La crise enfantée par les interprétations heurtées de la Constitution, prouve bien que la sincérité des acteurs politiques, est le réel gage de la démocratie. A contrario, la mauvaise foi en est le parfait linceul. Sous tous les cieux, la Loi fondamentale n’est qu’un mélange de balise et de boussole, pour naviguer, sans secousses, vers les rivages laborieusement accessibles de la démocratie. Il est donc impératif que les équipages (toute l’élite politique) soient au-dessus de tout soupçon. Et que les matelots (tous les citoyens) soient civiquement corrects. Sinon Sunugal (la pirogue sénégalaise) touchera un gros récif, à l’image du paquebot Costa Concordia couché sur le flanc.
L’importance de la bonne foi dans la sauvegarde de la démocratie, est mise en relief par la posture du Président de la république, candidat à sa propre succession. En effet, c’est le chef de l’Etat Abdoulaye Wade qui est le gardien de la Constitution. Or – chose effarante – c’est ce gardien de la Constitution qui est au cœur de la controverse constitutionnelle et de ses cauchemardesques conséquences pour le pays. Moralité : le gardien n’a pas été à la hauteur de sa tâche. Constat d’autant plus vrai que des faits et gestes – très peu adroits – ont ponctué la dernière ligne droite du calendrier républicain. Non sans créer et gonfler la suspicion.
Plus politique que démocrate, Wade a d’abord renié sa parole pourtant lovée dans une archive sonore et visuelle. Le fameux « waax waaxet » qui dévalue la parole du gardien de la Constitution. Cette même parole (prétendument sans valeur juridique) qui en 2002, à la faveur de la victoire du Sénégal sur la France, en Corée du Sud, vida les administrations et les usines, sans l’ombre d’un décret légalisant le reste de la journée chômée et payée.
Ensuite, il y a l’octroi d’un sursalaire, d’une indemnité, d’une majoration – que sais-je – de 5 millions de francs à une brochette de magistrats, qui pollue par anticipation toutes les étapes du déroulement du scrutin. Aucun justiciable raisonnable n’est opposé au confort financier et matériel des magistrats. Mais la date (pourquoi pas dès 2008 ou après 2012) est politiquement douteuse. D’autant plus suspecte que, durant la même période, le ministre Khoureychi Thiam a publiquement ravalé certains gouverneurs et préfets au rang de « wadistes », c’est-à-dire administrativement, des laquais et des valets du Secrétaire général du Pds ; et non moins Président de la république. Une double casquette constitutionnellement et fâcheusement validée par le référendum de janvier 2001.
Enfin, quelques atteintes aux traditions démocratiques et à l’orthodoxie républicaine, ont effrité la confiance qui cimente les pylônes de la démocratie. Sans aucune gêne, des corps qui ont été tirés d’une noyade électorale, en 2009, ont été politiquement réanimés par Wade, puis élevés au rang de ministres d’Etat surchargés de portefeuilles (ciel et terre) ; ou nantis de départements de souveraineté comme l’Intérieur ou la Justice. Toutes choses qui ont convaincu les Sénégalais que l’agenda successoral – tel un engin concasseur – concasse précisément tous les acquis hérités du passé.
Il s’y ajoute qu’il est surréaliste pour un homme de 86 ou 90 ans, de solliciter un bail de 7 ans qui le conduira à gouverner jusqu’à 100 ans moins 3. Quel est le corps électoral totalement débile qui l’élira ? Pourtant, on peut prédire qu’il passera au premier tour. C’est la condition sine qua non pour terminer le chantier institutionnel (dévolution orientée du pouvoir) que cachent les chantiers de l’aéroport Blaise Diagne et de l’autoroute prolongée. Un train sur un passage à niveau ne peut-il pas en cacher un autre ? Voilà qui n’est pas étranger au brasier qui hante le Sénégal.
Bien entendu, le Président de la république, en dépit de son rôle dominant et décisif, n’est pas l’unique architecte de la démocratie. La défense et l’illustration de la démocratie au quotidien, reposent sur le culte collectif des institutions républicaines. Réalité en déshérence au Sénégal ; puisque les défaillances cumulées ont rendu totalement orphelins, tous les principes : républicains, éthiques et civiques. Déshérence au sommet de l’Etat, à travers un arrêté ministériel d’interdiction de marche que le ministre de l’Intérieur a voulu mettre au-dessus d’une loi constitutionnelle. Déshérence également à la hauteur des Sénégalais qui sont des votants infatigables ; mais de piètres défenseurs des lois.
