En suivant les diverses et nombreuses réactions, à travers le monde entier, sur ce qui se profile comme l'un des scandales élyséens les plus ubuesques de la Ve République, car mettant en jeu l'honorabilité même de la première institution de France, nous n'avons pu nous empêcher de nous poser un certain nombre de questionnements non moins ubuesques. Pour tenter au moins, une fois n’étant point coutume, de démêler cet imbroglio politico-moralo-institutionnel, que représente à nos yeux l'affaire désormais dite « Hollande-Gayet », dans la patrie des droits de l’homme...
Question 1 : La notion de « Première Dame » a-t-elle encore un sens dans les pays aux mœurs considérées aujourd'hui comme plus « libérales » ? Ceci, dans la mesure où la notion de « vie privée », de plus en plus dissociée de celle de « vie publique », permet désormais aux Présidents de la République de ces pays de vivre avec une ou plusieurs concubines plus ou moins officielles (auxquelles aucun engagement juridique ou marital ne les lie). Quoique relevant plus d’une vieille tradition républicaine, héritée en réalité de la monarchie et de la « First Lady » américaine, que de la législation, l’influence et l’importance du rôle officieux joué souvent par cette dernière dans certaines questions capitales, justifient amplement le questionnement actuel du maintien ou non de ce statut dans les grandes démocraties.
Question 2 : S'il faut coûte que coûte maintenir ce statut, ne faudrait-il pas alors penser à créer un nouveau statut de « Deuxième Dame », « Troisième Dame » etc. pour intégrer l'éventualité qu'un Chef d’Etat, ayant du mal à régler ses problèmes de cœur, n'arrive pas à trancher définitivement dans le choix d'une concubine et puisse, selon ses humeurs, se faire accompagner dans ses sorties officielles par l'une ou l'autre d'entre elles ? Autrement, existe-t-il, dans l'arsenal juridique français, une disposition institutionnelle qui oblige un Président de la République à se choisir une concubine et une seule dans le cadre de ses activités officielles ?
Question 3 : Du moment où le Président Hollande eut l'insigne honneur, si l’on puit dire, de promulguer le mariage gay en France (contre l'avis d'une partie significative de son opinion), se pourrait-il, dans un proche avenir, qu'un Président gay puisse se faire accompagner dans ses voyages officiels par son « compagnon », en tant que « Premier Homme » avec qui il serait lié par les liens du « mariage pour tous » ? Du moment que cette éventualité relèverait également de la « vie privée », nous ne voyons pas, pour notre part, ce qui pourrait valablement s'y opposer dans le schéma institutionnel actuel. Au risque d’approfondir le fossé encore béant entre les deux France s’étant affrontées durant la crise encore fumante du mariage gay... Et s’il s’agit d’une Présidente ou d’une Chancelière (comme la Première ministre islandaise), aurait-elle également droit à une « Première Dame » elle aussi, en vertu de l’égalité homme-femme si chère à nos activistes du « genre »?
Question 4 : En apprenant, il y a quelques heures à peine, que Desmond Tutu, le célèbre prélat sud-africain, venait de créer un « parti politique gay », nous n'avons pu nous empêcher de nous poser d'autres questions plus hallucinantes. En effet, dans l'article en question, l'on nous apprend ceci : « Dans son projet de manifeste coloré, le parti de Desmond Tutu cherchera également à faire de la polygamie chez les homosexuels un « droit démocratique » afin de lutter contre l'infidélité, devenue endémique chez cette tranche de la population ». Qu'adviendrait-il si jamais un futur Président gay (sud-africain ou français) décidait d'avoir deux ou trois concubins officiels, dans la perspective où la « polygamie homosexuelle » pourrait aussi un jour être « démocratisée » ? Devrait-on alors parler de « Deuxième Compagnon » ou « Troisième Copain » de la République ? Quid d’une Présidente lesbienne qui pencherait pour une « polyandrie homosexuelle » ? Tout ca donne le tournis, non ?
