La campagne la moins joyeusement amorcée de l’Histoire électorale du Sénégal, est en cours. Précédée et accompagnée par une série de manifestations violentes et sanglantes (une demi-douzaine de morts) la période de 21 jours consacrée habituellement aux offensives de charme personnelles et de séductions programmatiques, se transforme peu à peu, en semaines de crispations entre les deux blocs politiques et adverses que sont les Fal 2012 et le M23.
La seconde et inédite situation réside dans le chamboulement qui affecte la caractéristique d’une élection présidentielle. Jusqu’en 2007, elle a été vécue sur le terrain, comme une rencontre entre un homme et un peuple, nonobstant l’omniprésences des appareils : partis, coalitions et mouvements de soutiens, etc.
Aujourd’hui, la présidentielle – telle qu’elle est abordée par l’opposition – donne étonnamment lieu à une rencontre hypothétique entre un homme (fondu dans un vague pacte anti-Wade) et un peuple en impatiente attente. Faute de stratégie ou précisément à cause d’une stratégie clair-obscur. Avec pour conséquences, des professions de foi et des propos enflammés n’ayant pas valeur de programmes, lors des meetings collectifs qui, par ailleurs, masquent mal des clivages tactiques et des rivalités crypto personnelles.
De fait, la guerre non encore gagnée voire perdue contre la candidature de Wade, a installé tous les opposants sur les pentes d’une confusion désarçonnante. Du coup, ils sont – sur une sinueuse ligne anti-Wade – à la recherche d’une stratégie jugée plus urgente et utile que l’indispensable vulgarisation des programmes, en temps de campagne. Est-ce judicieux et, surtout, fructueux à moyen terme ? Le futur immédiat le dira. En attendant, c’est une cascade de marches de protestations et un festival de procédés rhétoriques douteusement efficaces contre la peau politiquement cuirassée de Maître Wade.
A cet égard, les rassemblements successifs des 6 et 7 février, à Dakar et à Rufisque, ont donné le ton d’une quête tâtonnante de stratégie de campagne qui, jusque-là, flétrit fort bien la participation du candidat du Pds, sans réussir à l’empêcher. Egal, à lui-même, le coordonnateur du M23, Alioune Tine martèle : « Abdoulaye Wade ne fera pas partie des candidats à ce scrutin présidentiel. Nous avons assez de forces et de convictions pour lui fermer la porte des élections ». Bien dit, mais moins bien démontré. Le même jour et au même endroit (la place de l’Obélisque) l’ardent aspirant à la succession de Wade, presque déjà vêtu de son costume de 4e Président du Sénégal, le candidat Idrissa Seck, apporte de l’eau au moulin du patron de la Raddho : « Wade n’a pas le droit de se présenter à l’élection présidentielle ; et nous ne le laisserons pas se présenter ». Le propos est clair comme l’eau de roche ; mais le modus operandi est moins clair qu’un soir de ces terribles délestages que la campagne électorale nous épargne opportunément.
En optant enfin pour une stratégie hybride – aller aux élections sans en chasser, jusque-là, Wade par la force ou le droit ; tout en différant l’heure de vérité eu égard au scrutin du 26 février qui arrive au galop – les adversaires du Président sortant, ne vont-ils pas donner raison à Mansour Guèye membre de la société civile de la diaspora, lorsqu’il déclare le 5 février, au Trocadéro : « J’entends des discours qui ne sont pas rassurants. Il y en a qui veulent aller en campagne, d’autres non. Il faut savoir que Wade a déjà obtenu du Conseil constitutionnel, le premier tour, à travers la validation du 27 janvier. Si le scrutin se passe le 26 février, avec lui, il va gagner ».
Amère vérité qui prouvera, de manière humiliante, aux leaders et aux candidats de l’opposition que leur combativité se situe encore en dessous de celle des moines de Birmanie, face aux généraux assassins de Rangoon qui avaient réprimé férocement, en septembre 2009, la manifestation des membres du clergé bouddhiste, sortis des monastères, pour combattre, les mains nues, la tyrannie quasi-cinquantenaire.
