SCANDALE DES AUDIENCES FICTIVES DE LA COUR D'APPEL : Le Doyen des juges ouvre la boîte de pandore

Libération révèle que Amadou Lamine Diagne, le cerveau du scandale présumé qui a secoué la Cour d’appel, sera entendu dans le fond le jeudi 7 décembre. Ce, en même temps que les autres personnes mises en cause dans cette affaire qui secoue la Justice. Que va t-il dire face au magistrat instructeur ?


Le Doyen des juges ouvre la boîte de Pandore. Selon les informations de Libération, Amadou Lamine Diagne, ce greffier en service à la Cour d’appel et qui se trouve au cœur du scandale qui secoue la Justice, sera entendu dans le fond par le Doyen des juges le jeudi 7 décembre prochain.
Que va t-il dire face au magistrat instructeur ? va t-il faire des révélations ? La seule certitude du moment est que ses co inculpés ont été convoqués pour le même jour.
Il faut dire que M. Diagne a déjà beaucoup parlé devant les enquêteurs de la Section de Recherches.
Dans plusieurs cas de détenus libérés moyennant paiements, il organisait des audiences fictives. En exploitant l’ordinateur du cerveau de cette scandaleuse affaire, les enquêteurs de la Plateforme numérique de la Gendarmerie nationale ont découvert au détail près comment ces audiences étaient simulées. Des éléments renversants.
Selon nos informations, ce greffier s’assurait d’abord que le « client » n’a pas fait appel. Avant de jouer sur les signatures de ses supérieurs hiérarchiques qu’il détient en totalité pour les avoir scannées. Ainsi, il transmet un dossier « de la Cour d’appel » à la Maison d’arrêt dans laquelle le « client » est emprisonné. L’administration pénitentiaire qui ne peut pas douter que le document est un faux notifie au prisonnier que son dossier va passer en jugement.
De suite, Amadou Lamine Diagne fabrique un autre dossier qui fait croire que l’audience s’est tenue et que le détenu est libre en y mettant la signature scannée de l’avocat général près la Cour d’appel. Le tour était joué...
Ce procédé mafieux a permis de libérer des détenus écroués à Dakar mais aussi à Thiès, Gossas, Foundiougne, Mbacké, Tivaouane ou Mbour.
La « réputation » de Diagne était telle qu’il était sollicité de partout comme l’ont découvert les enquêteurs de la Section de Recherches qui l’ont pisté pendant trois mois. À preuve, l’un de ses complices présumés se trouve être un de ses anciens clients.
En effet, Moussa Khaira Ndiaye qui agissait comme intermédiaire aux côtés de Issakha Lakhoune était emprisonné mais curieusement il a recouvré la liberté sur la base de faux après que ses parents ont versé 200.000 FCfa à Amadou Lamine Diagne. Une fois dehors, il a « vendu » son « sauveur » aux familles des détenus. Par ailleurs, les enquêteurs ont établi que Amadou Lamine Diagne gérait un autre « business » : le transfert de détenus vers le Cap Manuel où les conditions de détention sont réputées moins rigides.
En usant des mêmes procédés mafieux et contre paiements, Amadou Lamine Diagne a ainsi pu « transférer » au Cap Manuel ou vers d’autres prisons des détenus qui n’avaient même pas purgé la moitié de leurs peines.
Interrogé sur ce point alors qu’il était entendu à la Section de Recherches sous le régime de la garde à vue, Amadou Lamine Diagne a esquivé arguant que cette prérogative relève de l’administration pénitentiaire.
Tout au plus, il a juste reconnu l’organisation des « audiences fictives ». À ce propos d’ailleurs, il a tenu à laver à grande eau les magistrats de la Cour d’appel où il exerçait.
Selon ses dires, aucun juge exerçant à la Cour d’appel n’était au courant de son trafic bâti sur le faux. Une entreprise criminelle qui allait perdurer si les gendarmes n’avaient pas frappé au cœur du réseau.
Grâce à sa position, Amadou Lamine Diagne disposait des signatures de toute sa hiérarchie qu’il avait scannées. Des informations supplémentaires obtenues par Libération attestent d’ailleurs que ces audiences fictives ont permis la libération du Congolais Mariem K., de l’Espagnol Jorge C.A et du Camerounais Messina P.R. Ce, en plus des douze Nigérians et de plusieurs autres.
Dans le cadre de cette affaire, les enquêteurs ont procédé et mis à la disposition des juges  six parentes de détenus qui ont monnayé la promesse de libération de leurs proches. Dans le lot figure Aissata D. K. Cette aide-soignante au district sanitaire, mère de trois enfants, a été cueillie par les gendarmes à Tambacounda grâce à l’intervention de la brigade de la même localité.
Ce qui est assez incroyable est que cette dernière a été jointe au téléphone par son oncle Babacar T. qui est en... prison pour remettre 100.000 FCfa à un intermédiaire devant assurer sa libération.
Un montant que Aissata D.K a versé même si, pour ce coup, la mafia n’a pas pu faire de miracle puisque l’oncle en question est toujours en prison.
Un cas similaire à celui de Lalla B.D, agent commercial, écrouée dans le cadre de la même affaire. Cette dernière a payé 100.000 FCFA, mais son mari Pa M. n’a pas été libéré. D’après toujours nos sources, Diarra S., agent municipal à la ville de Dakar, est tombée dans la nasse des gendarmes. Prise en charge par les enquêteurs avant d’être discrètement embarquée , elle a été mise en cause pour avoir tenté de faire libérer son fils écroué pour coups et blessures.
Diarra S. jure que son fils a été libéré par voie judiciaire après une maladie, mais les enquêteurs disposent d’informations prouvant le contraire.
A noter que le jour même de son interpellation, Amadou Lamine Diagne a reçu à son bureau des « clients » de Saint-Louis venus négocier la libération de leur proche. Les deux parties étaient tombées d’accord sur la somme de 150.000 F Cfa. Le sieur Diagne a failli tomber à la renverse lorsque les gendarmes lui ont balancé cette information lors de sa garde à vue lui qui soutenait n’avoir jamais reçu de « clients » dans son bureau.
Mardi 14 Novembre 2017




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