« On recense depuis l’origine des temps trois grandes inventions : le feu, la roue et la banque centrale » Will Rogers
Aujourd’hui tout intellectuel africain doit se sentir interpeller par la situation économique de notre continent en ce moment même que vous lisez ces lignes la question de la seconde dévaluation du Franc CFA est évoquée.
Le légendaire révolutionnaire, défunt Président Burkinabé Thomas SANKARA disait le 04 Octobre 1984 à la tribune des Nations Unies à New York ; je le cite : «…Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui le monopôle de la pensée, de l’imagination et de la créativité.»
Les prémices de la crise économiques se notent au début des années 80. Cette période a coïncidé avec la fin des entreprises publiques pourvoyeuses d’emplois relativement sécurisés certes, mais à l’efficience hypothéquée par la gestion douteuse des élites d’alors. La conséquence fut la répercussion des déficits résultant des carences de gestion de ces sociétés d’état dans les budgets gouvernementaux par le biais de la subvention.
Une situation qui se révélera intenable du fait de la précarité des finances publiques d’une part et de la forte dépendance de nos pays au concours financier de l’extérieur : principalement des institutions de BRETTON WOODS (FMI, BM).
Ces dernières proposèrent la politique d’ajustement structurel (P.A.S) dans l’optique d’un rééquilibrage global des agrégats économiques et d’un assainissement des finances publiques par l’expurgions du portefeuille de l’état du passif des sociétés publiques en faillite.
Ce plan adopté entre quatre mûrs ne tenant compte que de la comptabilité nationale, est sous tendu par le désengagement de l’Etat du secteur marchand. Il connût un relatif succès au niveau macroéconomique mais ses implications dans le domaine social furent dramatiques.
La politique de privatisation mit des milliers de pères de familles dans la rue, dont certains courent jusqu’à ce jour derrière leurs indemnités de licenciement.
Le passage, sans transition de l’économie sénégalaise du modèle socialiste senghorien vers un modèle néo libéral sous l’impulsion de la Banque mondiale, fut brutal.
Il s’est réalisé en l’absence d’un secteur privé fort susceptible de se substituer à l’Etat aussi bien dans son rôle de producteur de biens et services que d’employeur de l’offre de travail.
A qui donc devaient profiter les privatisations tout azimut si ce n’étaient aux entreprises étrangères principalement occidentales toutes heureuses de s’offrir des marchés quasi vierges de toute concurrence ?
C’est ainsi qu’à travers tout le continent, des secteurs stratégiques sont tombés dans l’escarcelle des multinationales (pétrole, électricité, téléphone, eau, gaz, uranium, or etc.).
Une lecture au second degré des actions combinées de la Banque Mondiale (BM) et du Fond Monétaire international (FMI) ne permettent-elles pas de déceler en ces deux institutions des instruments de perpétuation de la domination et de l’exploitation des économies africaines par des moyens beaucoup plus subtiles que la violence ?
En tout état de cause, la PAS a entraîné la déstructuration du tissu social et la paupérisation de la classe moyenne avec son corollaire de crises (émigration, exode rural, dégradation des mœurs, violence et c...)
A la même époque la dégradation des termes de l’échange ruine les économies de traite des pays en développement largement tributaire du marché international. Cette situation ajoutée à l’invasion des multinationales devait mener à une remise en cause des rapports économiques avec l’occident.
Or, le paradigme de base de la croissance des économies africaines depuis l’époque coloniale, est centré sur les relations du continent avec l’extérieur.
L’état actuel des économies africaines ne peut être compris sans une analyse au préalable de la mission assignée par les systèmes impérialistes colonialistes à leurs colonies en termes de création de richesse.
Il est nécessaire de faire un feed-back non pas pour une fois de plus faire porter le chapeau de la crise actuelle aux autres, mais plutôt pour mettre en exergue les pathologies néo-natales inhérentes au fonctionnement de nos économies qui l’ont installé dans une situation de crise structurelle.
