réhabilité pour
davantage renforcer un rééquilibrage nécessaire et une autonomisation
accrue entre les pouvoirs de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Y
compris la nécessité de sanctuariser les principes d’indépendance des corps
de contrôle et du judicaire en consacrant leur autonomie fonctionnelle
dans la loi fondamentale qu’est notre constitution.
- L’implication plus vigoureuse d’une presse indépendante et impertinente
mais plus professionnelle devra être sauvegardée et consolidée comme
acquis. Sa liberté de blâmer sans entrave ni intimidation rendra plus
crédible ses éloges.
- Sur le plan judiciaire, il sera urgent de mettre un terme à une pratique
pernicieuse d’instrumentalisation de la justice et des juges comme il en fut
le cas hélas trop souvent dans un passé récent ou même lointain. Les
décisions de justice devront être exemplaires pour être acceptées du
citoyen et le règne de l’impunité ou l‘absence de sanctions doivent être
proscrits.
- Sur le plan social, la société civile - sous toutes ses formes et dénominations
- devra poursuivre et étendre son rôle de sentinelle et de rempart de nos
pratiques démocratiques en renforçant sa mission dans la réédification de
l’infrastructure éthique et morale de cette nation qui a beaucoup perdu
sous ce chapitre du fait d’un régime qui a cyniquement voulu ‘ réduire
l’opposition a sa plus simple expression’ ... Il sera opportun de continuer
pour les intellectuels à exercer leur rôle critique, d’agir, d’alerter pour un
retour de conscience civique au travers de nouveaux codes d’intégrité
applicable à tous ceux qui ont (ou qui aspirent) à la charge de l’autorité
publique.
- Sur le plan de la gouvernance économique, il s’imposera l’impérieuse
nécessité de refonder les bases d’un cycle vertueux déjà promis mais hélas
jamais réalisé. L’économie du Sénégal sous le règne du président sortant
(malgré des efforts louables en matière d’infrastructures surtout urbaines)
n’a pas seulement souffert d’un taux de croissance (5.3% en moyenne) qui
a été insuffisant à faire reculer le niveau de pauvreté ou à créer des emplois
nouveaux, elle a aussi subi des pertes énormes liées à la corruption comme
en attestent les rapports (pour ceux publies et non ‘sous le coude’ du PR)
des auditeurs publics de la CC ou de l’IGE. Cette gangrène s’était aussi
muée en sociodrame avec pour effets néfastes de se substituer au mérite
et à l’effort personnels consacrant le culte de l’ostentation et du clinquant
ouvrant l’accès de n’importe qui a n’importe quelle sinécure pourvu qu’il
soit un affidé loyal et apporteur de voix. Pis la corruption érigée en
méthode de prédation a donné cours a bien des dysfonctionnements sous
forme de détournements, d’enrichissements illicites, de scandales
financiers et d’accaparements fonciers, toutes pratiques qui ont abime et
distendu les liens entre l’État et l’intérêt général. Il sera donc primordial de
réévaluer notre système d’intégrité national et restructurer sa capacité à
prévenir, détecter et sanctionner la corruption et la fraude. La reddition des
comptes est une chaîne qui commence par le contrôle, mais qui pour
aboutir à des actions concrètes, doit passer par une justice forte,
indépendante. De surcroit une approche plus unificatrice des divers
organes (CC, IGE, OFNAC etc.) de vérification et de lutte contre la
corruption et leur mise sous une tutelle indépendante
(constitutionnellement verrouillée) de l’exécutif serait un alignement
salutaire aux normes internationales et un gage crédible d’une nouvelle
détermination à agir contre la prévarication des comptes publics.
- Au plan des affaires, une transparence restaurée avec des règles claires
améliorera l’attractivité du Sénégal pour les flux de capitaux étrangers. Des
règles plus aptes à accroitre la prévisibilité de l’interaction dans les
pratiques marchandes et à mieux protéger contre les abus de l’autorité
administrative ou judiciaire dans les pratiques contractuelles. Ceci n’est pas
incompatible avec le désir de mieux protéger nos intérêts nationaux
souverains et de revoir certains montages contractuels défavorables à
condition que le volontarisme clamé soit informé et assisté par des
compétences et une expertise solides afin d’éviter des conséquences
fâcheuses et couteuses au trésor public comme par le passé avec A Wade.