Dernière Question : Comment se fait-il que la polygamie continue d'être interdite et de constituer une infraction dans les pays où, assez paradoxalement, l'infidélité, l'adultère, l’échangisme ou la prostitution demeurent moralement et juridiquement tolérés ? N'aurait-il pas été plus « sain », moins « hypocrite » et même plus humain de permettre, par exemple, au Président Hollande et à ses millions de concitoyens dans son sillage, d'assumer ouvertement leur polygamie effective ? D’être autorisés à faire du « ay-ayloo » (comme on dit chez nous) organisé et équitable, sans être obligés d'enjamber nuitamment les grilles de l'Elysée, de se glisser sous une porte dérobée de l'Hôtel Matignon ou de je-ne-sais-quoi, pour raser honteusement les murs assoupis de la Ville Lumière, au moment où le peuple éreinté dort du sommeil du juste, vers d'obscures garçonnières ? Parbleu, que se serait-il passé, nous demandâmes-nous, dans une ultime interrogation hallucinogène, si, dans le cadre des escapades nocturnes de sa « vie privée », des terroristes ou autres malfaiteurs avaient pu, bien avant les paparazzis du magazine Closer, identifier le scooter isolé du Président François Hollande et réussi à kidnapper le « premier des français » ?! Affreux…
De la polygamie« subie » à la polygamie « choisie »
Il faut dire que cette interdiction de la polygamie, très explicite envers les citoyens français, concerne plus, dans la pratique, les émigrés résidents. Elle est notamment matérialisée par les peines mentionnées (retrait de la carte de séjour etc.) dans les articles L. 411-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portant sur le regroupement familial, et L. 313-11 sur la régularisation pour raisons familiales. Ainsi le Législateur français a-t-il voulu proscrire très fermement l’existence d’une polygamie effective sur le territoire national, en demandant aux préfets de refuser la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour à tout ressortissant étranger polygame et à ses conjoints autres que le premier. Ainsi, la prétendue tolérance de l'administration envers la polygamie pour les immigrés, en vertu du respect traditionnel du statut personnel des étrangers, se heurte ainsi en pratique au caractère coercitif des dispositions légales et réglementaires qui reflètent largement les choix de vie et les idéaux du peuple français, au-delà des choix tactiques plus ou moins accommodants ou même populistes, selon la sensibilité politique (droite-gauche) au pouvoir.
Ainsi, lorsque l'ancien président, Nicolas Sarkozy, déclarait publiquement, avec son ton bravache caractéristique, que « La République française ce sont des valeurs : le respect de la femme, l’égalité entre un homme et une femme. (…) Je le dis clairement, la polygamie est interdite sur le territoire de la République Française (…) que ceux qui ne veulent pas comprendre que les valeurs de la République française, c’est la liberté de la femme, la dignité de la femme, le respect de la femme : ceux là n’ont rien à faire en France. Si on ne respecte pas nos lois et si on ne veut pas comprendre les valeurs qui sont les nôtres, si on ne veut pas apprendre le français, alors on n’a rien à faire sur le territoire de la France. ». En justifiant sa position par la contradiction de cette pratique avec les valeurs culturelles de son pays et ses principes cardinaux, ne devrait-on pas logiquement attendre que ce même droit soit également reconnu, par exemple, à la nation sénégalaise et à son peuple d’affirmer : « Nous ne voulons pas de la légalisation de l’homosexualité au Sénégal… Que les étrangers qui ne veulent pas comprendre que nos valeurs de dignité (ngor), de morale (mbaax) et de spiritualité (diine) n’acceptent pas que deux hommes ou deux femmes entretiennent des rapports sexuels n’ont rien à faire sur le territoire sénégalais. Si, par contre, ils sont citoyens sénégalais, qu’ils comprennent qu’ils ont enfreint les lois séculaires de leurs pays et doivent s’attendre à la rigueur de la justice de ce même pays » ?