Pour comprendre la présente situation il convient de remonter à la naissance du Sénégal en tant qu’économie organisée afin d’analyser en profondeur la structure héritée de l’époque dans le but d’opérer, une bonne fois pour toute, les nécessaires ruptures qui devront mener à une reconsidération de la conception économique d’anciens colonisés serviles à celle d’une vision d’hommes libres devant prendre en main leur destin.
Les économies africaines sous domination avaient pour fonction de fournir aux industries de l’Europe les intrants nécessaires à l’élaboration de produits manufacturés destinés prioritairement à sa propre consommation. Le rôle du colonisé était simplement de construire la prospérité et le bien être du colon.
L’ensemble du système colonial était ainsi construit de telle sorte que le métropole demeure le seul bénéficiaire des richesses créées dans la colonie : la production agricole comme l’extraction des ressources minières était ne l’oublions pas, le fruit de travaux forcés donc non rémunérés. Les recettes résultant de la vente de ces produits entraient dans l’entière propriété du colon qui en disposer à sa convenance.
Les réseaux routier et ferroviaire en forme d’entonnoir convergents vers les côtes maritimes ont été conçus uniquement dans le souci de faciliter le pillage, le mot est assez léger, des économies africaines. La proximité entre la gare et le Port de Dakar n’est pas fortuite.
Depuis cette époque il est courant de poser la problématique de la croissance économique du continent sous le rapport, très souvent défavorable, de ses relations avec les anciennes puissances dominatrices (Importation, Exportation, taux de change).
Il n’est besoin que de rappeler que pour élaborer son programme de gouvernance économique, le Sénégal est contraint de défendre son projet devant le FMI et la BM ou le club de Paris pour nous souvenir de la mise sous tutelle de notre économie malgré un demi siècle d’indépendance politique.
Autrefois la domination d’une nation s’opérait par la violence de nos jours elle se réalise à travers les rapports économiques.
2000 ans avant Jésus Christ, le vieux stratège chinois Sun Tsu ne disait-il pas : « l’art suprême de la guerre est celle de vaincre sans combattre ».
« La conscience est un pouvoir » ; sommes nous aujourd’hui assez conscient du fait que la marche de notre économie est faite en défaveur de notre nation.
Les échecs lamentables et successifs des politiques asociales instituées par les institutions de BRETTON WOODS ne se comptent plus : privatisation des entreprises publiques sans accompagnement des travailleurs déflatés, plan d’ajustement structurel suivi de la paupérisation de la population, dévaluation du franc CFA et baisse de la qualité de la vie. L’aveu d’échec de ces programmes porte lui même le nom d’un programme : Lutte contre la pauvreté.
La particularité de ces programmes est qu’ils ont toujours été pensé, conçu par des experts qui ne perçoivent le continent qu’à travers des chiffres qu’on veut bien mettre à leur disposition et exécuté dans le cadre de relations avec l’occident (Balance commerciale, balance des paiements, taux de change, service de la dette extérieur) marginalisant de ce fait les besoins primaires vitaux et le bien être social de l’homo économicus africanus. Les accords de partenariat économique (APE) ne constituent pas une exception.
Ils prônent, disent ses défenseurs le libre échange entre l’Europe et l’Afrique mais comme le soutient le professeur émérite Aly Amady DIENG : « Libérez des loups et des moutons dans un enclos, vous verrez qui en fera les frais. »
L’économie est une science ayant pour objet l’amélioration des conditions de vie des humains dans un cadre déterminé. L’étymologie du mot « économie » vient de deux termes d’abord « oïko » qui signifie maison, abri ou habitat ; et « nomos » qui veut dire norme, loi ou règle. Leur contraction donne « l’organisation de la maison » appliquée à la cité (Polis) cela donne : Economie politique.
Nous le voyons bien l’essence même de l’économie est avant tout, une bonne organisation de la société permettant à chaque citoyen en fonction de ses compétences de mener une vie décente. Peut on dire qu’aujourd’hui l’économie sénégalaise remplit ce rôle ?
La réponse est non ; pour plusieurs raisons. Pour s’en convaincre il suffit de procéder à une analyse simple: un sujet économique a besoin de se nourrir, de se vêtir, de se loger, de s’éduquer, de se soigner, de se transporter, de travailler etc.
