Retour sur les lieux du crime : Qui était Bienvenu Ndecky, le fan de Balla Gaye tué ? (Par Le Pays).


Après avoir été mis au parfum hier, aux environs de 14 heures, par une de nos sources, nous nous engouffrions dans un de nos véhicules de type 4 x4, conduit par notre chauffeur de choc Albert.  C’était pour nous rendre à la morgue de l’hopital Aristride Le DANTEC où git, en attendant d’être porté sous terre, le jeune Bienvenu Ndecky, ravi à l’affection des siens à l’âge de 18 ans, peut-être parce qu’il  a  « commis l’erreur » d’être un mordu de Balla Gaye 2. En effet, Bienvenu Ndecky a perdu la vie à la fleur de l’âge pour avoir osé porter un tee-shirt à l’effigie de son idole de lutteur. Il exultait comme bon nombre d’aficionados de l’illustre fils de Double Less, dans l’artère dite « 2ème étage », sur la route de Boune.
Dans ladite avenue, où nous sommes arrivés vers 17 heures, il fallait user de tact pour avoir l’adresse du défunt Bienvenu. Le fait s’avère, cependant, insolite pour mériter d’être porté à votre attention. Figurez-vous qu’aussitôt descendus de notre véhicule 4 x 4, nous nous sommes hâtés vers un groupuscule de vieux qui devisaient tranquillement sur un banc public. Ne passant pas inaperçus, avec notre imposante véhicule, nous avons, du coup, été la risée des vieux, qui n’arrêtaient pas de se chuchoter des mots. « Ils nous soupçonnent d’être des limiers », fait remarquer Fallou Mbengue, notre photographe, avec son sac en bandoulière, lequel lui donne des allures de détective. Après les salutations d’usage, nous nous heurtons à l’omerta érigé en règle par les Vieux qui nous balancent, tout de go, un retentissant «on n’en sait rien. Nous quittons ce lieu juste après la prière de Takoussane !»  Le même scénario se produit avec d’autres quidams, entre autres dames apostrophées juste pour avoir l’adresse de la famille éplorée des Ndecky.  C’est après d’intenses recherches qu’un jeune nous indique enfin la maison nichée dans une zone sinueuse et embourbée :c’est aux environs du quartier dit « Tollou Mango ».  Selon notre jeune interlocuteur, la zone est réputée « interlope et criminogène ». A l’en croire, « les meurtres sont monnaie courante dans le secteur. » Et il mentionne, à titre illustratif, qu’un Peul a été fraîchement assassiné dans le coin.
C’est au détour d’un vague terrain que se dresse, comme un cobra, le quartier dit « Tawfèkh » au coin duquel se trouve la  maison des Ndecky. Une baraque qui contraste d’avec l’immeuble beige d’en face avec ses marbres.  A la devanture, des dames, la mine accablée nous dévisagent. « Ma maman se trouve à l’intérieur, de même que le Vieux », renseigne l’une des sœurs du regretté Bienvenu trouvée à l’extérieur. La demeure refuse du monde. Le seuil franchi, nous sommes accueillis par de vieux briscards, qui nous assaillent de regards affligés. « Voilà son papa ! », nous indique-t-on.  Face au papa de Bienvenu, il fallait user d’alchimies pour ne pas se faire éconduire. Fort heureusement, le papa fera montre de bon sens et nous reçoit avec mille civilités.
                                                                 Profil du regretté
 A l’en croire, son fils cadet a juste «commis l’erreur» de manifester son appartenance et sa joie après la victoire éclatante de Balla Gaye 2 ; ce qu’il ne fallait pas  faire devant le ou les inconditionnels de Tyson.  Et selon les témoignages recueillis sur place,  Bienvenu Ndecky  sera froidement poignardé à la cuisse par son ou ses bourreaux jusque-là introuvables. Mais l’enquête ouverte par le commissariat de Yeumbeul   se  poursuit », précise le papa meurtri, les yeux humectés de larmes. Le défunt, d’aucuns s’accordent à le décrire comme une âme constamment enthousiaste, plein d’entrain et de vie : « Pour un oui ou non, il souriait », témoigne l’une de ses tantes qui ne peut contenir ses larmes. Aussi, réclamera-t-elle que « celui ou ceux qui ont commis cet acte crapuleux soit condamné à mort ou tué ». Non sans déplorer l’insécurité notoire de Boune «qui mérite enfin un commissariat ou une brigade de gendarmerie », prône-t-elle.
En outre, l’on nous apprendra que la fratrie des Ndecky, aux revenus modestes à l’image du commun des Sénégalais, est issue de Sedhiou.  « C’est juste après ma retraite que Bienvenu a arrêté ses études », renseigne son papa. Le rappelé à Dieu tenait à  trouver, vaille que vaille, un emploi  à même d’alléger le fardeau de son papa, qui fera des pieds et des mains afin que Bienvenu soit embauché à BATIMAT (ndlr : boîte dans lequel le pater a servi jusqu’à sa retraite).  Ce qui fut fait. Mais, le compagnonnage avec l’entreprise sera un feu follet. Bienvenu lâchera tout pour squatter les  arrêts de « Cars Rapides ». Il sera apprenti jusqu’à son rendez-vous avec la Grande Faucheuse.  Parti à la fleur de l’âge, Bienvenu  n’aura pas le temps de convoler en justes noces, encore moins de laisser à la  postérité  une « ombre » (ndlr : un enfant).
                                                                                                                       EDOUARD DIAGNE
Mardi 2 Aout 2011