Cet exemple de l’interdiction de la polygamie en France (et en Occident, de façon plus générale) nous semble d’autant plus représentatif de ce « double jeu » de la tolérance, que l’histoire de France, aussi bien que l’actualité récente et les statistiques, ont amplement démontré que l’infidélité et les relations clandestines avec d’officieuses maîtresses, concubines ou courtisanes, souvent généreusement dotées de luxueuses « garçonnières », furent de tout temps pratiquées par l’élite française au même titre que le bas peuple. Il peut ainsi paraître tout simplement ahurissant, du moins pour tout esprit clairvoyant, de constater, à l’étude de leurs biographies, la polygamie effective de la majorité des Grands de France et la permanente contradiction entre la pratique, les discours engagés et l’abondante littérature inondée de grands principes de justice, de fidélité, de loyauté, d’amour, d’humanisme etc. (comme si les femmes trompées – ces nombreuses Trierweiler de l’Histoire-, leurs enfants naturels, souvent cachés ou reclus, de même que les maris trompés de leurs maîtresses, n’étaient pas eux aussi éligibles à cette loyauté, à cette justice et à ces transports lyriques d’amour pur…) De Henri IV à Louis XIV, de Molière à Voltaire, de Félix Faure à Mitterrand, en passant par Giscard, Chirac et aujourd'hui Hollande, la liste des deuxièmes femmes (« niaareel ») ou troisièmes femmes (« nietteel ») des rois, des grands auteurs, des présidents de la république et de l’élite française est interminable : Madame de Pompadour, Diane de Poitiers, Mme du Châtelet, Anne Pingeot (la femme cachée de Mitterrand qui eut avec lui une fille, Mazarine, qui resta cachée pendant des décennies, au moment où la législation du pays qu’il dirigeait maintenait la polygamie illégale, sous l’argument « des valeurs de la République française que sont la liberté, la dignité et le respect de la femme ») etc. Ce n'est donc pas, à notre avis, peu de dire que le Panthéon et le cimetière du Père-Lachaise sont remplis d’illustres polygames et que, de tout temps la polygamie, dans la pratique, ne fut pas moins française qu’africaine. La seule différence étant que cette polygamie (dans les faits) n'y a jusqu'ici jamais été ouvertement assumée (en principes) et continue ainsi d'être passionnellement « subie » à défaut d'y être rationnellement « choisie »…
Cette choquante duplicité fut, par exemple, dénoncée par Annie Besant, présidente de la théosophie mondiale, en des termes on ne peut plus explicites : « Mais comment les Occidentaux peuvent-ils s’insurger contre la polygamie pratiquée d’une manière limitée dans [l’Islam] alors que la prostitution est monnaie courante dans leur société ? L’observateur attentif peut remarquer que la monogamie n’est vraiment respectée [en Occident] que par peu d’hommes honnêtes, car il n’est pas juste de dire d’une société qu’elle est monogamique, lorsqu’en plus de l’épouse légale, il existe plusieurs maîtresses derrière le rideau. Il s’ensuit donc que si l’on évalue les choses d’une manière juste, il apparaît que la polygamie islamique, qui préserve les femmes, les protège, les nourrit et les vêtit, est supérieure à la prostitution occidentale qui permet à l’homme de prendre une femme dans le seul but d’assouvir ses pulsions, puis de la jeter… » On estime ainsi, pour prendre un exemple ailleurs, qu’aux États-Unis, le pourcentage d’hommes infidèles oscille entre 23 et 50% et celui des femmes infidèles entre 13 et 50%. Plus de 15% des maris américains avouent avoir eu plusieurs aventures et près de 70% des hommes mariés âgés de moins de 40 ans s’attendent à vivre une aventure extra-conjugale au moins une fois dans leur vie. Et que dire de la nouvelle tendance des sites de rencontre spécialisés qui ciblent désormais, pignon sur rue, les hommes et femmes mariés à la recherche de nouvelles « sensations »...
