Préambule
Je voudrais, vous exprimer, à vous personnellement M. ANTIL, à tous vos collaborateurs mes sincères remerciements pour m’avoir invité dans ce prestigieux Institut.
Pour introduire le thème de ce soir, j’emprunterais à la théorie de la tectonique des plaques la métaphore du craton. L’Afrique de l’Ouest est constituée par ce que l’on appelle « le craton ouest-africain» qui est une zone de stabilité tectonique consolidée au fil des âges géologiques. De la même manière, pour mener une politique qui mène au véritable développement, le Sénégal doit œuvrer pour faire de son espace géostratégique un « craton diplomatique ».
Je souhaite ici vous faire part les 7 priorités qui définissent, à mon sens, des objectifs ambitieux mais réalistes pour une politique étrangère qui soit au service d’un véritable développement.
Diplomatie du voisinage.
Définir et mettre en œuvre une politique de bon voisinage par une concertation permanente, des sommets bilatéraux, les projets sous régionaux sur la base d’intérêts communs et d’une coopération renforcée au service de la paix et du développement
La priorité première de tout gouvernement sénégalais devrait être la résolution de la crise en Casamance qui perdure depuis près de 30 ans. Certains spécialistes le qualifieraient de conflit de «conflit de basse intensité». Pour ma part, je considère que c’est une crise meurtrière dont le coût en vies humaines et en biens est insupportable.
La crise alterne périodes de guerre sanglante et moments précaires d’accalmie. Un climat de ni guerre ni paix qui accentue l’insécurité et l’incertitude. L’impact est désastreux. En premier lieu humainement. la semaine dernière encore, 11 de nos compatriotes ont été lâchement criblés de balles dans la forêt de Diagnon. Ensuite, sur l’économie de la région, la Casamance a le plus grand potentiel agricole et touristique du pays mais les projets sont paralysés du fait de l’instabilité ambiante. Enfin, l’impact de la crise casamançaise pèse sur les relations avec nos voisins de la Gambie et la Guinée Bissau.
Ma conviction est établie que ce conflit ne peut trouver une solution durable et définitive sans l’implication de ces deux pays, qui sont fortement touchés non seulement par l’insécurité mais aussi par l’afflux massif de réfugiés.
Un accord de règlement définitif doit être recherché, négocié et conclu avec le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Sénégal. Cet accord ne peut être que participatif avec la contribution des chefs religieux, des organisations de femmes et de jeunesse, les femmes et hommes de culture, des acteurs politiques et de la société civile, des cadres casamançais de tout bord.
Mais la paix s’obtient aussi en œuvrant pour le développement économique, social et culturel de la région naturelle de Casamance. Cela passe par un désenclavement terrestre, aérien et maritime de la région pour assurer une continuité territoriale. Cela passe aussi par le développement des infrastructures agricoles, industrielles et touristiques.
J’ai parlé de la place de la Gambie dans la recherche de solution à la crise casamançaise ; Au-delà, je voudrais souligner l’extrême importance que je compte accorder à nos relations avec la Gambie. Situé au cœur du Sénégal, la Gambie est plus qu’un voisin. Elle n’a, en effet, de frontières communes qu’avec le Sénégal ; d’où la spécificité de la relation Gambie/Sénégal à nulle autre pareille dans le monde. Nos rapports doivent s’inscrire dans une relation de confiance totale et de coopération intense, à tous les niveaux et dans tous les domaines. Ce sera également le cas avec la Guinée Bissau dont je loue l’effort quotidien pour sortir des situations difficiles qui contrarient sa trajectoire vers la paix et la stabilité. D’ailleurs, j’encourage la communauté internationale à accorder plus d’attention à ce pays frère dont la stabilité constitue un défi majeur pour tous ses voisins.
De même, nous nous inscrirons dans une perspective stratégique de coopération dynamique et renforcée avec nos voisins immédiats tels le Mali, la Mauritanie, et le Cap Vert.
Rôle et place des institutions africaines dans la gouvernance mondiale.
Renforcer les capacités d’initiative et d’action diplomatique de l’Union Africaine. L’Afrique doit parler d’une seule voix pour peser dans les affaires du monde.
Réforme du Conseil de sécurité de l’ONU
La question récurrente de la réforme du Conseil de sécurité de l’Organisation des nations Unies doit constituée un élément central de l’affirmation de l’Afrique sur la scène internationale. Le Sénégal doit fermement soutenir la position africaine commune du Consensus d’Ezulweni (Swaziland) qui réclame 5 nouveaux sièges pour l’Afrique dont 2 permanents avec droit de veto. Pour renforcer nos chances de succès, j’encourage l’Union Africaine à poursuivre les consultations, notamment avec le G4 (Japon, Allemagne, Brésil, Inde) qui ambitionnent eux-aussi de devenir membres permanents du Conseil de Sécurité. Je soutiendrais leurs candidatures tout en souhaitant qu’ils en fassent de même pour la position commune africaine.