Très probablement, les candidats farouchement opposés à Abdoulaye Wade, ne sont pas politiquement myopes, au point de perdre de vue cette évidence aussi bien perceptible à Colobane qu’au Trocadéro. C’est pourquoi, ils ont retenu une stratégie clair-obscur de participation minimale à la campagne électorale et d’opposition maximale à celle de Wade, au scrutin du 26 février prochain. Une démarche mi-figue mi-raisin qui les installe dans un cercle (voulu) vicieux. Une attitude que beaucoup d’observateurs assimilent, sans excès de sévérité, à l’antichambre de la capitulation.
Très sûrement, les quatre adversaires qui pèsent (Idy, Macky, Niasse et Tanor, suivant l’ordre uniquement alphabétique) sont devant un dilemme cornélien qui fait du boycott, une arme autodestructrice. Dans ce cas de figure, la compétition se déroulera entre Wade et une petite escouade de candidats complices, complaisants et fantaisistes. La leçon des législatives de 2007 est passée par là. Quant à la participation tranquille ou résignée (sur fond de violation dénoncée de la Constitution) elle rendra sans objet, l’existence du M23, apportera une belle caution à la décision du Conseil constitutionnel, servira de faire-valoir à la candidature contestée et in fine légitimera, par avance, les résultats toujours imprévisibles d’un scrutin. Macky Sall, lui, a surmonté allègrement le dilemme. Le leader de l’Apr a rompu les amarres avec le M23, et levé l’ancre et les voiles, en direction des bassins électoraux du Sénégal des profondeurs.
En vérité, le conglomérat des concurrents anti-Fal 2012 a sérieusement balancé entre l’option du boycott et le choix du sabotage qui ont pour ligne médiane : la résistance. Mais sous quelle forme ? La réponse est servie par le candidat Cheikh Tidiane Gadio qui a émis l’idée de porter sur les fonts baptismaux, un Conseil national de la Transition (CNT) autrement dit, un organe ou un exécutif d’exception et de durée limitée qui prendrait en charge la suite des évènements : l’élimination de la candidature de Wade, le remaniement puis l’élargissement du gouvernement de Souleymane Ndéné Ndiaye et l’organisation du scrutin présidentiel avec un Conseil constitutionnel relooké ou recadré. Bref, un nouveau et titanesque programme impliquant une refondation institutionnelle qui rappelle le panorama politique des lendemains de conférences nationales souveraines dans certains pays d’Afrique.
Entre la coupe et les lèvres, il y a un temps et une distance. Un CNT ne se décrète pas. Il ne sera pas, non plus, un cadeau de la Providence. Il ne peut être que le fruit d’une lutte sanctionnée par une victoire sur Wade. Dans le cas échéant, Dakar dupliquera le schéma kinois (capitale de la Rdc) avec deux Présidents (Kabila et Tshisekedi) deux gouvernements dont l’un est forcément fantôme. Et une rivière de sang. Les Sénégalais n’ayant ni le tempérament ni l’histoire des Congolais, un tel scénario sera plus théâtral que tragique. Donc politiquement stérile.
Aux antipodes de son opposition qui a du mal à débusquer une infaillible stratégie, Abdoulaye Wade, lui, fait son bilan, c’est-à-dire la traduction incomplète de son programme antérieur de 2007. Il fait aussi des promesses en guise de compléments de bilan, non sans tirer de son riche répertoire, quelques arguments trompeurs. Dont le plus massif est la fausse similitude entre les odyssées politiques des familles Bush et Wade. A l’étape de Mbacké, le leader du Pds a délibérément caricaturé une facette des réalités américaines, en déclarant « qu’il n’est pas plus bête que Bush qui a mis son fils ».