Pour terminer sur ce sujet, on ne peut manquer de se demander pourquoi les organisations de droits de l’homme, si promptes à dénoncer les « persécutions », au Sénégal et ailleurs, contre les « minorités sexuelles », ne réclament pas, par exemple, avec autant d’ardeur et d’entrain la légalisation de la polygamie en France et ailleurs ? Ne serait-ce qu'au nom du même principe de la « liberté individuelle » qui a permis d’accepter l’infidélité, le mariage entre deux hommes, les relations entre deux parents incestueux consentants ou l’échangisme entre deux couples. Ou bien, seraient-elles par hasard, sans oser le proclamer ouvertement, les nouvelles porteuses du « fardeau » de la « mission civilisatrice » de l’Occident à travers le monde, pour se faire invariablement les infatigables caisses de résonance des idées issues de ce système de pensée, même les plus aberrantes ? N’est-il pas urgent de redéfinir une approche alternative des droits de l’homme qui ne se basent plus exclusivement sur certains fondements matérialistes et athées de la Révolution de 1789, tout en évitant le piège des « extrémismes » religieux, politiques et idéologiques de tous bords ? Serait-ce trop demander à nos Présidents africains « fréquentables » d'imaginer, par exemple, l'un d'entre eux, sur la pelouse de la Maison Blanche, sur le parquet de l’Elysée (ou même le parvis du Club de Paris), sermonner publiquement la France ou les États-Unis, lors d'une de leurs visites officielles dans ces pays, sur leurs atteintes à ce droit et à bien d'autres ? De la même manière que les dirigeants de ces pays se permettent régulièrement de nous interpeller ouvertement, sous la pression de divers lobbies, sur nos manquements envers leur conception des Droits de l'Homme…
Il ne s’agit point ici, il faut le dire, de discuter sur la légitimité ou non de la polygamie, ni sur la lecture universaliste des principes de laïcité, de liberté individuelle et des droits de la femme que veut imposer la pensée matérialiste moderne (se dissimulant sous les oripeaux de la « Communauté internationale » ou même des « Nations unies »), qui est censée être au dessus de toutes les autres perspectives. Il s’agit plutôt d’interroger sereinement le principe assez simple du nécessaire dialogue interculturel et celui de la réciprocité qui devrait normalement et légitimement, quelle que soit la culture en jeu, s’appliquer à tous s’agissant de cette question de la « tolérance ». Au risque autrement d’insinuer que les valeurs de la culture matérialiste (occidentale) sont définitivement supérieures et prépondérantes, en toutes matières, sur celles des autres cultures, sans même avoir eu besoin de prouver cette prétendue suprématie. Car comment, autrement, démontrer que le choix librement consenti (sans aucun prétendu lavage de cerveau ou « conditionnement ») d’une femme « majeure et consentante » de vivre dans un ménage polygame avec l’homme qu’elle s’est librement choisi ou a accepté comme époux, ne découle pas du même principe de la liberté individuelle « sans gêner personne » qui assura l’impunité aux homosexuels ? En foi de quoi, dites-le nous, Monsieur Hollande, l’infidélité, la prostitution ou l’homosexualité seraient-elles supérieures à la polygamie ?
Abdoul Aziz Mbacké
Question 1 : La notion de « Première Dame » a-t-elle encore un sens dans les pays aux mœurs considérées aujourd'hui comme plus « libérales » ? Ceci, dans la mesure où la notion de « vie privée », de plus en plus dissociée de celle de « vie publique », permet désormais aux Présidents de la République de ces pays de vivre avec une ou plusieurs concubines plus ou moins officielles (auxquelles aucun engagement juridique ou marital ne les lie). Quoique relevant plus d’une vieille tradition républicaine, héritée en réalité de la monarchie et de la « First Lady » américaine, que de la législation, l’influence et l’importance du rôle officieux joué souvent par cette dernière dans certaines questions capitales, justifient amplement le questionnement actuel du maintien ou non de ce statut dans les grandes démocraties.
Question 2 : S'il faut coûte que coûte maintenir ce statut, ne faudrait-il pas alors penser à créer un nouveau statut de « Deuxième Dame », « Troisième Dame » etc. pour intégrer l'éventualité qu'un Chef d’Etat, ayant du mal à régler ses problèmes de cœur, n'arrive pas à trancher définitivement dans le choix d'une concubine et puisse, selon ses humeurs, se faire accompagner dans ses sorties officielles par l'une ou l'autre d'entre elles ? Autrement, existe-t-il, dans l'arsenal juridique français, une disposition institutionnelle qui oblige un Président de la République à se choisir une concubine et une seule dans le cadre de ses activités officielles ?