C’est pourquoi, ils ont, aujourd’hui, la démocratie déclinante qu’ils méritent. Presque personne n’a la république et la patrie solidement chevillées au corps. Seules, la confrérie et la poche sont portées au pinacle. Sinon comment comprendre que des magistrats sénégalais (partie intégrante de la crème de la Fonction publique) issus d’un peuple éprouvé perpétuellement par les inondations ; et gratifiés du privilège quasi-divin de juger leurs semblables, puissent manquer de solidarité nationale, de vigilance morale et d’équilibre spirituel, au point d’accepter un sursalaire que leurs collègues d’Algérie (pays producteur de gaz et de pétrole) n’empochent pas ? C’est le prix d’une dizaine de motopompes que Wade a ainsi détourné de la banlieue, pour le ventiler dans les comptes bancaires des magistrats. Voulait-t-on faire passer les 5 (respectables) sages pour 5 salauds, que l’on ne s’y prendrait pas autrement ?
En un mot comme en mille, la crise politique au Sénégal démontre que la démocratie n’est ni l’apparat juridique (des textes à foison) ni le décor électoral (des scrutins réguliers) mais le règne de la vertu. Dont le déficit patent est à l’origine du présent et tragique imbroglio dont les racines constitutionnelles mettent en exergue, la lourde responsabilité du Président.
Dans une récente interview accordée à dakaractu.com, Me Wade est catégorique : « La Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée. Je sais ce que j’ai mis dedans. Il n’y a pas de commission de rédaction ». Ici, la sincérité (sève nourrissante de la démocratie) n’est pas aussi saillante que le nez sur le visage. Pourquoi alors importer une coûteuse cargaison de juristes étrangers, pour interpréter une charte rédigée par le Président du Sénégal. Et plébiscitée par les Sénégalais. Est-ce à dire que les très avisés juristes de France devaient expliquer aux citoyens bornés et bernés du Sénégal, une Constitution qui régit leur vie politique depuis une décennie ?
Mais la crise ne charrie pas que des arguments spécieux autour de la Constitution. Elle dévoile aussi des reniements personnels. Car, s’il y a un homme politique qui ne doit pas user et abuser de la police, en souvenir de ses propres épreuves, c’est bien Abdoulaye Wade. Tellement le pape du Sopi a souffert des vacheries policières jadis orchestrées par son ennemi juré Jean Collin. Sans le courage et le bouclier des bataillons de la « jeunesse malsaine » (Abdou Diouf dixit, en 1988) Me Wade aurait été le Benigno Aquino et non le héros vivant et triomphant de l’alternance du 19 mars 2000.
Au début de celle-ci, on murmurait que Wade, encore traumatisé par les réminiscences des méthodes policières de Collin, voulait désarmer la police anti-émeute. Grimaces de l’Histoire, Wade est aujourd’hui très content de son Joseph Fouché. Même si Ousmane Ngom est, de loin, plus débonnaire et plus avenant que le patibulaire Jean Collin.
Par ailleurs, la gestion de la crise a révélé un effondrement de l’agenda national au profit de l’urgence électorale. Utiliser massivement la gendarmerie à Dakar, au moment où les rebelles harcèlent ses brigades en Casamance et capturent ses maréchaux de logis, administre la preuve que pour la majorité présidentielle, le prochain septennat passe avant la défense des symboles de l’Etat et de son intégrité. Sous cet angle, le maintien de l’ordre libéral est si privilégié qu’il induit des honneurs à géométrie variable, rendus aux différentes victimes des corps habillés. Le capitaine Kâ et la demi-douzaine de militaires morts à Diégoune, en décembre 2011, sous les balles des rebelles, ont eu une levée du corps marquée par l’absence de leur ministre de tutelle et de tous les officiels happés par la cérémonie d’ouverture du congrès du Pds, au cours de laquelle, une minute de silence fut observée à la mémoire d’un…nervi. En revanche, le ban et l’arrière-ban du gouvernement et de la majorité présidentielle ont défilé auprès du cercueil d’un officier – pardon ! – d’un auxiliaire de police.
Voilà une discrimination qui renseigne sur les choix de l’heure et les perspectives immédiates. La conjoncture est, en effet, grosse de trois scenarii : la guerre civile, le coup d’Etat militaire ou la monarchie sous des dehors républicains. Le premier cas de figure forcément juxtaposé à la rébellion en Casamance, cassera le Sénégal en mille morceaux. Le coup d’Etat militaire sera une régression qui siphonnera le « pétrole » du Sénégal, c’est-à-dire l’image rayonnante et payante de la vitalité de ses institutions. Autrement dit, la « pétro-image » qui est supérieure au pétrodollar, foutra le camp. Quant à la monarchie, elle consacrera la décadence d’un pays longtemps abonné à l’apogée de la démocratie sur le continent. Et fera du professeur agrégé Abdoulaye Wade, un épigone du sergent (cuisinier dans l’armée française) Gnassingbé Eyadema.