- Au plan macro- économique. Les enjeux du prochain quinquennat et au-
delà pour ce pays tournent autour des risques insuffisamment mitiges sous
le président Macky de la gestion d’un modèle de croissance sans emploi
mais aussi insuffisamment redistributive, de la formation et de l’insertion
des jeunes.
- Le modèle économique retenu vers l’émergence qui a été très orienté vers
les infrastructures de mobilité dans sa version PSE devra renouer avec les
fondamentaux testés non pas par la théorie mais par l’histoire économique
des rares pays ( en Asie) de notre ère contemporaine qui ont su
définitivement rompre les amarres de la pauvreté et accéder durablement
au statut de pays émergents à revenus intermédiaires voire supérieurs .
En effet la trajectoire économique sans exception de ces pays (Japon,
Chine, Corée, Malaisie, Taiwan etc.) qui ont réellement émergé du sous-
développement témoigne d’une approche volontariste de politiques
publiques gérées par une agence centrale ( MITI Japon, EPB Corée du Sud,
IDB Taiwan etc.) qui toutes invariablement ont consisté en des
interventions ciblées autour de priorités structurantes qui ont pour noms :
réforme agraire, transformation agricole, promotion industrielle , réforme
financière / monétaire. En Asie du Sud et du Nord Est c’est en effet un
secteur primaire au foncier réformé et bien ressourcé qui a permis
l’autosuffisance alimentaire et la création de richesse et d’épargne menant
à une industrialisation, le tout soutenu par un secteur financier semi
contrôlé et aligné sur les objectifs de développement sectoriels notamment
en matière de politique de crédit et de taux d’intérêts. Au Sénégal une
économie agricole reformée et financée par des ressources adéquates,
encadrée par une recherche et une formation appropriée sera la clé de
voûté de notre souveraineté alimentaire et la base de toute stratégie de
création massive d’emplois dans un secteur à forte intensité de travail et a
faibles barrières d’entrée. Ce secteur a en effet potentiellement les
multiplicateurs d'emploi les plus élevés dans les domaines de l’élevage de
l’horticulture, des chaînes de valeur de production de riz, du mil etc. de la
pèche sans compter celles en amont de l’agro -transformation. Les autres
chantiers connexes de l’industrie manufacturière / pétrolière / services et
de la réforme financière (y compris celle nécessaire du franc CFA) devront
venir compléter cette approche multisectorielle qui s’appuiera sur des
secteurs prioritaires limitativement identifiés et dont la création
d’opportunités d’emplois productives et durables devra rester au cœur des
interventions. L’économie des hydrocarbures et ses revenus additionnels
devront obéir à cette même logique d’orientation vers des projets à forte
intensité de main d’œuvre et non pas subventionner inconsidérément la
consommation.
- Il restera que pour être viable ces politiques devront aussi s’adosser sur une
stratégie d’intégration régionale voire continentale pour opérer au-delà de
nos marchés domestiques trop exigus. D’où l’impérieuse nécessité de
reconsolider la CEDEAO et de promouvoir la ZLEC à l’échelle du continent.
- Enfin une gouvernance économique effective est aussi une gouvernance
qui se mesure et s’évalue. Une fonction robuste de suivi et d’évaluation de
la performance gouvernementale -rattachée à l’autorité directe du
président- lui rendra sa crédibilité et son efficacité. La cacophonie d’une
action gouvernementale atomisée autour d’un découpage ministériel
pléthorique et incohérent devra être bannie. L’exécution de cette action
par des ministères techniques ou agences publiques devra être considérée
sans à priori guidée par le seul souci de l’efficacité économique et de
l’impact recherché.
Cependant à vouloir égrener ces réformes il ne doit échapper à personne
l’autre défi qui réside dans la manière de mener et de combiner ces
transformations dont certaines sont complexes. Les promoteurs du ‘Projet’
opteront ils pour une approche gradualiste de séquençage des mesures de
changement, conscients de la nécessaire progressivité des reformes dans un
environnement sénégalais à maints égards sous contraintes. Ou au contraire
souscriront ils à une vision maximaliste que justifieraient la complémentarité
des reformes et l’urgence de la demande sociale qui impose d’aller vite et loin.
Voilà une difficile équation d’économie politique et de politique tout court.