Je voudrais saisir l’opportunité d’être à l’Ifri pour demander à nos amis français, américains, Chinois, Russes et britanniques (les 5 Permanents) de soutenir la position commune africaine qui me semble assez réaliste compte tenu du poids de notre continent regroupant 54 Etats et une population d’un milliard d’habitant.
Sur ce sujet très sensible, je me réjouis de la position française qui a déjà pris fait et cause pour l’Afrique et je l’encourage à continuer ses efforts pour convaincre ses partenaires du P5.
Candidature du Sénégal comme membre non permanent du Conseil de sécurité
En attendant que cette réforme du Conseil de sécurité, et au-delà, celle de l’Organisation onusienne dans sa globalité, se réalise, le Sénégal doit candidater à nouveau à un siège de membre non-permanent du Conseil de Sécurité. En effet, durant notre histoire cinquantenaire, le Sénégal a siégé 2 fois en 1968/69 et en 1988/89. Plus de 20 ans après, le moment est venu de retourner au Conseil pour partager notre regard et notre expérience dans la conduite des affaires mondiales.
Mise en œuvre des projets d’infrastructures d’intégration sous régional (OMVS, OMVG, routes transfrontalières, ponts)
Notre pays, depuis son indépendance, s’est engagé dans des processus de construction et d’intégration africain. L’impulsion en avait été donnée par le Président Senghor qui avait théorisé le concept de «cercles concentriques» comme modalité de construction progressive de l’unité africaine.
Aujourd’hui, le Sénégal est membre fondateur de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG).
Cette dynamique d’intégration économique sous-régionale a été entravée par la succession de crises qui ont frappé notre région (Sierra Leone, Liberia, conflits touarègues, Côte d’Ivoire, Guinée).
Aujourd’hui, la relative période d’accalmie observée dans l’espace CEDEAO depuis la fin des crises ivoiriennes et guinéennes doit permettre d’avancer le plus efficacement possible sur les projets de développement régionaux, notamment en termes d’infrastructures pour régler par exemple durablement et collectivement la question énergétique. Le Sénégal doit jouer un rôle moteur pour que des résultats rapides voient le jour. Le temps des discours est passé, les projets doivent entrer dans leur phase de réalisation.
Nouvelles politiques communautaires (agriculture, énergie, transports)
Dans le même laps temps, il conviendra de donner une impulsion nouvelle au processus d’intégration politique dans les espaces UEMOA et CEDEAO. Le projet politique pose la question de la finalité : Quelle est la finalité de la CEDEAO? Quelle est la finalité de l’UEMOA ?
L’intégration économique ne saurait être une fin en soi. L’Europe, avec l’Union Européenne, nous le démontre au quotidien. Le contexte régional et international actuel nous impose de trouver, j’allais dire d’inventer de nouvelles formes et modalités de coopération. Il faut oser innover et explorer de nouvelles voies pour arrimer notre continent au train de la mondialisation.
Je soutiens qu’une vision politique rénovée exige la rationalisation de ces institutions et la création d’un mécanisme novateur de convergence des différentes politiques nationales dans les domaines stratégiques (énergie, transport, agriculture, maintien de la paix).
Diplomatie pour un véritable développement
Promouvoir une diplomatie de développement en renforçant nos relations de coopération avec les différents pays partenaires.
Relation avec la France
Ma présence avec vous ce soir illustre bien le caractère privilégié de la France dans la politique diplomatique du Sénégal. La France reste et demeure notre partenaire privilégié. C’est notre histoire commune multiséculaire qui est ainsi faite.
Cependant, ne nous voilons pas la face. Si la France est toujours vue comme un acteur important, elle n’a plus le monopole de l’influence culturelle, économique et politique. Désormais, la population sénégalaise regarde, s’influence et échange avec nos frères africains, européens, américains, mais aussi des pays du Golfe ou d’Asie.
Les défis sont importants pour maintenir la primauté de cette relation. Nous avons connu des accrochages sur les politiques migratoires, sur la réforme des accords APE mais aussi sur le traité de défense qui ont mis au second plan, la profondeur de nos relations que ce soit autour de nos intérêts fondamentaux communs, la coopération multiforme entre les peuples sénégalais et français, des relations économiques riches et promises à un bel avenir.
En tous les cas, les gouvernants qui sortiront des processus électoraux qui se tiendront dans nos deux pays l’année prochaine doivent s’évertuer à cultiver davantage le besoin de Sénégal en France et davantage le besoin de France au Sénégal.
Relation avec l’Union européenne
La France est, du fait de l’histoire, notre porte d’entrée dans l’Union Européenne avec laquelle nous entendons développer des relations fortes.
