En tant que Co-Président des Religions pour la Paix, une ONG internationale qui œuvre pour instaurer la paix dans le monde sur la base des valeurs éthiques de la religion, j’ai été associé aux négociations de paix dans des conflits qui avaient soit une origine confessionnelle ou ethnique ou les deux à la fois. En cette qualité, j’ai fait partie des missions de religion pour la paix au sud du Soudan, en Afrique du sud, en République démocratique du Congo, en République centrafricaine et j’ai servi de médiateur entre des communautés musulmanes asiatiques en conflits opposés à Singapour et à Taïwan. Je ne serai pas crédible et n’aurai pas ma place dans cette organisation internationale si je n’étais pas capable de faire la même chose pour mon propre pays. Il faut s’y atteler avant que la situation ne dégénère.
C’est fort de cette expérience que la situation actuelle du Sénégal m’interpelle. Nous venons de vivre une élection présidentielle décisive pour l’avenir de notre pays. Dans ce contexte-là, « la politique est ramenée au choix électoral d’un Président. De cette définition peut découler une conception assez cynique de la politique faite de concurrence, de rivalité, de brutalité, de combat avec tout ce que cela implique de vilenie, de corruption, de mensonge et de violence» comme disait Alain Badiou, illustre philosophe, l’un des plus grands en France de par sa pertinence et sa rigueur.
Mais, nous nous permettrons à la lumière de l’enseignement coranique que nous partageons avec d’autres religions quand Allah a dit ‘’rentrez à l’intérieur avec une paix intégrale, ne suivez pas les pas de Satan’’. Fort de cet enseignement, malgré la violence des élections, nous avons essayé de nous y mouvoir avant, pendant et après.
J’ai soutenu, en ma qualité de leader politique, un candidat victime de cette violence dont certains éléments sont toujours entre les mains de la justice. Mais, j’ai la faiblesse de croire qu’avec l’attente anxieuse et angoissée des résultats par la Cour Suprême qui est censée les déclarer nous pouvons puiser sur les valeurs éthiques légendaires de notre cher Sénégal, qu’on y rentre et y sorte dans la paix totale. Il convient de donner aux hommes religieux toute leur place dans ce processus. L’homme religieux a un devoir de témoignage, d’action, d’incandescence spirituelle dans un pays qui, ici et maintenant, a soif d’éthique et de justice. C’est le modèle que les véritables chefs religieux nous ont laissé, de 1776 à nos jours, de Thierno Souleymane Baal à Mame Bou Kounta Ndiassane, en passant, entre autres, par Thierno Abdel Kader Kane, El Hadj Oumar Foutiyou Tall, Maba Diakhou Ba, Mame El Hadj Malick Sy, Serigne Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Cheikh Abdoulaye Niasse, Mame Limamoulaye, et bien d’autres chez les chrétiens. A cet égard, l’Eglise catholique n’a jamais été en reste. Des figures ont marqué de leur empreinte la formation spirituelle et l’affirmation des idées de progrès : Abbé Boîlat (1840), Mgr Joseph Faye, Père Lebret, Père Pinault, Abbé Sock, Cardinal Yacinthe Thiandoum. Aujourd’hui, cet engagement se reflète dans les lettres pastorales dont celle publiée par les évêques le 30 novembre 2000 sous le titre : ‘’Quel Sénégal pour le 3ème millénaire ?’’ En fait, il s’agit d’une question qui porte sur toute l’action sociale de l’Eglise au Sénégal, de l’indépendance politique à nos jours, dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la lutte contre toutes sortes de pauvreté.
C’est dans cet esprit de convivialité que toutes les confessions ont vécu dans l’harmonie totale que nous envient bien des nations. Durant la campagne électorale, accompagnant le candidat Issa Sall, nous avions été reçus pendant deux jours à Touba avec tous les honneurs par Son Eminence le Khalife Général des Mourides Serigne Mountakha Mbacké. En tant que petit-fils de Mame Maaram Mbacké donc fils de Touba et de Tivouane, les visites ont été ponctuées par un beau et unique geste, l’ouverture de toutes les portes du Daaray Kaamil; ce temple du savoir, de l’intellect, du patriotisme, et de la jubilation gnostique qui déroule dans toute sa splendeur la stratégie cognitive d’intervention de Khadimou Rassoul dans une visite guidée par le Maître des lieux Serigne Moustapha Diattara à qui nous exprimons ici gratitude et respects. J’ai été profondément touché par les propos du porte-parole du Khalife, Serigne Bass Abdou Khadre Mbacké.
Son éminence, le Pape François dit que le nouveau nom pour la paix c’est le développement. Pour réaliser une paix véritable dans notre pays il faut respecter la volonté populaire et au-delà créer des conditions pour que les ressources naturelles, précieuses et abondantes dont Dieu nous a dotées puissent être utilisées pour le bien-être des populations du Sénégal. C’est dans cette totalité contradictoire et cette unité dialectique qu’il convient d’œuvrer pour que ces ressources naturelles soient plus une bénédiction qu’une malédiction. C’est tout l’enjeu de notre avenir immédiat et lointain.