Car en définitive une fois dissipée la griserie de ce séisme politique souhaité
par une accablante majorité, la réalité têtue d’un pays pauvre (rang IDH /
Nations Unies du Sénégal 169 sur 193 pays) - où les causes structurelles des
prémices d’incendie social restent entières - ne disparaîtra pas de sitôt
comme par enchantement ! Le principe de réalité sera bien le premier écueil à
l’entame de l’exercice du pouvoir. Oui hélas l’exception démocratique n’est
pas une nourriture terrestre, elle ne se mange pas, elle n’est pas une fin mais
seulement la condition de possibilité de la seule exception qui vaille et qui
n’est pas donnée mais est à construire: celle d’un mieux-être pour le plus
grand nombre.
Ainsi le vote du 25 mars aux allures de plébiscite apparait comme un double cri
de désenchantement contre les sortants mais aussi d’espérance et de soif de
mieux - vivre pour l’avenir qui est ici et maintenant ! Puisse ce cri resonner
pour longtemps dans les têtes et les cœurs des vainqueurs du jour à jamais
épargnés du syndrome d’hubris. Pour que triomphe enfin l’avènement d’un
état parcimonieux, un état équitable, un état transparent, pour tout dire un
état citoyen. Une singulière opportunité pour ce pays d’être enfin sujet
souverain de sa propre histoire. Ne la gâchons pas !
Papa M Tandian (PhD)
Consultant International
X (Twitter) : @tandia
girouettes avec ! Plus sérieusement le peuple sénégalais vient de manifester à la
face du continent et du monde la preuve de sa maturité politique et de la
résilience de sa démocratie politique démontrant ainsi que son destin ne se
confond ni avec la personnalité d’un homme encore moins avec les machinations
machiavéliques d’ un président…Ce faisant, il a confirmé la pérennité d’un
écosystème politique qui fait ‘l’exception sénégalaise’ capable de sanctionner
l’exercice du pouvoir et de l’alterner de manière ordonnée envers et contre tout…
dans une sous-région aux mœurs démocratiques encore vacillantes et hélas trop
souvent sujettes à régression. Il reste donc à présent à la nouvelle équipe
entrante du Pastef & Cie à jouer sa partition et prolonger ce momentum pour un
approfondissement de notre vivre ensemble démocratique encore perfectible à
bien des égards. Car à bien des égards, il y a encore matière à faire et à parfaire.
En effet sous le magistère de Macky nos systèmes de gouvernance politique,
économique, sociale ou administrative n’ont hélas opéré que des gains marginaux
dans certains domaines si ce n’est régressé lamentablement dans d’autres. Jamais
l’état de droit n’a été aussi malmené et nos libertés publiques mises à mal. Le
‘Projet’ (comme disent les Pastefiens) ou sa version plus realiste de programme
de gouvernement devra donc élargir / rectifier ou solidifier les fondements dans
certains domaines voire refonder totalement dans d’autres à un moment
charnière de notre histoire. En voici un inventaire non exhaustif.
- En politique, le principe consacré de la séparation des pouvoirs
sérieusement chahuté par le pouvoir sortant devra être réhabilité pour
davantage renforcer un rééquilibrage nécessaire et une autonomisation
accrue entre les pouvoirs de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Y
compris la nécessité de sanctuariser les principes d’indépendance des corps
de contrôle et du judicaire en consacrant leur autonomie fonctionnelle
dans la loi fondamentale qu’est notre constitution.
- L’implication plus vigoureuse d’une presse indépendante et impertinente
mais plus professionnelle devra être sauvegardée et consolidée comme
acquis. Sa liberté de blâmer sans entrave ni intimidation rendra plus
crédible ses éloges.
- Sur le plan judiciaire, il sera urgent de mettre un terme à une pratique
pernicieuse d’instrumentalisation de la justice et des juges comme il en fut
le cas hélas trop souvent dans un passé récent ou même lointain. Les
décisions de justice devront être exemplaires pour être acceptées du
citoyen et le règne de l’impunité ou l‘absence de sanctions doivent être
proscrits.
- Sur le plan social, la société civile - sous toutes ses formes et dénominations
- devra poursuivre et étendre son rôle de sentinelle et de rempart de nos
pratiques démocratiques en renforçant sa mission dans la réédification de
l’infrastructure éthique et morale de cette nation qui a beaucoup perdu
sous ce chapitre du fait d’un régime qui a cyniquement voulu ‘ réduire
l’opposition a sa plus simple expression’ ... Il sera opportun de continuer
pour les intellectuels à exercer leur rôle critique, d’agir, d’alerter pour un
retour de conscience civique au travers de nouveaux codes d’intégrité
applicable à tous ceux qui ont (ou qui aspirent) à la charge de l’autorité
publique.