Il y a des malentendus dans les rapports euro-africains à lever au plus vite, comme toutes les controverses de ces dernières années sur les Accords de Partenariat Economique (APE) auxquels d’autres préfèrent des Accords de Partenariat pour le Développement (APD). Pour se faire, le Sénégal doit s’assurer que ces accords sont un cadre bénéfique pour œuvrer à son véritable développement. Il faut sortir de la courte vue et prendre un peu de hauteur. En cela, la définition d’un plan de développement national avec des objectifs à atteindre d’ici 2020 et 2030 nous permettra de cibler les moyens d’y arriver et quel type de partenariats économiques nous devons établir avec nos partenaires
Je plaide pour que la concertation entre l’Europe et l’Afrique soit plus dynamique et plus régulière car, figurez-vous que le premier Sommet Europe/ Afrique ne s’est tenu qu’ en Avril 2000, le deuxième, 7 ans plus tard, en 2007 et le dernier, il y a un an, jour pour jour. A mon sens, le dialogue Europe/ Afrique doit davantage se construire, se structurer et s’intensifier ; il doit être global, multiforme, sans tabou, critique et autocritique. Il doit embrasser à la fois les questions politiques, migratoires et de développement dans le cadre d’un monde globalisé qui change, parfois, dangereusement, avec des défis inédits et des menaces nouvelles auxquels ni l’Europe seule, ni l’Afrique seule ne peut faire face.
Relation avec les Etats-Unis
Ces dernières années, le Sénégal a tissé une relation privilégiée avec les Etats-Unis que ce soit par la mise en place du Millenium Challenge Account mais aussi des accords AGOA. Le Sénégal doit accompagner ce nouvel intérêt américain pour le continent africain.
Relation avec les pays émergents
Les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) constituent le nouveau moteur de l’économie-monde. Le Sénégal doit s’inspirer des expériences de ces pays pour construire son modèle de véritable développement. Au-delà de l’inspiration, nous devons réussir à profiter du regain d’intérêts de ces pays pour notre région en signant des accords au niveau du transfert de compétence, de savoirs-faire.
Diplomatie de paix et de sécurité
Impulser une diplomatie de souveraineté nationale et de responsabilité. Sans céder au repli sur soi et au nationalisme étroit, notre diplomatie sera ouverte tout en veillant à la souveraineté du Sénégal dans ses choix et ses orientations
La période de stabilité régionale dans laquelle nous sommes rentrés depuis cette année est précaire. Elle est menacée avec la présence d’Aqmi dans la bande saharo-sahélienne, l’essor des trafic de drogue, d’êtres humains, d’armes, de cigarettes, les conflits de pouvoir, la montée des intégrismes de tous genres, l’intolérance politique et confessionnelle, les dissensions ethno-religieuses, l’accaparement des ressources et des richesses nationales par des oligarchies, la faiblesse des institutions républicaines, la mal gouvernance politique et économique, le chômage massif des jeunes, et j’en passe.
Il est évident que le Sénégal ne peut, seul, faire face efficacement à ces menaces. En effet, chacun de ces types de menace est source de pression sur la paix, la stabilité et la sécurité régionale, voire internationale.
Terrorisme : AQMI, Boko Haram
J’en veux pour preuve la menace terroriste, avec AQMI notamment dans la bande sahélo-saharienne ou Boko Haram au Nord Nigeria. Le Sénégal ne saurait être soustrait de manière formelle de cet espace couvert. Ce bras de la nébuleuse Al Qaida se déploie plutôt au Mali voisin, en Mauritanie, au Niger, au Tchad et un peu plus au Nord, en Algérie. Le Sénégal ne peut plus doit s’impliquer activement dans l’action collective et l’effort constant des pays directement concernés pour sa sécurité, celle de l’Afrique et du monde. Il s’agira ainsi de renforcer la coopération avec nos voisins de l’Est et du Nord, dans les domaines de la prévention, du renseignement, de l’échange d’informations, de l’entraide policière, juridique et judiciaire, en mettant un accent particulier sur la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent. Il s’agit, de façon plus globale, d’impulser une coopération plus dynamique, dans l’espace CEDEAO et au plan continental, dans le cadre de l’Union africaine qui, je le pense très sincèrement, ne semble pas accorder à cette question toute l’importance requise. Aujourd’hui plus qu’hier, et demain plus qu’aujourd’hui, nous aurons besoin du soutien et de l’assistance multiforme de nos partenaires comme la France, l’Union Européenne, les Etats Unis d’ Amérique qui, à des degrés divers, sont concernés par cette menace terroriste.
Maintien de la paix
Le Sénégal a hérité de l’ère Senghor une diplomatie réputée et très active au niveau continental et international dans la médiation et le maintien de la paix. Cette participation importante au niveau diplomatique et militaire a eu son tribut en vies humaines dans les interventions de maintien de la paix en soutien des actions de l’ONU et l’UA. L’Union africaine en se dotant d’une architecture du maintien de la paix a émis des objectifs ambitieux que le Sénégal doit s’engager à respecter, notamment la mise en place de la force africaine en attente au niveau de la CEDEAO. Si ces initiatives sont menées à terme, nous aurons les moyens de régler nos problèmes de maintien de la paix avec nos propres moyens. Le Sénégal a un rôle leader à jouer.
Politique de la diaspora
Affirmer une diplomatie de protection et de promotion des Sénégalais de l’Extérieur qui, comme vous le savez, contribuent chaque année, et de façon substantielle, à la prospérité du Sénégal et au bien-être de leurs familles restées au pays.