L’importance de la bonne foi dans la sauvegarde de la démocratie, est mise en relief par la posture du Président de la république, candidat à sa propre succession. En effet, c’est le chef de l’Etat Abdoulaye Wade qui est le gardien de la Constitution. Or – chose effarante – c’est ce gardien de la Constitution qui est au cœur de la controverse constitutionnelle et de ses cauchemardesques conséquences pour le pays. Moralité : le gardien n’a pas été à la hauteur de sa tâche. Constat d’autant plus vrai que des faits et gestes – très peu adroits – ont ponctué la dernière ligne droite du calendrier républicain. Non sans créer et gonfler la suspicion.
Plus politique que démocrate, Wade a d’abord renié sa parole pourtant lovée dans une archive sonore et visuelle. Le fameux « waax waaxet » qui dévalue la parole du gardien de la Constitution. Cette même parole (prétendument sans valeur juridique) qui en 2002, à la faveur de la victoire du Sénégal sur la France, en Corée du Sud, vida les administrations et les usines, sans l’ombre d’un décret légalisant le reste de la journée chômée et payée.
Ensuite, il y a l’octroi d’un sursalaire, d’une indemnité, d’une majoration – que sais-je – de 5 millions de francs à une brochette de magistrats, qui pollue par anticipation toutes les étapes du déroulement du scrutin. Aucun justiciable raisonnable n’est opposé au confort financier et matériel des magistrats. Mais la date (pourquoi pas dès 2008 ou après 2012) est politiquement douteuse. D’autant plus suspecte que, durant la même période, le ministre Khoureychi Thiam a publiquement ravalé certains gouverneurs et préfets au rang de « wadistes », c’est-à-dire administrativement, des laquais et des valets du Secrétaire général du Pds ; et non moins Président de la république. Une double casquette constitutionnellement et fâcheusement validée par le référendum de janvier 2001.
Enfin, quelques atteintes aux traditions démocratiques et à l’orthodoxie républicaine, ont effrité la confiance qui cimente les pylônes de la démocratie. Sans aucune gêne, des corps qui ont été tirés d’une noyade électorale, en 2009, ont été politiquement réanimés par Wade, puis élevés au rang de ministres d’Etat surchargés de portefeuilles (ciel et terre) ; ou nantis de départements de souveraineté comme l’Intérieur ou la Justice. Toutes choses qui ont convaincu les Sénégalais que l’agenda successoral – tel un engin concasseur – concasse précisément tous les acquis hérités du passé.
Il s’y ajoute qu’il est surréaliste pour un homme de 86 ou 90 ans, de solliciter un bail de 7 ans qui le conduira à gouverner jusqu’à 100 ans moins 3. Quel est le corps électoral totalement débile qui l’élira ? Pourtant, on peut prédire qu’il passera au premier tour. C’est la condition sine qua non pour terminer le chantier institutionnel (dévolution orientée du pouvoir) que cachent les chantiers de l’aéroport Blaise Diagne et de l’autoroute prolongée. Un train sur un passage à niveau ne peut-il pas en cacher un autre ? Voilà qui n’est pas étranger au brasier qui hante le Sénégal.
Bien entendu, le Président de la république, en dépit de son rôle dominant et décisif, n’est pas l’unique architecte de la démocratie. La défense et l’illustration de la démocratie au quotidien, reposent sur le culte collectif des institutions républicaines. Réalité en déshérence au Sénégal ; puisque les défaillances cumulées ont rendu totalement orphelins, tous les principes : républicains, éthiques et civiques. Déshérence au sommet de l’Etat, à travers un arrêté ministériel d’interdiction de marche que le ministre de l’Intérieur a voulu mettre au-dessus d’une loi constitutionnelle. Déshérence également à la hauteur des Sénégalais qui sont des votants infatigables ; mais de piètres défenseurs des lois.