Chacun de ses besoins constitue aujourd’hui un pan entier de l’économie. Lequel de ces secteurs peut – on osait dire qu’il emporte la satisfaction des sénégalais ?
La crise actuelle de la hausse des prix ne concerne que le segment de la consommation, qu’en est il de la crise dans le système éducatif avec des grèves répétitives et le pléthore d’étudiants dans les universités, quid de la crise du logement, des déficiences du système de santé quand les malades sont refusés à la porte des hôpitaux pour indigences, du chômage endémique permanent et cumulatif et j’en passe et des pires.
N’est ce pas suffisant pour se rendre compte du fait que le système économique du Sénégal est inopérant, anachronique et obsolète ?
Il est temps de faire un diagnostic sans complaisance de la situation et de remettre en cause la structure de l’économie pour réinventer l’avenir du Sénégal avec un nouveau paradigme fondamental : l’épanouissement de l’homo Senegalensis.
La solution a cette crise passera par une batterie de réformes institutionnelles dont une nous semble fondamentale en ce quelle concerne l’entité qui constitue la clé de voûte de tout système économique moderne : La banque centrale.
En Afrique de l’ouest elle s’endort alors que les populations souffrent par ce qu’elle est prise en otage par la banque de France.
Toute la politique actuelle des autorités monétaires de la zone CFA se résume à la stabilisation de la parité franc CFA/ Euro ; abstraction faite de la réalité économique qui appelle une option toute autre.
Si La France s’entête à garantir la stabilité du FCFA par rapport à l’Euro ce n’est guère pour stabiliser les économies africaines, comme le croit naïvement certains chefs d’Etats africains, mais c’est plutôt pour opérer une main mise sur les systèmes financiers dans son ancien empire en Afrique avec un contrôle permanent et obligatoire de ses réserves monétaires déposées à la Banque de France d’une part et d’autre part permettre aux milliers d’entreprises françaises opérant en Afrique de pouvoir rapatrier dans leur patrie des centaines de milliers de milliards de FCFA en ayant la garantie du change à un taux fixe.
Ces sommes faramineuses qui vont renforcer le PNB français eut dût rester dans nos économies pour être réinjecter dans le financement du développement ; il serait intéressant que les deux Banque centrales d’Afrique de l’Ouest et du Centre édifient les populations sur les flux monétaires transférés chaque année vers La France ou stockés sur les marchés financiers par le biais de la Banque de France et nous fassent la comparaison avec l’aide publique française au développement en Afrique.
Comparés aux flux financiers transférés par les entreprises françaises, les transferts d’argent des émigrés compte pour quantité négligeable.
De telles analyses permettront de clarifier le débat sur l’immigration : je suis d’avis qu’il y a plus d’intérêts français en Afrique que ceux africains en France.
Résoudre La crise économique endémique revient à adopter une politique de développement autocentrée qui favorise l’entrepreneuriat privé individuel ou collectif dans tous les domaines. Pour cela il est nécessaire d’instituer une situation de disponibilité du capital.
Il existe à ce niveau deux solutions : l’appel à des investissement directs étrangers ou le développement d’un secteur privé local très fort.
Les investisseurs étrangers, il est vrai peuvent opérer des investissements massifs vecteurs de croissance mais à terme il faut compter avec le rapatriement dans leurs pays d’origines du fruit de leur travail sous formes de fuites de capitaux à contrario des privés locaux qui auront tendances à diversifier leurs investissements au Sénégal à l’instar d’hommes d’affaires comme Alioune SOW CSE, Bara TALL Group Talix, la famille Bara MBOUP CCBM, Youssou NDOUR Groupe FM, Sidy lamine NIASSE GROUPE WALF, Bassirou SEYE Groupe TOUBA OIL etc…De tels capitaines d’industrie selon la théorie de l’évolution économique de Joseph A SCHUMPETER (Dalloz, 1936) constituent le socle de la croissance basée sur le concept qu’il a appelé : La dynamique économique.
La dynamique économique fait se reposer la croissance économique sur le dynamisme, le génie et la créativité d’un peuple et non point sur les termes de l’échange avec l’extérieur, cependant cette dynamique ne saurait prospérer sans un soutien de la banque centrale et c’est là où le bât blesse.