Mieux connaître et protéger notre diaspora
Tout d’abord il convient de resituer les choses. Près de 90% de notre diaspora est installée dans les pays Africains. Nous discuterons avec nos partenaires européens d’une politique autrement moins affective et émotionnelle sur les questions migratoires. Je ne souhaiterais nullement que les relations entre l’Europe et l’Afrique soient réduites à la lutte contre l’émigration clandestine et au FRONTEX, c’est-à-dire la surveillance des frontières extérieures de l’Europe.
Je comprends bien les préoccupations européennes de contrôle des flux migratoires, de lutte contre l’insécurité et les menaces terroristes mais ma conviction est faite que rien ni personne ne pourra mettre fin aux mouvements migratoires dans le monde, qu’ils soient légaux ou illégaux. Et cela d’autant moins que le défi du développement ne sera pas relevé.
Je propose un dialogue constructif qui prenne en compte les préoccupations africaines et les soucis légitimes de l’Europe, notamment en menant des actions communes de formation professionnelle et en construisant les bases pour le véritable développement du Sénégal. A cet égard, je tiens à préciser que je soutiens le processus de Rabat entamé depuis 2006. Il y a tellement de sujets et d’objets de coopération et d’échange entre l’Europe et l’Afrique qu’il apparaît bien réducteur de ne mettre en évidence que la question migratoire.
La diaspora acteur de développement et de rayonnement
La diaspora doit être une partie intégrante de la diplomatie. C’est à la fois un vivier de compétences, un acteur d’influence à l’international et un agent du développement et de transformation des pays d’accueil et d’origine. Leur contribution annuelle en termes de transferts de fond est supérieure à celle de tous les partenaires extérieurs du Sénégal.
La diplomatie sénégalaise doit mieux la prendre en compte dans les différents domaines de politiques publiques (éducation, santé, emploi, finance, etc.). Le pilotage doit ainsi être revu et se fondre dans le Ministère des Affaires Etrangères, la représentation de la diaspora doit aussi devenir effective dans les institutions avec une participation de celle-ci au parlement.
Ces "acteurs de développement" agissent « ici et là-bas » mais les outils d’appui de leurs actions mis en place par les Etats, les ONG ou les partenaires internationaux restent encore limités. Il est impératif de faire preuve d’innovation. Le codéveloppement par exemple initié dans le cadre de la coopération franco-sénégalaise apporte certes une reconnaissance effective du rôle des migrants dans le développement local en lien avec la décentralisation mais pêchent à permettre la bancarisation des fonds nécessaire à un développement durable.
Son évolution impose de l’articuler avec des outils financiers et de construire des produits adaptés aux besoins : habitat, entrepreneuriat, transferts de compétence, enseignement supérieur, expertise, etc. Nous faciliterons les investissements dans des secteurs porteurs avec la montée en puissance des différents dispositifs tels que le Fonds d'Appui à l'Investissement des Sénégalais de l'Extérieur (FAISE) mais aussi ceux d’appui à la structuration des associations de la diaspora et à une meilleure prise en compte de leurs compétences dans l’expertise internationale notamment.
Diplomatie des Droits de l’homme
Rendre effective une diplomatie des droits de l’Homme et des peuples qui, sera basée sur le socle universelle des valeurs démocratiques – justice indépendante et moderne, lutte contre la corruption, renforcement et stabilité des institutions – et des échanges internationaux pour construire et renforcer notre modèle.
Par ailleurs concrètement l’’Afrique doit se donner les moyens juridiques et financiers pour juger les auteurs de crimes contre l’humanité. L’affaire Hissène Habré et peut-être bientôt de Saif Al Islam montrent l’inadéquation des systèmes juridiques de la plupart des Etats africains par rapport au temps politique. Ma conviction la plus profonde est que les Etats africains doivent se donner les moyens de juger les auteurs de crimes contre l’humanité.
Rationalisation de la carte diplomatique
Rationaliser la carte diplomatique du Sénégal en fonction des intérêts vitaux et des priorités en bannissant toute excentricité.
Ce principe de rationalisation des dépenses publiques doit s’opérer pour tous les secteurs de notre administration, y compris les outils de politique étrangère. Pour donner des marges de manœuvre au gouvernement, l’Etat sénégalais doit faire preuve d’efficacité. Notre pays n’a pas les moyens de mener des opérations de prestige. Un premier calcul fait sur la carte diplomatique actuelle m’inspire que nous avons une quinzaine d’ambassades dont le rôle est limité et dont nous pouvons faire l’économie. Le but ultime de notre diplomatie est de servir au véritable développement du Sénégal.
Conclusion
Ces 7 priorités constituent la base d’une nouvelle politique étrangère pour le Sénégal : une diplomatie du renouveau, une diplomatie pour la paix et le développement.
Ces priorités s’inscrivent dans mon programme présidentiel pour le Sénégal intitulé « le chemin du véritable développement » ou « YOONU YOKKUTE» en wolof.
Ce programme est composé de 5 axes :
Mettre fin à l’injustice sociale
Assurer les bases du véritable développement
Atteindre une productivité développante
Construire un modèle de démocratie irréprochable et efficace
Garantir la paix, la sécurité et l’intégration africaine
Je vous remercie.