Je me suis battu jusqu’à la dernière énergie pour le triomphe de mon candidat comme j’ai déployé des efforts exténuants pour le parrainage. Mais Allah dans sa Sagesse Infinie en a décidé autrement. La cour suprême va annoncer les résultats qui nous pensons vont refléter la vérité des urnes, il convient de l’accepter également.
Je lance solennellement un appel au président sortant si un deuxième tour était annoncé par la Cour Suprême et de ne tenter aucun forcing qui a embrasé bien des pays en Afrique et dans le monde : Kenya, Zimbabwe, Gabon, Venezuela. De la même manière, si la volonté populaire s’exprime en faveur d’une victoire de Macky Sall dès le premier tour, tous les acteurs politiques devraient l’accepter comme une volonté divine et s’en réjouir.
قُلِ اللَّهُمَّ مَالِكَ الْمُلْكِ تُؤْتِي الْمُلْكَ مَن تَشَاءُ وَتَنزِعُ الْمُلْكَ مِمَّن تَشَاءُ وَتُعِزُّ مَن تَشَاءُ وَتُذِلُّ مَن تَشَاءُ ۖ بِيَدِكَ الْخَيْرُ ۖ إِنَّكَ عَلَىٰ كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ
Et dans les deux cas, le seul vainqueur sera le peuple sénégalais et cette victoire là nous la lui devons. Dans ces circonstances décisives, pour le devenir de notre pays, nous devons nous retrouver sur l’essentiel : la paix pour le développement et le développement pour la paix.
Notre pays regorge de ressources humaines variées de qualités exceptionnelles ayant l’expérience du pays, de l’Etat, de l’Assemblée, des institutions internationales et des exigences du monde moderne. Le Sénégal riche de ses cultures, de son histoire plusieurs fois séculaires, de ses confessions, de ses ethnies, de ses régions, de leurs diversités géographiques, enrichies par des alluvions fécondes. Ce pays d’assimilation parvient toujours à intégrer et à dépasser ses apports allogènes.
J’entends contribuer en bonne place à cette alternative en construction, armé d’une éthique à l’image du grand théologien de Damas du 13ème siècle, Ibn Taymiyya, qui disait : « La valeur d’un pouvoir est déterminé par les qualités morales et personnelles des hommes qui assument le pouvoir » et « Si le détenteur du pouvoir est sain alors les affaires des hommes le seront également, mais s’il est corrompu, alors les affaires des hommes le seront tout autant ».
Le droit d’être différent, le devoir d’être ensemble !
Serigne Mansour SY Djamil
Khalife de Serigne Moustapha SY Djamil
Co-Président de Religions pour la Paix
Président Bes Dou Niakk
Député à l’Assemblée nationale
Fait à Dakar, le 27 Février 2019
C’est fort de cette expérience que la situation actuelle du Sénégal m’interpelle. Nous venons de vivre une élection présidentielle décisive pour l’avenir de notre pays. Dans ce contexte-là, « la politique est ramenée au choix électoral d’un Président. De cette définition peut découler une conception assez cynique de la politique faite de concurrence, de rivalité, de brutalité, de combat avec tout ce que cela implique de vilenie, de corruption, de mensonge et de violence» comme disait Alain Badiou, illustre philosophe, l’un des plus grands en France de par sa pertinence et sa rigueur.
Mais, nous nous permettrons à la lumière de l’enseignement coranique que nous partageons avec d’autres religions quand Allah a dit ‘’rentrez à l’intérieur avec une paix intégrale, ne suivez pas les pas de Satan’’. Fort de cet enseignement, malgré la violence des élections, nous avons essayé de nous y mouvoir avant, pendant et après.
J’ai soutenu, en ma qualité de leader politique, un candidat victime de cette violence dont certains éléments sont toujours entre les mains de la justice. Mais, j’ai la faiblesse de croire qu’avec l’attente anxieuse et angoissée des résultats par la Cour Suprême qui est censée les déclarer nous pouvons puiser sur les valeurs éthiques légendaires de notre cher Sénégal, qu’on y rentre et y sorte dans la paix totale. Il convient de donner aux hommes religieux toute leur place dans ce processus. L’homme religieux a un devoir de témoignage, d’action, d’incandescence spirituelle dans un pays qui, ici et maintenant, a soif d’éthique et de justice. C’est le modèle que les véritables chefs religieux nous ont laissé, de 1776 à nos jours, de Thierno Souleymane Baal à Mame Bou Kounta Ndiassane, en passant, entre autres, par Thierno Abdel Kader Kane, El Hadj Oumar Foutiyou Tall, Maba Diakhou Ba, Mame El Hadj Malick Sy, Serigne Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Cheikh Abdoulaye Niasse, Mame Limamoulaye, et bien d’autres chez les chrétiens. A cet égard, l’Eglise catholique n’a jamais été en reste. Des figures ont marqué de leur empreinte la formation spirituelle et l’affirmation des idées de progrès : Abbé Boîlat (1840), Mgr Joseph Faye, Père Lebret, Père Pinault, Abbé Sock, Cardinal Yacinthe Thiandoum. Aujourd’hui, cet engagement se reflète dans les lettres pastorales dont celle publiée par les évêques le 30 novembre 2000 sous le titre : ‘’Quel Sénégal pour le 3ème millénaire ?’’ En fait, il s’agit d’une question qui porte sur toute l’action sociale de l’Eglise au Sénégal, de l’indépendance politique à nos jours, dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la lutte contre toutes sortes de pauvreté.