Question 3 : Du moment où le Président Hollande eut l'insigne honneur, si l’on puit dire, de promulguer le mariage gay en France (contre l'avis d'une partie significative de son opinion), se pourrait-il, dans un proche avenir, qu'un Président gay puisse se faire accompagner dans ses voyages officiels par son « compagnon », en tant que « Premier Homme » avec qui il serait lié par les liens du « mariage pour tous » ? Du moment que cette éventualité relèverait également de la « vie privée », nous ne voyons pas, pour notre part, ce qui pourrait valablement s'y opposer dans le schéma institutionnel actuel. Au risque d’approfondir le fossé encore béant entre les deux France s’étant affrontées durant la crise encore fumante du mariage gay... Et s’il s’agit d’une Présidente ou d’une Chancelière (comme la Première ministre islandaise), aurait-elle également droit à une « Première Dame » elle aussi, en vertu de l’égalité homme-femme si chère à nos activistes du « genre »?
Question 4 : En apprenant, il y a quelques heures à peine, que Desmond Tutu, le célèbre prélat sud-africain, venait de créer un « parti politique gay », nous n'avons pu nous empêcher de nous poser d'autres questions plus hallucinantes. En effet, dans l'article en question, l'on nous apprend ceci : « Dans son projet de manifeste coloré, le parti de Desmond Tutu cherchera également à faire de la polygamie chez les homosexuels un « droit démocratique » afin de lutter contre l'infidélité, devenue endémique chez cette tranche de la population ». Qu'adviendrait-il si jamais un futur Président gay (sud-africain ou français) décidait d'avoir deux ou trois concubins officiels, dans la perspective où la « polygamie homosexuelle » pourrait aussi un jour être « démocratisée » ? Devrait-on alors parler de « Deuxième Compagnon » ou « Troisième Copain » de la République ? Quid d’une Présidente lesbienne qui pencherait pour une « polyandrie homosexuelle » ? Tout ca donne le tournis, non ?
Dernière Question : Comment se fait-il que la polygamie continue d'être interdite et de constituer une infraction dans les pays où, assez paradoxalement, l'infidélité, l'adultère, l’échangisme ou la prostitution demeurent moralement et juridiquement tolérés ? N'aurait-il pas été plus « sain », moins « hypocrite » et même plus humain de permettre, par exemple, au Président Hollande et à ses millions de concitoyens dans son sillage, d'assumer ouvertement leur polygamie effective ? D’être autorisés à faire du « ay-ayloo » (comme on dit chez nous) organisé et équitable, sans être obligés d'enjamber nuitamment les grilles de l'Elysée, de se glisser sous une porte dérobée de l'Hôtel Matignon ou de je-ne-sais-quoi, pour raser honteusement les murs assoupis de la Ville Lumière, au moment où le peuple éreinté dort du sommeil du juste, vers d'obscures garçonnières ? Parbleu, que se serait-il passé, nous demandâmes-nous, dans une ultime interrogation hallucinogène, si, dans le cadre des escapades nocturnes de sa « vie privée », des terroristes ou autres malfaiteurs avaient pu, bien avant les paparazzis du magazine Closer, identifier le scooter isolé du Président François Hollande et réussi à kidnapper le « premier des français » ?! Affreux…
De la polygamie« subie » à la polygamie « choisie »
Il faut dire que cette interdiction de la polygamie, très explicite envers les citoyens français, concerne plus, dans la pratique, les émigrés résidents. Elle est notamment matérialisée par les peines mentionnées (retrait de la carte de séjour etc.) dans les articles L. 411-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portant sur le regroupement familial, et L. 313-11 sur la régularisation pour raisons familiales. Ainsi le Législateur français a-t-il voulu proscrire très fermement l’existence d’une polygamie effective sur le territoire national, en demandant aux préfets de refuser la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour à tout ressortissant étranger polygame et à ses conjoints autres que le premier. Ainsi, la prétendue tolérance de l'administration envers la polygamie pour les immigrés, en vertu du respect traditionnel du statut personnel des étrangers, se heurte ainsi en pratique au caractère coercitif des dispositions légales et réglementaires qui reflètent largement les choix de vie et les idéaux du peuple français, au-delà des choix tactiques plus ou moins accommodants ou même populistes, selon la sensibilité politique (droite-gauche) au pouvoir.