Je voudrais, vous exprimer, à vous personnellement M. ANTIL, à tous vos collaborateurs mes sincères remerciements pour m’avoir invité dans ce prestigieux Institut.
Pour introduire le thème de ce soir, j’emprunterais à la théorie de la tectonique des plaques la métaphore du craton. L’Afrique de l’Ouest est constituée par ce que l’on appelle « le craton ouest-africain» qui est une zone de stabilité tectonique consolidée au fil des âges géologiques. De la même manière, pour mener une politique qui mène au véritable développement, le Sénégal doit œuvrer pour faire de son espace géostratégique un « craton diplomatique ».
Je souhaite ici vous faire part les 7 priorités qui définissent, à mon sens, des objectifs ambitieux mais réalistes pour une politique étrangère qui soit au service d’un véritable développement.
Diplomatie du voisinage.
Définir et mettre en œuvre une politique de bon voisinage par une concertation permanente, des sommets bilatéraux, les projets sous régionaux sur la base d’intérêts communs et d’une coopération renforcée au service de la paix et du développement
La priorité première de tout gouvernement sénégalais devrait être la résolution de la crise en Casamance qui perdure depuis près de 30 ans. Certains spécialistes le qualifieraient de conflit de «conflit de basse intensité». Pour ma part, je considère que c’est une crise meurtrière dont le coût en vies humaines et en biens est insupportable.
La crise alterne périodes de guerre sanglante et moments précaires d’accalmie. Un climat de ni guerre ni paix qui accentue l’insécurité et l’incertitude. L’impact est désastreux. En premier lieu humainement. la semaine dernière encore, 11 de nos compatriotes ont été lâchement criblés de balles dans la forêt de Diagnon. Ensuite, sur l’économie de la région, la Casamance a le plus grand potentiel agricole et touristique du pays mais les projets sont paralysés du fait de l’instabilité ambiante. Enfin, l’impact de la crise casamançaise pèse sur les relations avec nos voisins de la Gambie et la Guinée Bissau.
Ma conviction est établie que ce conflit ne peut trouver une solution durable et définitive sans l’implication de ces deux pays, qui sont fortement touchés non seulement par l’insécurité mais aussi par l’afflux massif de réfugiés.
Un accord de règlement définitif doit être recherché, négocié et conclu avec le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Sénégal. Cet accord ne peut être que participatif avec la contribution des chefs religieux, des organisations de femmes et de jeunesse, les femmes et hommes de culture, des acteurs politiques et de la société civile, des cadres casamançais de tout bord.
Mais la paix s’obtient aussi en œuvrant pour le développement économique, social et culturel de la région naturelle de Casamance. Cela passe par un désenclavement terrestre, aérien et maritime de la région pour assurer une continuité territoriale. Cela passe aussi par le développement des infrastructures agricoles, industrielles et touristiques.
J’ai parlé de la place de la Gambie dans la recherche de solution à la crise casamançaise ; Au-delà, je voudrais souligner l’extrême importance que je compte accorder à nos relations avec la Gambie. Situé au cœur du Sénégal, la Gambie est plus qu’un voisin. Elle n’a, en effet, de frontières communes qu’avec le Sénégal ; d’où la spécificité de la relation Gambie/Sénégal à nulle autre pareille dans le monde. Nos rapports doivent s’inscrire dans une relation de confiance totale et de coopération intense, à tous les niveaux et dans tous les domaines. Ce sera également le cas avec la Guinée Bissau dont je loue l’effort quotidien pour sortir des situations difficiles qui contrarient sa trajectoire vers la paix et la stabilité. D’ailleurs, j’encourage la communauté internationale à accorder plus d’attention à ce pays frère dont la stabilité constitue un défi majeur pour tous ses voisins.
De même, nous nous inscrirons dans une perspective stratégique de coopération dynamique et renforcée avec nos voisins immédiats tels le Mali, la Mauritanie, et le Cap Vert.
Rôle et place des institutions africaines dans la gouvernance mondiale.
Renforcer les capacités d’initiative et d’action diplomatique de l’Union Africaine. L’Afrique doit parler d’une seule voix pour peser dans les affaires du monde.
Réforme du Conseil de sécurité de l’ONU
La question récurrente de la réforme du Conseil de sécurité de l’Organisation des nations Unies doit constituée un élément central de l’affirmation de l’Afrique sur la scène internationale. Le Sénégal doit fermement soutenir la position africaine commune du Consensus d’Ezulweni (Swaziland) qui réclame 5 nouveaux sièges pour l’Afrique dont 2 permanents avec droit de veto. Pour renforcer nos chances de succès, j’encourage l’Union Africaine à poursuivre les consultations, notamment avec le G4 (Japon, Allemagne, Brésil, Inde) qui ambitionnent eux-aussi de devenir membres permanents du Conseil de Sécurité. Je soutiendrais leurs candidatures tout en souhaitant qu’ils en fassent de même pour la position commune africaine.