C’est dans cet esprit de convivialité que toutes les confessions ont vécu dans l’harmonie totale que nous envient bien des nations. Durant la campagne électorale, accompagnant le candidat Issa Sall, nous avions été reçus pendant deux jours à Touba avec tous les honneurs par Son Eminence le Khalife Général des Mourides Serigne Mountakha Mbacké. En tant que petit-fils de Mame Maaram Mbacké donc fils de Touba et de Tivouane, les visites ont été ponctuées par un beau et unique geste, l’ouverture de toutes les portes du Daaray Kaamil; ce temple du savoir, de l’intellect, du patriotisme, et de la jubilation gnostique qui déroule dans toute sa splendeur la stratégie cognitive d’intervention de Khadimou Rassoul dans une visite guidée par le Maître des lieux Serigne Moustapha Diattara à qui nous exprimons ici gratitude et respects. J’ai été profondément touché par les propos du porte-parole du Khalife, Serigne Bass Abdou Khadre Mbacké.
Son éminence, le Pape François dit que le nouveau nom pour la paix c’est le développement. Pour réaliser une paix véritable dans notre pays il faut respecter la volonté populaire et au-delà créer des conditions pour que les ressources naturelles, précieuses et abondantes dont Dieu nous a dotées puissent être utilisées pour le bien-être des populations du Sénégal. C’est dans cette totalité contradictoire et cette unité dialectique qu’il convient d’œuvrer pour que ces ressources naturelles soient plus une bénédiction qu’une malédiction. C’est tout l’enjeu de notre avenir immédiat et lointain.
Je me suis battu jusqu’à la dernière énergie pour le triomphe de mon candidat comme j’ai déployé des efforts exténuants pour le parrainage. Mais Allah dans sa Sagesse Infinie en a décidé autrement. La cour suprême va annoncer les résultats qui nous pensons vont refléter la vérité des urnes, il convient de l’accepter également.
Je lance solennellement un appel au président sortant si un deuxième tour était annoncé par la Cour Suprême et de ne tenter aucun forcing qui a embrasé bien des pays en Afrique et dans le monde : Kenya, Zimbabwe, Gabon, Venezuela. De la même manière, si la volonté populaire s’exprime en faveur d’une victoire de Macky Sall dès le premier tour, tous les acteurs politiques devraient l’accepter comme une volonté divine et s’en réjouir.
قُلِ اللَّهُمَّ مَالِكَ الْمُلْكِ تُؤْتِي الْمُلْكَ مَن تَشَاءُ وَتَنزِعُ الْمُلْكَ مِمَّن تَشَاءُ وَتُعِزُّ مَن تَشَاءُ وَتُذِلُّ مَن تَشَاءُ ۖ بِيَدِكَ الْخَيْرُ ۖ إِنَّكَ عَلَىٰ كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ
Et dans les deux cas, le seul vainqueur sera le peuple sénégalais et cette victoire là nous la lui devons. Dans ces circonstances décisives, pour le devenir de notre pays, nous devons nous retrouver sur l’essentiel : la paix pour le développement et le développement pour la paix.
Notre pays regorge de ressources humaines variées de qualités exceptionnelles ayant l’expérience du pays, de l’Etat, de l’Assemblée, des institutions internationales et des exigences du monde moderne. Le Sénégal riche de ses cultures, de son histoire plusieurs fois séculaires, de ses confessions, de ses ethnies, de ses régions, de leurs diversités géographiques, enrichies par des alluvions fécondes. Ce pays d’assimilation parvient toujours à intégrer et à dépasser ses apports allogènes.
J’entends contribuer en bonne place à cette alternative en construction, armé d’une éthique à l’image du grand théologien de Damas du 13ème siècle, Ibn Taymiyya, qui disait : « La valeur d’un pouvoir est déterminé par les qualités morales et personnelles des hommes qui assument le pouvoir » et « Si le détenteur du pouvoir est sain alors les affaires des hommes le seront également, mais s’il est corrompu, alors les affaires des hommes le seront tout autant ».
Le droit d’être différent, le devoir d’être ensemble !
Serigne Mansour SY Djamil
Khalife de Serigne Moustapha SY Djamil
Co-Président de Religions pour la Paix
Président Bes Dou Niakk
Député à l’Assemblée nationale
Fait à Dakar, le 27 Février 2019