L’instrument de souveraineté monétaire de deux grandes régions d’Afrique est inopérant. En effet, rien ne saurait expliquer la politique monétaire actuelle de la banque centrale qui hypothèque la rentabilité des projets d’investissement les plus ambitieux.
La banque centrale peut-elle préférer la sauvegarde de la parité Franc CFA/Euro à l’émergence du continent en tant que puissance économique ?
Sinon comment comprendre dans des pays ayant un déficit criard d’infrastructures, une industrie fragile, un appareil de production insuffisant et obsolète associés à un chômage endémique que le système bancaire sous la direction de la Banque centrale puisse appliquer une politique monétaire restrictive marquée par un taux d’intérêt bancaire élevé voir usuraire et un encadrement du crédit qui inhibe le développement ?
L’économie sénégalaise semblable à bien d’autres sous les tropiques, vit ainsi sous le règne de la rareté des ressources marquée par une situation de rationnement permanente :
- Rationnement en biens et services : selon Jacques Diouf de la FAO, le Sénégal est l’un des trois pays au monde qui vit sous assistance alimentaire : même s’il refuse de reconnaître la notion de famine au Sénégal ses propos sont assez illustratifs.
- Rationnement sur le marché du travail marqué par une rareté de l’emploi : chaque année des milliers de jeunes sénégalais, fruit de la forte croissance démographique arrivent sur le marché du travail sans aucune perspective d’avenir. Or « une main d’œuvre inoccupée signifie toujours des besoins humains insatisfaits. » Henry Waller
Une telle situation que les économistes qualifient de chômage keynésien appelle deux mesures qui font l’unanimité à travers le monde :
- il s’agit d’une part d’une politique budgétaire expansionniste marqué par un fort accroissement des investissements publics (la politique des grands chantiers),
- d’autre part la mise à disposition de fonds prêtables à un taux d’intérêt bancaire faible en vue de propulser l’investissement privé vers des sommets et se traduisant dans un premier temps par une augmentation de la demande de travail par les entreprises nouvellement créées puis dans un second par l’accroissement de l’offre de bien et services produits.
Certes dans un tel mouvement, il conviendrait de surveiller le taux d’inflation qui peut être maintenu à un taux raisonnable.
Partout dans le monde la monnaie est conçue comme un instrument de politique économique. Qui n’a pas entendu parler des fluctuations des taux directeurs de la FEDERAL RESERVED ou de la BCE pour booster la croissance en Amérique et en Europe ?
Le Japon dans les années 1990, a appliqué la politique des prêts à taux d’intérêt nul (zero interest rates policies) pour sortir de la dépression.
Des pays beaucoup plus avancés que nous autres africains, ayant atteint une étape élevée de développement, appelée Etat stationnaire : état de plein emploi dans lequel l’ensemble des outils de production (capital, travail) sont utilisés, comme les pays nordiques et la Grande Bretagne ou les Etats-Unis appliquent des taux d’intérêt bancaires très faibles sans grandes conséquences inflationnistes, à fortiori dans les pays africains où les besoins d’investissement sont énormes, et où l’on est loin d’atteindre l’Etat stationnaire compte tenu des ressources peu ou pas exploitées et du chômage qui poussent les jeunes vers l’exil.
La banque centrale ne doit pas mettre en veilleuse la partie la plus importante de sa fonction, qui est celle de financer le développement par la création monétaire : c’est son rôle naturel.
(Gregory N Mankiw, Harvard)
Il est d’une nécessité urgente de réformer La BCEAO car la volonté de maintenir fixe la parité du franc CFA (Communauté Française d’Afrique devenu communauté financière d’Afrique) et l’euro (la monnaie commune européenne) ne doit plus se faire au détriment du bien être des africains. Au demeurant, il faut reconnaître que les objectifs de l’Euro ne sont pas forcément ceux du Franc CFA.
Nous ne pouvons pas réécrire le passé mais nous pouvons inventer notre avenir.