Je voudrais saisir l’opportunité d’être à l’Ifri pour demander à nos amis français, américains, Chinois, Russes et britanniques (les 5 Permanents) de soutenir la position commune africaine qui me semble assez réaliste compte tenu du poids de notre continent regroupant 54 Etats et une population d’un milliard d’habitant.
Sur ce sujet très sensible, je me réjouis de la position française qui a déjà pris fait et cause pour l’Afrique et je l’encourage à continuer ses efforts pour convaincre ses partenaires du P5.
Candidature du Sénégal comme membre non permanent du Conseil de sécurité
En attendant que cette réforme du Conseil de sécurité, et au-delà, celle de l’Organisation onusienne dans sa globalité, se réalise, le Sénégal doit candidater à nouveau à un siège de membre non-permanent du Conseil de Sécurité. En effet, durant notre histoire cinquantenaire, le Sénégal a siégé 2 fois en 1968/69 et en 1988/89. Plus de 20 ans après, le moment est venu de retourner au Conseil pour partager notre regard et notre expérience dans la conduite des affaires mondiales.
Mise en œuvre des projets d’infrastructures d’intégration sous régional (OMVS, OMVG, routes transfrontalières, ponts)
Notre pays, depuis son indépendance, s’est engagé dans des processus de construction et d’intégration africain. L’impulsion en avait été donnée par le Président Senghor qui avait théorisé le concept de «cercles concentriques» comme modalité de construction progressive de l’unité africaine.
Aujourd’hui, le Sénégal est membre fondateur de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG).
Cette dynamique d’intégration économique sous-régionale a été entravée par la succession de crises qui ont frappé notre région (Sierra Leone, Liberia, conflits touarègues, Côte d’Ivoire, Guinée).
Aujourd’hui, la relative période d’accalmie observée dans l’espace CEDEAO depuis la fin des crises ivoiriennes et guinéennes doit permettre d’avancer le plus efficacement possible sur les projets de développement régionaux, notamment en termes d’infrastructures pour régler par exemple durablement et collectivement la question énergétique. Le Sénégal doit jouer un rôle moteur pour que des résultats rapides voient le jour. Le temps des discours est passé, les projets doivent entrer dans leur phase de réalisation.
Nouvelles politiques communautaires (agriculture, énergie, transports)
Dans le même laps temps, il conviendra de donner une impulsion nouvelle au processus d’intégration politique dans les espaces UEMOA et CEDEAO. Le projet politique pose la question de la finalité : Quelle est la finalité de la CEDEAO? Quelle est la finalité de l’UEMOA ?
L’intégration économique ne saurait être une fin en soi. L’Europe, avec l’Union Européenne, nous le démontre au quotidien. Le contexte régional et international actuel nous impose de trouver, j’allais dire d’inventer de nouvelles formes et modalités de coopération. Il faut oser innover et explorer de nouvelles voies pour arrimer notre continent au train de la mondialisation.
Je soutiens qu’une vision politique rénovée exige la rationalisation de ces institutions et la création d’un mécanisme novateur de convergence des différentes politiques nationales dans les domaines stratégiques (énergie, transport, agriculture, maintien de la paix).
Diplomatie pour un véritable développement
Promouvoir une diplomatie de développement en renforçant nos relations de coopération avec les différents pays partenaires.
Relation avec la France
Ma présence avec vous ce soir illustre bien le caractère privilégié de la France dans la politique diplomatique du Sénégal. La France reste et demeure notre partenaire privilégié. C’est notre histoire commune multiséculaire qui est ainsi faite.
Cependant, ne nous voilons pas la face. Si la France est toujours vue comme un acteur important, elle n’a plus le monopole de l’influence culturelle, économique et politique. Désormais, la population sénégalaise regarde, s’influence et échange avec nos frères africains, européens, américains, mais aussi des pays du Golfe ou d’Asie.
Les défis sont importants pour maintenir la primauté de cette relation. Nous avons connu des accrochages sur les politiques migratoires, sur la réforme des accords APE mais aussi sur le traité de défense qui ont mis au second plan, la profondeur de nos relations que ce soit autour de nos intérêts fondamentaux communs, la coopération multiforme entre les peuples sénégalais et français, des relations économiques riches et promises à un bel avenir.
En tous les cas, les gouvernants qui sortiront des processus électoraux qui se tiendront dans nos deux pays l’année prochaine doivent s’évertuer à cultiver davantage le besoin de Sénégal en France et davantage le besoin de France au Sénégal.
Relation avec l’Union européenne
La France est, du fait de l’histoire, notre porte d’entrée dans l’Union Européenne avec laquelle nous entendons développer des relations fortes.