Ainsi, lorsque l'ancien président, Nicolas Sarkozy, déclarait publiquement, avec son ton bravache caractéristique, que « La République française ce sont des valeurs : le respect de la femme, l’égalité entre un homme et une femme. (…) Je le dis clairement, la polygamie est interdite sur le territoire de la République Française (…) que ceux qui ne veulent pas comprendre que les valeurs de la République française, c’est la liberté de la femme, la dignité de la femme, le respect de la femme : ceux là n’ont rien à faire en France. Si on ne respecte pas nos lois et si on ne veut pas comprendre les valeurs qui sont les nôtres, si on ne veut pas apprendre le français, alors on n’a rien à faire sur le territoire de la France. ». En justifiant sa position par la contradiction de cette pratique avec les valeurs culturelles de son pays et ses principes cardinaux, ne devrait-on pas logiquement attendre que ce même droit soit également reconnu, par exemple, à la nation sénégalaise et à son peuple d’affirmer : « Nous ne voulons pas de la légalisation de l’homosexualité au Sénégal… Que les étrangers qui ne veulent pas comprendre que nos valeurs de dignité (ngor), de morale (mbaax) et de spiritualité (diine) n’acceptent pas que deux hommes ou deux femmes entretiennent des rapports sexuels n’ont rien à faire sur le territoire sénégalais. Si, par contre, ils sont citoyens sénégalais, qu’ils comprennent qu’ils ont enfreint les lois séculaires de leurs pays et doivent s’attendre à la rigueur de la justice de ce même pays » ?
Cet exemple de l’interdiction de la polygamie en France (et en Occident, de façon plus générale) nous semble d’autant plus représentatif de ce « double jeu » de la tolérance, que l’histoire de France, aussi bien que l’actualité récente et les statistiques, ont amplement démontré que l’infidélité et les relations clandestines avec d’officieuses maîtresses, concubines ou courtisanes, souvent généreusement dotées de luxueuses « garçonnières », furent de tout temps pratiquées par l’élite française au même titre que le bas peuple. Il peut ainsi paraître tout simplement ahurissant, du moins pour tout esprit clairvoyant, de constater, à l’étude de leurs biographies, la polygamie effective de la majorité des Grands de France et la permanente contradiction entre la pratique, les discours engagés et l’abondante littérature inondée de grands principes de justice, de fidélité, de loyauté, d’amour, d’humanisme etc. (comme si les femmes trompées – ces nombreuses Trierweiler de l’Histoire-, leurs enfants naturels, souvent cachés ou reclus, de même que les maris trompés de leurs maîtresses, n’étaient pas eux aussi éligibles à cette loyauté, à cette justice et à ces transports lyriques d’amour pur…) De Henri IV à Louis XIV, de Molière à Voltaire, de Félix Faure à Mitterrand, en passant par Giscard, Chirac et aujourd'hui Hollande, la liste des deuxièmes femmes (« niaareel ») ou troisièmes femmes (« nietteel ») des rois, des grands auteurs, des présidents de la république et de l’élite française est interminable : Madame de Pompadour, Diane de Poitiers, Mme du Châtelet, Anne Pingeot (la femme cachée de Mitterrand qui eut avec lui une fille, Mazarine, qui resta cachée pendant des décennies, au moment où la législation du pays qu’il dirigeait maintenait la polygamie illégale, sous l’argument « des valeurs de la République française que sont la liberté, la dignité et le respect de la femme ») etc. Ce n'est donc pas, à notre avis, peu de dire que le Panthéon et le cimetière du Père-Lachaise sont remplis d’illustres polygames et que, de tout temps la polygamie, dans la pratique, ne fut pas moins française qu’africaine. La seule différence étant que cette polygamie (dans les faits) n'y a jusqu'ici jamais été ouvertement assumée (en principes) et continue ainsi d'être passionnellement « subie » à défaut d'y être rationnellement « choisie »…
Cette choquante duplicité fut, par exemple, dénoncée par Annie Besant, présidente de la théosophie mondiale, en des termes on ne peut plus explicites : « Mais comment les Occidentaux peuvent-ils s’insurger contre la polygamie pratiquée d’une manière limitée dans [l’Islam] alors que la prostitution est monnaie courante dans leur société ? L’observateur attentif peut remarquer que la monogamie n’est vraiment respectée [en Occident] que par peu d’hommes honnêtes, car il n’est pas juste de dire d’une société qu’elle est monogamique, lorsqu’en plus de l’épouse légale, il existe plusieurs maîtresses derrière le rideau. Il s’ensuit donc que si l’on évalue les choses d’une manière juste, il apparaît que la polygamie islamique, qui préserve les femmes, les protège, les nourrit et les vêtit, est supérieure à la prostitution occidentale qui permet à l’homme de prendre une femme dans le seul but d’assouvir ses pulsions, puis de la jeter… » On estime ainsi, pour prendre un exemple ailleurs, qu’aux États-Unis, le pourcentage d’hommes infidèles oscille entre 23 et 50% et celui des femmes infidèles entre 13 et 50%. Plus de 15% des maris américains avouent avoir eu plusieurs aventures et près de 70% des hommes mariés âgés de moins de 40 ans s’attendent à vivre une aventure extra-conjugale au moins une fois dans leur vie. Et que dire de la nouvelle tendance des sites de rencontre spécialisés qui ciblent désormais, pignon sur rue, les hommes et femmes mariés à la recherche de nouvelles « sensations »...