Sidy Mouhamed Sow
Economiste et Promoteur immobilier
milleniumsci@yahoo.fr
Aujourd’hui tout intellectuel africain doit se sentir interpeller par la situation économique de notre continent en ce moment même que vous lisez ces lignes la question de la seconde dévaluation du Franc CFA est évoquée.
Le légendaire révolutionnaire, défunt Président Burkinabé Thomas SANKARA disait le 04 Octobre 1984 à la tribune des Nations Unies à New York ; je le cite : «…Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui le monopôle de la pensée, de l’imagination et de la créativité.»
Les prémices de la crise économiques se notent au début des années 80. Cette période a coïncidé avec la fin des entreprises publiques pourvoyeuses d’emplois relativement sécurisés certes, mais à l’efficience hypothéquée par la gestion douteuse des élites d’alors. La conséquence fut la répercussion des déficits résultant des carences de gestion de ces sociétés d’état dans les budgets gouvernementaux par le biais de la subvention.
Une situation qui se révélera intenable du fait de la précarité des finances publiques d’une part et de la forte dépendance de nos pays au concours financier de l’extérieur : principalement des institutions de BRETTON WOODS (FMI, BM).
Ces dernières proposèrent la politique d’ajustement structurel (P.A.S) dans l’optique d’un rééquilibrage global des agrégats économiques et d’un assainissement des finances publiques par l’expurgions du portefeuille de l’état du passif des sociétés publiques en faillite.
Ce plan adopté entre quatre mûrs ne tenant compte que de la comptabilité nationale, est sous tendu par le désengagement de l’Etat du secteur marchand. Il connût un relatif succès au niveau macroéconomique mais ses implications dans le domaine social furent dramatiques.
La politique de privatisation mit des milliers de pères de familles dans la rue, dont certains courent jusqu’à ce jour derrière leurs indemnités de licenciement.
Le passage, sans transition de l’économie sénégalaise du modèle socialiste senghorien vers un modèle néo libéral sous l’impulsion de la Banque mondiale, fut brutal.
Il s’est réalisé en l’absence d’un secteur privé fort susceptible de se substituer à l’Etat aussi bien dans son rôle de producteur de biens et services que d’employeur de l’offre de travail.
A qui donc devaient profiter les privatisations tout azimut si ce n’étaient aux entreprises étrangères principalement occidentales toutes heureuses de s’offrir des marchés quasi vierges de toute concurrence ?
C’est ainsi qu’à travers tout le continent, des secteurs stratégiques sont tombés dans l’escarcelle des multinationales (pétrole, électricité, téléphone, eau, gaz, uranium, or etc.).
Une lecture au second degré des actions combinées de la Banque Mondiale (BM) et du Fond Monétaire international (FMI) ne permettent-elles pas de déceler en ces deux institutions des instruments de perpétuation de la domination et de l’exploitation des économies africaines par des moyens beaucoup plus subtiles que la violence ?
En tout état de cause, la PAS a entraîné la déstructuration du tissu social et la paupérisation de la classe moyenne avec son corollaire de crises (émigration, exode rural, dégradation des mœurs, violence et c...)
A la même époque la dégradation des termes de l’échange ruine les économies de traite des pays en développement largement tributaire du marché international. Cette situation ajoutée à l’invasion des multinationales devait mener à une remise en cause des rapports économiques avec l’occident.
Or, le paradigme de base de la croissance des économies africaines depuis l’époque coloniale, est centré sur les relations du continent avec l’extérieur.
L’état actuel des économies africaines ne peut être compris sans une analyse au préalable de la mission assignée par les systèmes impérialistes colonialistes à leurs colonies en termes de création de richesse.
Il est nécessaire de faire un feed-back non pas pour une fois de plus faire porter le chapeau de la crise actuelle aux autres, mais plutôt pour mettre en exergue les pathologies néo-natales inhérentes au fonctionnement de nos économies qui l’ont installé dans une situation de crise structurelle.
Pour comprendre la présente situation il convient de remonter à la naissance du Sénégal en tant qu’économie organisée afin d’analyser en profondeur la structure héritée de l’époque dans le but d’opérer, une bonne fois pour toute, les nécessaires ruptures qui devront mener à une reconsidération de la conception économique d’anciens colonisés serviles à celle d’une vision d’hommes libres devant prendre en main leur destin.
