En exil dans la capitale ghanéenne, Touré Moussa, alias "Zéguen", a fondé la Coalition internationale pour la libération de la Côte d’Ivoire. Cet ancien chef d’une milice pro-Gbagbo ne désespère pas de voir le président déchu revenir au pouvoir.
Il n’a pas encore accepté la défaite électorale de Laurent Gbagbo, et digère mal la débâcle militaire de son camp. À Accra, la capitale du Ghana où il s’est retiré avec plusieurs autres responsables des milices pro-Gbagbo, Touré Moussa, alias « Zéguen », le chef du Groupement des patriotes pour la paix (GPP), œuvre activement au retour de son mentor.
Dès le début de l’entretien, Zéguen va droit au but. S’il refuse que le moindre détail sur sa résidence et son entourage immédiat soit dévoilé, il est certainement le seul pro-Gbagbo exilé à Accra qui ose s’exprimer sans trop de précautions. « Personnellement, je crois en la loi du talion. Dorénavant, avec les rebelles, c’est œil pour œil et dent pour dent », lâche-t-il. Quitte à reprendre les armes ?
Dans un demi-sourire, Zéguen esquive la question. Celui qui revendiquait 20 000 hommes après la création du GPP en 2003 préfère répondre par un appel, et une menace voilée : « J’invite les Ivoiriens à s’organiser pour qu’on chasse par la rue les imposteurs, comme en Égypte ou en Tunisie, et le cas échéant par tous les moyens humains possibles. »
"Coalition internationale" anti-Ouattara
En arrivant à Accra, le « commandant » Zéguen a mis sur pied une Coalition internationale pour la libération de la Côte d’Ivoire (Cilci) qui regroupe d’anciens chefs de milices tel Pasteur Gammi, du Mouvement ivoirien pour la libération de l’ouest de la Côte d’Ivoire (Miloci), et des leaders de la galaxie patriotique comme Youssouf Fofana, président de la Voix du Nord. Mais il affirme que son mouvement n’a pas pour vocation de fomenter des coups d’État.
Pourtant, ce quadragénaire qui grille cigarette sur cigarette ne semble pas prêt à déposer les armes. Pas si vite, en tout cas. « Un régime qui arrive au pouvoir par les armes peut partir par les mêmes armes », glisse-t-il d’un air grave.
« Ces propos sont ceux d’un homme fini, dont les menaces n’effraient même pas une mouche », réagit un combattant des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, pro-Ouattara). De fait, Zéguen a quitté Abidjan « en pirogue, par la mer, après avoir enjambé des corps humains », puis vu ses comptes bancaires en Côte d’Ivoire gelés. Mais il n’entend pas mener de démarches judiciaires pour obtenir une levée de ces sanctions.
"Le combat continue"
Milicien pro-Gbagbo depuis le déclenchement de la rébellion des Forces nouvelles en septembre 2002, Zéguen ne croit pas à la réconciliation nationale prônée par les nouvelles autorités. Mieux, il n’en veut pas. « Je préfère l’exil à vie plutôt qu’une soumission à des marionnettes », lance-t-il. Pour lui, le nouveau pouvoir d’Alassane Ouattara est « à la solde de l’Occident impérialiste » et « le combat de l’indépendance véritable lancé par Laurent Gbagbo continue ».
Mais Touré Moussa Zéguen est également très remonté contre le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, qui vient de quitter le Front populaire ivoirien (FPI, parti de Gbagbo), et contre le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré, qui est revenu sur sa première décision proclamant Laurent Gbagbo vainqueur de la présidentielle de novembre 2010. « Tous des traîtres », affirme-t-il.
Charles Blé Goudé compris ? « Blé et moi travaillons pour la même cause patriotique sauf que contrairement à lui, je suis totalement opposé à une réconciliation sans Gbagbo », répond-il.
Des divergences de fond sur la stratégie commune : les proches de Gbagbo ont, semble-t-il, transporté leurs querelles de personnes jusqu’en exil.
André Silver Konan, envoyé spécial
( Avec Jeune Afrique )
( Avec Jeune Afrique )