Il y a des malentendus dans les rapports euro-africains à lever au plus vite, comme toutes les controverses de ces dernières années sur les Accords de Partenariat Economique (APE) auxquels d’autres préfèrent des Accords de Partenariat pour le Développement (APD). Pour se faire, le Sénégal doit s’assurer que ces accords sont un cadre bénéfique pour œuvrer à son véritable développement. Il faut sortir de la courte vue et prendre un peu de hauteur. En cela, la définition d’un plan de développement national avec des objectifs à atteindre d’ici 2020 et 2030 nous permettra de cibler les moyens d’y arriver et quel type de partenariats économiques nous devons établir avec nos partenaires
Je plaide pour que la concertation entre l’Europe et l’Afrique soit plus dynamique et plus régulière car, figurez-vous que le premier Sommet Europe/ Afrique ne s’est tenu qu’ en Avril 2000, le deuxième, 7 ans plus tard, en 2007 et le dernier, il y a un an, jour pour jour. A mon sens, le dialogue Europe/ Afrique doit davantage se construire, se structurer et s’intensifier ; il doit être global, multiforme, sans tabou, critique et autocritique. Il doit embrasser à la fois les questions politiques, migratoires et de développement dans le cadre d’un monde globalisé qui change, parfois, dangereusement, avec des défis inédits et des menaces nouvelles auxquels ni l’Europe seule, ni l’Afrique seule ne peut faire face.
Relation avec les Etats-Unis
Ces dernières années, le Sénégal a tissé une relation privilégiée avec les Etats-Unis que ce soit par la mise en place du Millenium Challenge Account mais aussi des accords AGOA. Le Sénégal doit accompagner ce nouvel intérêt américain pour le continent africain.
Relation avec les pays émergents
Les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) constituent le nouveau moteur de l’économie-monde. Le Sénégal doit s’inspirer des expériences de ces pays pour construire son modèle de véritable développement. Au-delà de l’inspiration, nous devons réussir à profiter du regain d’intérêts de ces pays pour notre région en signant des accords au niveau du transfert de compétence, de savoirs-faire.
Diplomatie de paix et de sécurité
Impulser une diplomatie de souveraineté nationale et de responsabilité. Sans céder au repli sur soi et au nationalisme étroit, notre diplomatie sera ouverte tout en veillant à la souveraineté du Sénégal dans ses choix et ses orientations
La période de stabilité régionale dans laquelle nous sommes rentrés depuis cette année est précaire. Elle est menacée avec la présence d’Aqmi dans la bande saharo-sahélienne, l’essor des trafic de drogue, d’êtres humains, d’armes, de cigarettes, les conflits de pouvoir, la montée des intégrismes de tous genres, l’intolérance politique et confessionnelle, les dissensions ethno-religieuses, l’accaparement des ressources et des richesses nationales par des oligarchies, la faiblesse des institutions républicaines, la mal gouvernance politique et économique, le chômage massif des jeunes, et j’en passe.
Il est évident que le Sénégal ne peut, seul, faire face efficacement à ces menaces. En effet, chacun de ces types de menace est source de pression sur la paix, la stabilité et la sécurité régionale, voire internationale.
Terrorisme : AQMI, Boko Haram
J’en veux pour preuve la menace terroriste, avec AQMI notamment dans la bande sahélo-saharienne ou Boko Haram au Nord Nigeria. Le Sénégal ne saurait être soustrait de manière formelle de cet espace couvert. Ce bras de la nébuleuse Al Qaida se déploie plutôt au Mali voisin, en Mauritanie, au Niger, au Tchad et un peu plus au Nord, en Algérie. Le Sénégal ne peut plus doit s’impliquer activement dans l’action collective et l’effort constant des pays directement concernés pour sa sécurité, celle de l’Afrique et du monde. Il s’agira ainsi de renforcer la coopération avec nos voisins de l’Est et du Nord, dans les domaines de la prévention, du renseignement, de l’échange d’informations, de l’entraide policière, juridique et judiciaire, en mettant un accent particulier sur la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent. Il s’agit, de façon plus globale, d’impulser une coopération plus dynamique, dans l’espace CEDEAO et au plan continental, dans le cadre de l’Union africaine qui, je le pense très sincèrement, ne semble pas accorder à cette question toute l’importance requise. Aujourd’hui plus qu’hier, et demain plus qu’aujourd’hui, nous aurons besoin du soutien et de l’assistance multiforme de nos partenaires comme la France, l’Union Européenne, les Etats Unis d’ Amérique qui, à des degrés divers, sont concernés par cette menace terroriste.
Maintien de la paix
Le Sénégal a hérité de l’ère Senghor une diplomatie réputée et très active au niveau continental et international dans la médiation et le maintien de la paix. Cette participation importante au niveau diplomatique et militaire a eu son tribut en vies humaines dans les interventions de maintien de la paix en soutien des actions de l’ONU et l’UA. L’Union africaine en se dotant d’une architecture du maintien de la paix a émis des objectifs ambitieux que le Sénégal doit s’engager à respecter, notamment la mise en place de la force africaine en attente au niveau de la CEDEAO. Si ces initiatives sont menées à terme, nous aurons les moyens de régler nos problèmes de maintien de la paix avec nos propres moyens. Le Sénégal a un rôle leader à jouer.
Politique de la diaspora
Affirmer une diplomatie de protection et de promotion des Sénégalais de l’Extérieur qui, comme vous le savez, contribuent chaque année, et de façon substantielle, à la prospérité du Sénégal et au bien-être de leurs familles restées au pays.