Les économies africaines sous domination avaient pour fonction de fournir aux industries de l’Europe les intrants nécessaires à l’élaboration de produits manufacturés destinés prioritairement à sa propre consommation. Le rôle du colonisé était simplement de construire la prospérité et le bien être du colon.
L’ensemble du système colonial était ainsi construit de telle sorte que le métropole demeure le seul bénéficiaire des richesses créées dans la colonie : la production agricole comme l’extraction des ressources minières était ne l’oublions pas, le fruit de travaux forcés donc non rémunérés. Les recettes résultant de la vente de ces produits entraient dans l’entière propriété du colon qui en disposer à sa convenance.
Les réseaux routier et ferroviaire en forme d’entonnoir convergents vers les côtes maritimes ont été conçus uniquement dans le souci de faciliter le pillage, le mot est assez léger, des économies africaines. La proximité entre la gare et le Port de Dakar n’est pas fortuite.
Depuis cette époque il est courant de poser la problématique de la croissance économique du continent sous le rapport, très souvent défavorable, de ses relations avec les anciennes puissances dominatrices (Importation, Exportation, taux de change).
Il n’est besoin que de rappeler que pour élaborer son programme de gouvernance économique, le Sénégal est contraint de défendre son projet devant le FMI et la BM ou le club de Paris pour nous souvenir de la mise sous tutelle de notre économie malgré un demi siècle d’indépendance politique.
Autrefois la domination d’une nation s’opérait par la violence de nos jours elle se réalise à travers les rapports économiques.
2000 ans avant Jésus Christ, le vieux stratège chinois Sun Tsu ne disait-il pas : « l’art suprême de la guerre est celle de vaincre sans combattre ».
« La conscience est un pouvoir » ; sommes nous aujourd’hui assez conscient du fait que la marche de notre économie est faite en défaveur de notre nation.
Les échecs lamentables et successifs des politiques asociales instituées par les institutions de BRETTON WOODS ne se comptent plus : privatisation des entreprises publiques sans accompagnement des travailleurs déflatés, plan d’ajustement structurel suivi de la paupérisation de la population, dévaluation du franc CFA et baisse de la qualité de la vie. L’aveu d’échec de ces programmes porte lui même le nom d’un programme : Lutte contre la pauvreté.
La particularité de ces programmes est qu’ils ont toujours été pensé, conçu par des experts qui ne perçoivent le continent qu’à travers des chiffres qu’on veut bien mettre à leur disposition et exécuté dans le cadre de relations avec l’occident (Balance commerciale, balance des paiements, taux de change, service de la dette extérieur) marginalisant de ce fait les besoins primaires vitaux et le bien être social de l’homo économicus africanus. Les accords de partenariat économique (APE) ne constituent pas une exception.
Ils prônent, disent ses défenseurs le libre échange entre l’Europe et l’Afrique mais comme le soutient le professeur émérite Aly Amady DIENG : « Libérez des loups et des moutons dans un enclos, vous verrez qui en fera les frais. »
L’économie est une science ayant pour objet l’amélioration des conditions de vie des humains dans un cadre déterminé. L’étymologie du mot « économie » vient de deux termes d’abord « oïko » qui signifie maison, abri ou habitat ; et « nomos » qui veut dire norme, loi ou règle. Leur contraction donne « l’organisation de la maison » appliquée à la cité (Polis) cela donne : Economie politique.
Nous le voyons bien l’essence même de l’économie est avant tout, une bonne organisation de la société permettant à chaque citoyen en fonction de ses compétences de mener une vie décente. Peut on dire qu’aujourd’hui l’économie sénégalaise remplit ce rôle ?
La réponse est non ; pour plusieurs raisons. Pour s’en convaincre il suffit de procéder à une analyse simple: un sujet économique a besoin de se nourrir, de se vêtir, de se loger, de s’éduquer, de se soigner, de se transporter, de travailler etc.