Voilà une comparaison (lourde de tromperie) qui, au demeurant, s’écroule à l’examen. Bush père et Bush fils ont eu deux carrières politiquement parallèles. Sans se toucher, comme deux lignes parallèles. Bush père dirigeait la Cia (institution fédérale et névralgique), tandis que Bush fils gouvernait l’Etat du Texas, dans une Amérique où les gouverneurs ne sont pas nommés, mais élus. Il s’y ajoute qu’entre les deux présidences des deux Bush, il y a l’intermède Bill Clinton. Donc Bush n’a pas « mis » son fils.
A contrario, les carrières politiques de Wade père et de Wade fils ne sont ni parallèles ni concomitantes. Le fondateur du Pds s’appuyait sur des jeunes courageux comme Modou Diagne Fada et Talla Sylla. Autre différence – et pas des moindres pour la légitimité politique – les Bush ont longuement et intensément servi l’Amérique, avant d’aspirer et d’arriver à la gouverner. Or si Maître Wade a servi la nation sénégalaise en tant que doyen de faculté, il en va autrement de Karim qui ne s’est mis au service du Sénégal qu’au niveau de deux stations dorées et élevées : présidence de l’Anoci et ministère d’Etat.
Ce type de discours, au cours de l’ultime campagne électorale de la vie politique (crépusculaire) d’Abdoulaye Wade, alarme évidemment les républicains vigilants. Lesquels admirent parfois le bâtisseur Wade travaillant sur ses chantiers à ciel ouvert ; mais redoutent souvent le renard Wade opérant sur un chantier souterrain comme la succession.
La seconde et inédite situation réside dans le chamboulement qui affecte la caractéristique d’une élection présidentielle. Jusqu’en 2007, elle a été vécue sur le terrain, comme une rencontre entre un homme et un peuple, nonobstant l’omniprésences des appareils : partis, coalitions et mouvements de soutiens, etc.
Aujourd’hui, la présidentielle – telle qu’elle est abordée par l’opposition – donne étonnamment lieu à une rencontre hypothétique entre un homme (fondu dans un vague pacte anti-Wade) et un peuple en impatiente attente. Faute de stratégie ou précisément à cause d’une stratégie clair-obscur. Avec pour conséquences, des professions de foi et des propos enflammés n’ayant pas valeur de programmes, lors des meetings collectifs qui, par ailleurs, masquent mal des clivages tactiques et des rivalités crypto personnelles.
De fait, la guerre non encore gagnée voire perdue contre la candidature de Wade, a installé tous les opposants sur les pentes d’une confusion désarçonnante. Du coup, ils sont – sur une sinueuse ligne anti-Wade – à la recherche d’une stratégie jugée plus urgente et utile que l’indispensable vulgarisation des programmes, en temps de campagne. Est-ce judicieux et, surtout, fructueux à moyen terme ? Le futur immédiat le dira. En attendant, c’est une cascade de marches de protestations et un festival de procédés rhétoriques douteusement efficaces contre la peau politiquement cuirassée de Maître Wade.
A cet égard, les rassemblements successifs des 6 et 7 février, à Dakar et à Rufisque, ont donné le ton d’une quête tâtonnante de stratégie de campagne qui, jusque-là, flétrit fort bien la participation du candidat du Pds, sans réussir à l’empêcher. Egal, à lui-même, le coordonnateur du M23, Alioune Tine martèle : « Abdoulaye Wade ne fera pas partie des candidats à ce scrutin présidentiel. Nous avons assez de forces et de convictions pour lui fermer la porte des élections ». Bien dit, mais moins bien démontré. Le même jour et au même endroit (la place de l’Obélisque) l’ardent aspirant à la succession de Wade, presque déjà vêtu de son costume de 4e Président du Sénégal, le candidat Idrissa Seck, apporte de l’eau au moulin du patron de la Raddho : « Wade n’a pas le droit de se présenter à l’élection présidentielle ; et nous ne le laisserons pas se présenter ». Le propos est clair comme l’eau de roche ; mais le modus operandi est moins clair qu’un soir de ces terribles délestages que la campagne électorale nous épargne opportunément.