- Sur le plan de la gouvernance économique, il s’imposera l’impérieuse
nécessité de refonder les bases d’un cycle vertueux déjà promis mais hélas
jamais réalisé. L’économie du Sénégal sous le règne du président sortant
(malgré des efforts louables en matière d’infrastructures surtout urbaines)
n’a pas seulement souffert d’un taux de croissance (5.3% en moyenne) qui
a été insuffisant à faire reculer le niveau de pauvreté ou à créer des emplois
nouveaux, elle a aussi subi des pertes énormes liées à la corruption comme
en attestent les rapports (pour ceux publies et non ‘sous le coude’ du PR)
des auditeurs publics de la CC ou de l’IGE. Cette gangrène s’était aussi
muée en sociodrame avec pour effets néfastes de se substituer au mérite
et à l’effort personnels consacrant le culte de l’ostentation et du clinquant
ouvrant l’accès de n’importe qui a n’importe quelle sinécure pourvu qu’il
soit un affidé loyal et apporteur de voix. Pis la corruption érigée en
méthode de prédation a donné cours a bien des dysfonctionnements sous
forme de détournements, d’enrichissements illicites, de scandales
financiers et d’accaparements fonciers, toutes pratiques qui ont abime et
distendu les liens entre l’État et l’intérêt général. Il sera donc primordial de
réévaluer notre système d’intégrité national et restructurer sa capacité à
prévenir, détecter et sanctionner la corruption et la fraude. La reddition des
comptes est une chaîne qui commence par le contrôle, mais qui pour
aboutir à des actions concrètes, doit passer par une justice forte,
indépendante. De surcroit une approche plus unificatrice des divers
organes (CC, IGE, OFNAC etc.) de vérification et de lutte contre la
corruption et leur mise sous une tutelle indépendante
(constitutionnellement verrouillée) de l’exécutif serait un alignement
salutaire aux normes internationales et un gage crédible d’une nouvelle
détermination à agir contre la prévarication des comptes publics.
- Au plan des affaires, une transparence restaurée avec des règles claires
améliorera l’attractivité du Sénégal pour les flux de capitaux étrangers. Des
règles plus aptes à accroitre la prévisibilité de l’interaction dans les
pratiques marchandes et à mieux protéger contre les abus de l’autorité
administrative ou judiciaire dans les pratiques contractuelles. Ceci n’est pas
incompatible avec le désir de mieux protéger nos intérêts nationaux
souverains et de revoir certains montages contractuels défavorables à
condition que le volontarisme clamé soit informé et assisté par des
compétences et une expertise solides afin d’éviter des conséquences
fâcheuses et couteuses au trésor public comme par le passé avec A Wade.
- Au plan macro- économique. Les enjeux du prochain quinquennat et au-
delà pour ce pays tournent autour des risques insuffisamment mitiges sous
le président Macky de la gestion d’un modèle de croissance sans emploi
mais aussi insuffisamment redistributive, de la formation et de l’insertion
des jeunes.
- Le modèle économique retenu vers l’émergence qui a été très orienté vers
les infrastructures de mobilité dans sa version PSE devra renouer avec les
fondamentaux testés non pas par la théorie mais par l’histoire économique
des rares pays ( en Asie) de notre ère contemporaine qui ont su
définitivement rompre les amarres de la pauvreté et accéder durablement
au statut de pays émergents à revenus intermédiaires voire supérieurs .