Chacun de ses besoins constitue aujourd’hui un pan entier de l’économie. Lequel de ces secteurs peut – on osait dire qu’il emporte la satisfaction des sénégalais ?
La crise actuelle de la hausse des prix ne concerne que le segment de la consommation, qu’en est il de la crise dans le système éducatif avec des grèves répétitives et le pléthore d’étudiants dans les universités, quid de la crise du logement, des déficiences du système de santé quand les malades sont refusés à la porte des hôpitaux pour indigences, du chômage endémique permanent et cumulatif et j’en passe et des pires.
N’est ce pas suffisant pour se rendre compte du fait que le système économique du Sénégal est inopérant, anachronique et obsolète ?
Il est temps de faire un diagnostic sans complaisance de la situation et de remettre en cause la structure de l’économie pour réinventer l’avenir du Sénégal avec un nouveau paradigme fondamental : l’épanouissement de l’homo Senegalensis.
La solution a cette crise passera par une batterie de réformes institutionnelles dont une nous semble fondamentale en ce quelle concerne l’entité qui constitue la clé de voûte de tout système économique moderne : La banque centrale.
En Afrique de l’ouest elle s’endort alors que les populations souffrent par ce qu’elle est prise en otage par la banque de France.
Toute la politique actuelle des autorités monétaires de la zone CFA se résume à la stabilisation de la parité franc CFA/ Euro ; abstraction faite de la réalité économique qui appelle une option toute autre.
Si La France s’entête à garantir la stabilité du FCFA par rapport à l’Euro ce n’est guère pour stabiliser les économies africaines, comme le croit naïvement certains chefs d’Etats africains, mais c’est plutôt pour opérer une main mise sur les systèmes financiers dans son ancien empire en Afrique avec un contrôle permanent et obligatoire de ses réserves monétaires déposées à la Banque de France d’une part et d’autre part permettre aux milliers d’entreprises françaises opérant en Afrique de pouvoir rapatrier dans leur patrie des centaines de milliers de milliards de FCFA en ayant la garantie du change à un taux fixe.
Ces sommes faramineuses qui vont renforcer le PNB français eut dût rester dans nos économies pour être réinjecter dans le financement du développement ; il serait intéressant que les deux Banque centrales d’Afrique de l’Ouest et du Centre édifient les populations sur les flux monétaires transférés chaque année vers La France ou stockés sur les marchés financiers par le biais de la Banque de France et nous fassent la comparaison avec l’aide publique française au développement en Afrique.
Comparés aux flux financiers transférés par les entreprises françaises, les transferts d’argent des émigrés compte pour quantité négligeable.
De telles analyses permettront de clarifier le débat sur l’immigration : je suis d’avis qu’il y a plus d’intérêts français en Afrique que ceux africains en France.
Résoudre La crise économique endémique revient à adopter une politique de développement autocentrée qui favorise l’entrepreneuriat privé individuel ou collectif dans tous les domaines. Pour cela il est nécessaire d’instituer une situation de disponibilité du capital.
Il existe à ce niveau deux solutions : l’appel à des investissement directs étrangers ou le développement d’un secteur privé local très fort.
Les investisseurs étrangers, il est vrai peuvent opérer des investissements massifs vecteurs de croissance mais à terme il faut compter avec le rapatriement dans leurs pays d’origines du fruit de leur travail sous formes de fuites de capitaux à contrario des privés locaux qui auront tendances à diversifier leurs investissements au Sénégal à l’instar d’hommes d’affaires comme Alioune SOW CSE, Bara TALL Group Talix, la famille Bara MBOUP CCBM, Youssou NDOUR Groupe FM, Sidy lamine NIASSE GROUPE WALF, Bassirou SEYE Groupe TOUBA OIL etc…De tels capitaines d’industrie selon la théorie de l’évolution économique de Joseph A SCHUMPETER (Dalloz, 1936) constituent le socle de la croissance basée sur le concept qu’il a appelé : La dynamique économique.
La dynamique économique fait se reposer la croissance économique sur le dynamisme, le génie et la créativité d’un peuple et non point sur les termes de l’échange avec l’extérieur, cependant cette dynamique ne saurait prospérer sans un soutien de la banque centrale et c’est là où le bât blesse.
