Revue de presse Afrique - A la Une : l’avant-débat présidentiel au Sénégal (AUDIO)


RPAF0610
(04:47)
 
 

La présidentielle est prévue pour février prochain, mais déjà les esprits s’enflamment au Sénégal. Depuis ces derniers mois, la polémique tourne autour de la constitutionnalité de la candidature du président sortant Abdoulaye Wade. Rappel des faits avec le quotidien Walfadjri : l’opposition sénégalaise « dénonce la troisième candidature de Me Wade et la juge irrecevable en se basant sur les articles 27 et 104 de la Constitution qui indiquent respectivement que "la durée du mandat du président de la République est de sept ans" et que "le mandat est renouvelable une seule fois". »

Pour sa part, poursuit Walfadjri, « la mouvance présidentielle soutient le contraire et soustrait le premier mandat présidentiel (2000-2007) de Me Wade du décompte des mandats. Pour la mouvance présidentielle, en effet, le président Wade n’a eu qu’un seul mandat (2007-2012) du fait que la nouvelle Constitution du 22 janvier 2001, votée par voie référendaire, n’admet point la loi de la rétroactivité. Pour la majorité, dès lors qu’il y a une nouvelle Constitution, le compteur doit être remis à zéro. »

Le grain de sel de la Raddho…

Cette querelle constitutionnelle a été récemment alimentée par la prise de position de la Raddho, importante organisation de défense des droits de l’homme. La Raddho qui appuie la thèse de l’opposition et qui dénonce donc la candidature du président sortant. Du coup, colère de la mouvance présidentielle…

Avant-hier mardi 4 octobre, Serigne Mbacké Ndiaye, le ministre porte-parole du Chef de l’Etat, a tapé du poing sur la table. Ses propos sont repris et commentés par l’ensemble de la presse sénégalaise, à l’instar du quotidien Sud : « Serigne Mbacké Ndiaye a franchi le Rubicon pour valider la candidature du Président de la République en perspective de l’élection présidentielle de février 2012. Face à la presse, le ministre porte-parole du Chef de l’Etat a déclaré de manière péremptoire que "Wade sera candidat". Et, sous une menace à peine voilée, il a averti l’opposition que "force restera à la loi". »

Serigne Mbacké Ndiaye s’en est pris directement à la Raddho avec cette phrase reprise par Le Soleil : « La Raddho ne peut pas être juge et partie. (…) Il est inadmissible, inacceptable que des gens qui se disent membres de la Société civile puissent mener un combat politique et dire par la suite qu’ils seront observateurs de l’élection présidentielle. »

Alors, chacun amène sa pierre au débat. Et on revient à Walfadjri qui relève que « quelle que soit la thèse soutenue, Me Wade aura fait 12 ans à la tête du Sénégal en 2012 et arithmétiquement deux mandats (2000-2007) et (2007-2012). Pour un homme qui a combattu plus de la moitié de sa vie pour la promotion de la démocratie en tant qu’opposant politique, il est anormal qu’il soit sujet à un tel déchirement », estime Walfadjri qui poursuit : « l’Afrique est riche d’exemples judicieux : l’Afrique du Sud avec Mandela, le Mali avec les présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré qui ont fait chacun deux mandats ; le Nigeria avec Obasanjo, le Ghana avec John Kufuor, ou encore le Cap-Vert qui est en train de battre le record des alternances politiques. »

Une polémique stérile ?

Dans la presse de la sous-région, on suit la situation sénégalaise avec attention, notamment au Burkina. L’Observateur revient sur la polémique entre la présidence sénégalaise et la Raddho. Une « polémique qui n’a pas lieu d’être », estime le journal. « Et si la présidence ne veut pas ajouter de la crise à la crise, elle doit arrêter ce débat stérile et se concentrer sur l’essentiel, affirme L’Observateur. Dans toute élection, il y a l’observation partisane, faite par les partis politiques, et l’observation indépendante, qui est du ressort des ONG. Dans le cas d’espèce, relève le quotidien burkinabé, la présence de la Raddho sur le terrain ne peut qu’apporter sa part de crédit au scrutin, ce que ne peut refuser un candidat à sa propre succession. »

Analyse similaire pour le quotidien Le Pays qui parle de « fausse querelle » et qui estime que « Me Wade et ses partisans se conduisent comme s’ils avaient peur de perdre prochainement le pouvoir. Il est vrai que face à des gens aussi organisés que ceux de la société civile qui ne le soutiennent plus, le président Wade aura fort à faire pour remporter le prochain scrutin, affirme Le Pays. (…) La fébrilité qui gagne les rangs des partisans de l’actuel chef de l’Etat sénégalais traduit une peur évidente de l’inconnu, poursuit le quotidien burkinabé. Il y a un acharnement à diaboliser la société civile autant que l’adversaire politique. Cela n’a rien d’élégant, conclut Le Pays. Me Wade doit éviter de verser dans la polémique stérile. »

( Frédéric Couteau - RFI )
Jeudi 6 Octobre 2011