En effet la trajectoire économique sans exception de ces pays (Japon,
Chine, Corée, Malaisie, Taiwan etc.) qui ont réellement émergé du sous-
développement témoigne d’une approche volontariste de politiques
publiques gérées par une agence centrale ( MITI Japon, EPB Corée du Sud,
IDB Taiwan etc.) qui toutes invariablement ont consisté en des
interventions ciblées autour de priorités structurantes qui ont pour noms :
réforme agraire, transformation agricole, promotion industrielle , réforme
financière / monétaire. En Asie du Sud et du Nord Est c’est en effet un
secteur primaire au foncier réformé et bien ressourcé qui a permis
l’autosuffisance alimentaire et la création de richesse et d’épargne menant
à une industrialisation, le tout soutenu par un secteur financier semi
contrôlé et aligné sur les objectifs de développement sectoriels notamment
en matière de politique de crédit et de taux d’intérêts. Au Sénégal une
économie agricole reformée et financée par des ressources adéquates,
encadrée par une recherche et une formation appropriée sera la clé de
voûté de notre souveraineté alimentaire et la base de toute stratégie de
création massive d’emplois dans un secteur à forte intensité de travail et a
faibles barrières d’entrée. Ce secteur a en effet potentiellement les
multiplicateurs d'emploi les plus élevés dans les domaines de l’élevage de
l’horticulture, des chaînes de valeur de production de riz, du mil etc. de la
pèche sans compter celles en amont de l’agro -transformation. Les autres
chantiers connexes de l’industrie manufacturière / pétrolière / services et
de la réforme financière (y compris celle nécessaire du franc CFA) devront
venir compléter cette approche multisectorielle qui s’appuiera sur des
secteurs prioritaires limitativement identifiés et dont la création
d’opportunités d’emplois productives et durables devra rester au cœur des
interventions. L’économie des hydrocarbures et ses revenus additionnels
devront obéir à cette même logique d’orientation vers des projets à forte
intensité de main d’œuvre et non pas subventionner inconsidérément la
consommation.
- Il restera que pour être viable ces politiques devront aussi s’adosser sur une
stratégie d’intégration régionale voire continentale pour opérer au-delà de
nos marchés domestiques trop exigus. D’où l’impérieuse nécessité de
reconsolider la CEDEAO et de promouvoir la ZLEC à l’échelle du continent.
- Enfin une gouvernance économique effective est aussi une gouvernance
qui se mesure et s’évalue. Une fonction robuste de suivi et d’évaluation de
la performance gouvernementale -rattachée à l’autorité directe du
président- lui rendra sa crédibilité et son efficacité. La cacophonie d’une
action gouvernementale atomisée autour d’un découpage ministériel
pléthorique et incohérent devra être bannie. L’exécution de cette action
par des ministères techniques ou agences publiques devra être considérée
sans à priori guidée par le seul souci de l’efficacité économique et de
l’impact recherché.
Cependant à vouloir égrener ces réformes il ne doit échapper à personne
l’autre défi qui réside dans la manière de mener et de combiner ces
transformations dont certaines sont complexes. Les promoteurs du ‘Projet’
opteront ils pour une approche gradualiste de séquençage des mesures de
changement, conscients de la nécessaire progressivité des reformes dans un
environnement sénégalais à maints égards sous contraintes. Ou au contraire
souscriront ils à une vision maximaliste que justifieraient la complémentarité
des reformes et l’urgence de la demande sociale qui impose d’aller vite et loin.
Voilà une difficile équation d’économie politique et de politique tout court.
Car en définitive une fois dissipée la griserie de ce séisme politique souhaité
par une accablante majorité, la réalité têtue d’un pays pauvre (rang IDH /
Nations Unies du Sénégal 169 sur 193 pays) - où les causes structurelles des
prémices d’incendie social restent entières - ne disparaîtra pas de sitôt
comme par enchantement ! Le principe de réalité sera bien le premier écueil à
l’entame de l’exercice du pouvoir. Oui hélas l’exception démocratique n’est
pas une nourriture terrestre, elle ne se mange pas, elle n’est pas une fin mais
seulement la condition de possibilité de la seule exception qui vaille et qui
n’est pas donnée mais est à construire: celle d’un mieux-être pour le plus
grand nombre.
Ainsi le vote du 25 mars aux allures de plébiscite apparait comme un double cri
de désenchantement contre les sortants mais aussi d’espérance et de soif de
mieux - vivre pour l’avenir qui est ici et maintenant ! Puisse ce cri resonner
pour longtemps dans les têtes et les cœurs des vainqueurs du jour à jamais
épargnés du syndrome d’hubris. Pour que triomphe enfin l’avènement d’un
état parcimonieux, un état équitable, un état transparent, pour tout dire un
état citoyen. Une singulière opportunité pour ce pays d’être enfin sujet
souverain de sa propre histoire. Ne la gâchons pas !
Papa M Tandian (PhD)
Consultant International
X (Twitter) : @tandia