L’instrument de souveraineté monétaire de deux grandes régions d’Afrique est inopérant. En effet, rien ne saurait expliquer la politique monétaire actuelle de la banque centrale qui hypothèque la rentabilité des projets d’investissement les plus ambitieux.
La banque centrale peut-elle préférer la sauvegarde de la parité Franc CFA/Euro à l’émergence du continent en tant que puissance économique ?
Sinon comment comprendre dans des pays ayant un déficit criard d’infrastructures, une industrie fragile, un appareil de production insuffisant et obsolète associés à un chômage endémique que le système bancaire sous la direction de la Banque centrale puisse appliquer une politique monétaire restrictive marquée par un taux d’intérêt bancaire élevé voir usuraire et un encadrement du crédit qui inhibe le développement ?
L’économie sénégalaise semblable à bien d’autres sous les tropiques, vit ainsi sous le règne de la rareté des ressources marquée par une situation de rationnement permanente :
- Rationnement en biens et services : selon Jacques Diouf de la FAO, le Sénégal est l’un des trois pays au monde qui vit sous assistance alimentaire : même s’il refuse de reconnaître la notion de famine au Sénégal ses propos sont assez illustratifs.
- Rationnement sur le marché du travail marqué par une rareté de l’emploi : chaque année des milliers de jeunes sénégalais, fruit de la forte croissance démographique arrivent sur le marché du travail sans aucune perspective d’avenir. Or « une main d’œuvre inoccupée signifie toujours des besoins humains insatisfaits. » Henry Waller
Une telle situation que les économistes qualifient de chômage keynésien appelle deux mesures qui font l’unanimité à travers le monde :
- il s’agit d’une part d’une politique budgétaire expansionniste marqué par un fort accroissement des investissements publics (la politique des grands chantiers),
- d’autre part la mise à disposition de fonds prêtables à un taux d’intérêt bancaire faible en vue de propulser l’investissement privé vers des sommets et se traduisant dans un premier temps par une augmentation de la demande de travail par les entreprises nouvellement créées puis dans un second par l’accroissement de l’offre de bien et services produits.
Certes dans un tel mouvement, il conviendrait de surveiller le taux d’inflation qui peut être maintenu à un taux raisonnable.
Partout dans le monde la monnaie est conçue comme un instrument de politique économique. Qui n’a pas entendu parler des fluctuations des taux directeurs de la FEDERAL RESERVED ou de la BCE pour booster la croissance en Amérique et en Europe ?
Le Japon dans les années 1990, a appliqué la politique des prêts à taux d’intérêt nul (zero interest rates policies) pour sortir de la dépression.
Des pays beaucoup plus avancés que nous autres africains, ayant atteint une étape élevée de développement, appelée Etat stationnaire : état de plein emploi dans lequel l’ensemble des outils de production (capital, travail) sont utilisés, comme les pays nordiques et la Grande Bretagne ou les Etats-Unis appliquent des taux d’intérêt bancaires très faibles sans grandes conséquences inflationnistes, à fortiori dans les pays africains où les besoins d’investissement sont énormes, et où l’on est loin d’atteindre l’Etat stationnaire compte tenu des ressources peu ou pas exploitées et du chômage qui poussent les jeunes vers l’exil.
La banque centrale ne doit pas mettre en veilleuse la partie la plus importante de sa fonction, qui est celle de financer le développement par la création monétaire : c’est son rôle naturel.
(Gregory N Mankiw, Harvard)
Il est d’une nécessité urgente de réformer La BCEAO car la volonté de maintenir fixe la parité du franc CFA (Communauté Française d’Afrique devenu communauté financière d’Afrique) et l’euro (la monnaie commune européenne) ne doit plus se faire au détriment du bien être des africains. Au demeurant, il faut reconnaître que les objectifs de l’Euro ne sont pas forcément ceux du Franc CFA.
Nous ne pouvons pas réécrire le passé mais nous pouvons inventer notre avenir.
Sidy Mouhamed Sow
Economiste et Promoteur immobilier
milleniumsci@yahoo.fr