C’est pourquoi, ils ont, aujourd’hui, la démocratie déclinante qu’ils méritent. Presque personne n’a la république et la patrie solidement chevillées au corps. Seules, la confrérie et la poche sont portées au pinacle. Sinon comment comprendre que des magistrats sénégalais (partie intégrante de la crème de la Fonction publique) issus d’un peuple éprouvé perpétuellement par les inondations ; et gratifiés du privilège quasi-divin de juger leurs semblables, puissent manquer de solidarité nationale, de vigilance morale et d’équilibre spirituel, au point d’accepter un sursalaire que leurs collègues d’Algérie (pays producteur de gaz et de pétrole) n’empochent pas ? C’est le prix d’une dizaine de motopompes que Wade a ainsi détourné de la banlieue, pour le ventiler dans les comptes bancaires des magistrats. Voulait-t-on faire passer les 5 (respectables) sages pour 5 salauds, que l’on ne s’y prendrait pas autrement ?
En un mot comme en mille, la crise politique au Sénégal démontre que la démocratie n’est ni l’apparat juridique (des textes à foison) ni le décor électoral (des scrutins réguliers) mais le règne de la vertu. Dont le déficit patent est à l’origine du présent et tragique imbroglio dont les racines constitutionnelles mettent en exergue, la lourde responsabilité du Président.
Dans une récente interview accordée à dakaractu.com, Me Wade est catégorique : « La Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée. Je sais ce que j’ai mis dedans. Il n’y a pas de commission de rédaction ». Ici, la sincérité (sève nourrissante de la démocratie) n’est pas aussi saillante que le nez sur le visage. Pourquoi alors importer une coûteuse cargaison de juristes étrangers, pour interpréter une charte rédigée par le Président du Sénégal. Et plébiscitée par les Sénégalais. Est-ce à dire que les très avisés juristes de France devaient expliquer aux citoyens bornés et bernés du Sénégal, une Constitution qui régit leur vie politique depuis une décennie ?
Mais la crise ne charrie pas que des arguments spécieux autour de la Constitution. Elle dévoile aussi des reniements personnels. Car, s’il y a un homme politique qui ne doit pas user et abuser de la police, en souvenir de ses propres épreuves, c’est bien Abdoulaye Wade. Tellement le pape du Sopi a souffert des vacheries policières jadis orchestrées par son ennemi juré Jean Collin. Sans le courage et le bouclier des bataillons de la « jeunesse malsaine » (Abdou Diouf dixit, en 1988) Me Wade aurait été le Benigno Aquino et non le héros vivant et triomphant de l’alternance du 19 mars 2000.
Au début de celle-ci, on murmurait que Wade, encore traumatisé par les réminiscences des méthodes policières de Collin, voulait désarmer la police anti-émeute. Grimaces de l’Histoire, Wade est aujourd’hui très content de son Joseph Fouché. Même si Ousmane Ngom est, de loin, plus débonnaire et plus avenant que le patibulaire Jean Collin.
Par ailleurs, la gestion de la crise a révélé un effondrement de l’agenda national au profit de l’urgence électorale. Utiliser massivement la gendarmerie à Dakar, au moment où les rebelles harcèlent ses brigades en Casamance et capturent ses maréchaux de logis, administre la preuve que pour la majorité présidentielle, le prochain septennat passe avant la défense des symboles de l’Etat et de son intégrité. Sous cet angle, le maintien de l’ordre libéral est si privilégié qu’il induit des honneurs à géométrie variable, rendus aux différentes victimes des corps habillés. Le capitaine Kâ et la demi-douzaine de militaires morts à Diégoune, en décembre 2011, sous les balles des rebelles, ont eu une levée du corps marquée par l’absence de leur ministre de tutelle et de tous les officiels happés par la cérémonie d’ouverture du congrès du Pds, au cours de laquelle, une minute de silence fut observée à la mémoire d’un…nervi. En revanche, le ban et l’arrière-ban du gouvernement et de la majorité présidentielle ont défilé auprès du cercueil d’un officier – pardon ! – d’un auxiliaire de police.
Voilà une discrimination qui renseigne sur les choix de l’heure et les perspectives immédiates. La conjoncture est, en effet, grosse de trois scenarii : la guerre civile, le coup d’Etat militaire ou la monarchie sous des dehors républicains. Le premier cas de figure forcément juxtaposé à la rébellion en Casamance, cassera le Sénégal en mille morceaux. Le coup d’Etat militaire sera une régression qui siphonnera le « pétrole » du Sénégal, c’est-à-dire l’image rayonnante et payante de la vitalité de ses institutions. Autrement dit, la « pétro-image » qui est supérieure au pétrodollar, foutra le camp. Quant à la monarchie, elle consacrera la décadence d’un pays longtemps abonné à l’apogée de la démocratie sur le continent. Et fera du professeur agrégé Abdoulaye Wade, un épigone du sergent (cuisinier dans l’armée française) Gnassingbé Eyadema.
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