Pour terminer sur ce sujet, on ne peut manquer de se demander pourquoi les organisations de droits de l’homme, si promptes à dénoncer les « persécutions », au Sénégal et ailleurs, contre les « minorités sexuelles », ne réclament pas, par exemple, avec autant d’ardeur et d’entrain la légalisation de la polygamie en France et ailleurs ? Ne serait-ce qu'au nom du même principe de la « liberté individuelle » qui a permis d’accepter l’infidélité, le mariage entre deux hommes, les relations entre deux parents incestueux consentants ou l’échangisme entre deux couples. Ou bien, seraient-elles par hasard, sans oser le proclamer ouvertement, les nouvelles porteuses du « fardeau » de la « mission civilisatrice » de l’Occident à travers le monde, pour se faire invariablement les infatigables caisses de résonance des idées issues de ce système de pensée, même les plus aberrantes ? N’est-il pas urgent de redéfinir une approche alternative des droits de l’homme qui ne se basent plus exclusivement sur certains fondements matérialistes et athées de la Révolution de 1789, tout en évitant le piège des « extrémismes » religieux, politiques et idéologiques de tous bords ? Serait-ce trop demander à nos Présidents africains « fréquentables » d'imaginer, par exemple, l'un d'entre eux, sur la pelouse de la Maison Blanche, sur le parquet de l’Elysée (ou même le parvis du Club de Paris), sermonner publiquement la France ou les États-Unis, lors d'une de leurs visites officielles dans ces pays, sur leurs atteintes à ce droit et à bien d'autres ? De la même manière que les dirigeants de ces pays se permettent régulièrement de nous interpeller ouvertement, sous la pression de divers lobbies, sur nos manquements envers leur conception des Droits de l'Homme…
Il ne s’agit point ici, il faut le dire, de discuter sur la légitimité ou non de la polygamie, ni sur la lecture universaliste des principes de laïcité, de liberté individuelle et des droits de la femme que veut imposer la pensée matérialiste moderne (se dissimulant sous les oripeaux de la « Communauté internationale » ou même des « Nations unies »), qui est censée être au dessus de toutes les autres perspectives. Il s’agit plutôt d’interroger sereinement le principe assez simple du nécessaire dialogue interculturel et celui de la réciprocité qui devrait normalement et légitimement, quelle que soit la culture en jeu, s’appliquer à tous s’agissant de cette question de la « tolérance ». Au risque autrement d’insinuer que les valeurs de la culture matérialiste (occidentale) sont définitivement supérieures et prépondérantes, en toutes matières, sur celles des autres cultures, sans même avoir eu besoin de prouver cette prétendue suprématie. Car comment, autrement, démontrer que le choix librement consenti (sans aucun prétendu lavage de cerveau ou « conditionnement ») d’une femme « majeure et consentante » de vivre dans un ménage polygame avec l’homme qu’elle s’est librement choisi ou a accepté comme époux, ne découle pas du même principe de la liberté individuelle « sans gêner personne » qui assura l’impunité aux homosexuels ? En foi de quoi, dites-le nous, Monsieur Hollande, l’infidélité, la prostitution ou l’homosexualité seraient-elles supérieures à la polygamie ?
Abdoul Aziz Mbacké
Majalis