Mieux connaître et protéger notre diaspora
Tout d’abord il convient de resituer les choses. Près de 90% de notre diaspora est installée dans les pays Africains. Nous discuterons avec nos partenaires européens d’une politique autrement moins affective et émotionnelle sur les questions migratoires. Je ne souhaiterais nullement que les relations entre l’Europe et l’Afrique soient réduites à la lutte contre l’émigration clandestine et au FRONTEX, c’est-à-dire la surveillance des frontières extérieures de l’Europe.
Je comprends bien les préoccupations européennes de contrôle des flux migratoires, de lutte contre l’insécurité et les menaces terroristes mais ma conviction est faite que rien ni personne ne pourra mettre fin aux mouvements migratoires dans le monde, qu’ils soient légaux ou illégaux. Et cela d’autant moins que le défi du développement ne sera pas relevé.
Je propose un dialogue constructif qui prenne en compte les préoccupations africaines et les soucis légitimes de l’Europe, notamment en menant des actions communes de formation professionnelle et en construisant les bases pour le véritable développement du Sénégal. A cet égard, je tiens à préciser que je soutiens le processus de Rabat entamé depuis 2006. Il y a tellement de sujets et d’objets de coopération et d’échange entre l’Europe et l’Afrique qu’il apparaît bien réducteur de ne mettre en évidence que la question migratoire.
La diaspora acteur de développement et de rayonnement
La diaspora doit être une partie intégrante de la diplomatie. C’est à la fois un vivier de compétences, un acteur d’influence à l’international et un agent du développement et de transformation des pays d’accueil et d’origine. Leur contribution annuelle en termes de transferts de fond est supérieure à celle de tous les partenaires extérieurs du Sénégal.
La diplomatie sénégalaise doit mieux la prendre en compte dans les différents domaines de politiques publiques (éducation, santé, emploi, finance, etc.). Le pilotage doit ainsi être revu et se fondre dans le Ministère des Affaires Etrangères, la représentation de la diaspora doit aussi devenir effective dans les institutions avec une participation de celle-ci au parlement.
Ces "acteurs de développement" agissent « ici et là-bas » mais les outils d’appui de leurs actions mis en place par les Etats, les ONG ou les partenaires internationaux restent encore limités. Il est impératif de faire preuve d’innovation. Le codéveloppement par exemple initié dans le cadre de la coopération franco-sénégalaise apporte certes une reconnaissance effective du rôle des migrants dans le développement local en lien avec la décentralisation mais pêchent à permettre la bancarisation des fonds nécessaire à un développement durable.
Son évolution impose de l’articuler avec des outils financiers et de construire des produits adaptés aux besoins : habitat, entrepreneuriat, transferts de compétence, enseignement supérieur, expertise, etc. Nous faciliterons les investissements dans des secteurs porteurs avec la montée en puissance des différents dispositifs tels que le Fonds d'Appui à l'Investissement des Sénégalais de l'Extérieur (FAISE) mais aussi ceux d’appui à la structuration des associations de la diaspora et à une meilleure prise en compte de leurs compétences dans l’expertise internationale notamment.
Diplomatie des Droits de l’homme
Rendre effective une diplomatie des droits de l’Homme et des peuples qui, sera basée sur le socle universelle des valeurs démocratiques – justice indépendante et moderne, lutte contre la corruption, renforcement et stabilité des institutions – et des échanges internationaux pour construire et renforcer notre modèle.
Par ailleurs concrètement l’’Afrique doit se donner les moyens juridiques et financiers pour juger les auteurs de crimes contre l’humanité. L’affaire Hissène Habré et peut-être bientôt de Saif Al Islam montrent l’inadéquation des systèmes juridiques de la plupart des Etats africains par rapport au temps politique. Ma conviction la plus profonde est que les Etats africains doivent se donner les moyens de juger les auteurs de crimes contre l’humanité.
Rationalisation de la carte diplomatique
Rationaliser la carte diplomatique du Sénégal en fonction des intérêts vitaux et des priorités en bannissant toute excentricité.
Ce principe de rationalisation des dépenses publiques doit s’opérer pour tous les secteurs de notre administration, y compris les outils de politique étrangère. Pour donner des marges de manœuvre au gouvernement, l’Etat sénégalais doit faire preuve d’efficacité. Notre pays n’a pas les moyens de mener des opérations de prestige. Un premier calcul fait sur la carte diplomatique actuelle m’inspire que nous avons une quinzaine d’ambassades dont le rôle est limité et dont nous pouvons faire l’économie. Le but ultime de notre diplomatie est de servir au véritable développement du Sénégal.
Conclusion
Ces 7 priorités constituent la base d’une nouvelle politique étrangère pour le Sénégal : une diplomatie du renouveau, une diplomatie pour la paix et le développement.
Ces priorités s’inscrivent dans mon programme présidentiel pour le Sénégal intitulé « le chemin du véritable développement » ou « YOONU YOKKUTE» en wolof.
Ce programme est composé de 5 axes :
Mettre fin à l’injustice sociale
Assurer les bases du véritable développement
Atteindre une productivité développante
Construire un modèle de démocratie irréprochable et efficace
Garantir la paix, la sécurité et l’intégration africaine
Je vous remercie.