En optant enfin pour une stratégie hybride – aller aux élections sans en chasser, jusque-là, Wade par la force ou le droit ; tout en différant l’heure de vérité eu égard au scrutin du 26 février qui arrive au galop – les adversaires du Président sortant, ne vont-ils pas donner raison à Mansour Guèye membre de la société civile de la diaspora, lorsqu’il déclare le 5 février, au Trocadéro : « J’entends des discours qui ne sont pas rassurants. Il y en a qui veulent aller en campagne, d’autres non. Il faut savoir que Wade a déjà obtenu du Conseil constitutionnel, le premier tour, à travers la validation du 27 janvier. Si le scrutin se passe le 26 février, avec lui, il va gagner ».
Amère vérité qui prouvera, de manière humiliante, aux leaders et aux candidats de l’opposition que leur combativité se situe encore en dessous de celle des moines de Birmanie, face aux généraux assassins de Rangoon qui avaient réprimé férocement, en septembre 2009, la manifestation des membres du clergé bouddhiste, sortis des monastères, pour combattre, les mains nues, la tyrannie quasi-cinquantenaire.
Très probablement, les candidats farouchement opposés à Abdoulaye Wade, ne sont pas politiquement myopes, au point de perdre de vue cette évidence aussi bien perceptible à Colobane qu’au Trocadéro. C’est pourquoi, ils ont retenu une stratégie clair-obscur de participation minimale à la campagne électorale et d’opposition maximale à celle de Wade, au scrutin du 26 février prochain. Une démarche mi-figue mi-raisin qui les installe dans un cercle (voulu) vicieux. Une attitude que beaucoup d’observateurs assimilent, sans excès de sévérité, à l’antichambre de la capitulation.
Très sûrement, les quatre adversaires qui pèsent (Idy, Macky, Niasse et Tanor, suivant l’ordre uniquement alphabétique) sont devant un dilemme cornélien qui fait du boycott, une arme autodestructrice. Dans ce cas de figure, la compétition se déroulera entre Wade et une petite escouade de candidats complices, complaisants et fantaisistes. La leçon des législatives de 2007 est passée par là. Quant à la participation tranquille ou résignée (sur fond de violation dénoncée de la Constitution) elle rendra sans objet, l’existence du M23, apportera une belle caution à la décision du Conseil constitutionnel, servira de faire-valoir à la candidature contestée et in fine légitimera, par avance, les résultats toujours imprévisibles d’un scrutin. Macky Sall, lui, a surmonté allègrement le dilemme. Le leader de l’Apr a rompu les amarres avec le M23, et levé l’ancre et les voiles, en direction des bassins électoraux du Sénégal des profondeurs.
En vérité, le conglomérat des concurrents anti-Fal 2012 a sérieusement balancé entre l’option du boycott et le choix du sabotage qui ont pour ligne médiane : la résistance. Mais sous quelle forme ? La réponse est servie par le candidat Cheikh Tidiane Gadio qui a émis l’idée de porter sur les fonts baptismaux, un Conseil national de la Transition (CNT) autrement dit, un organe ou un exécutif d’exception et de durée limitée qui prendrait en charge la suite des évènements : l’élimination de la candidature de Wade, le remaniement puis l’élargissement du gouvernement de Souleymane Ndéné Ndiaye et l’organisation du scrutin présidentiel avec un Conseil constitutionnel relooké ou recadré. Bref, un nouveau et titanesque programme impliquant une refondation institutionnelle qui rappelle le panorama politique des lendemains de conférences nationales souveraines dans certains pays d’Afrique.
Entre la coupe et les lèvres, il y a un temps et une distance. Un CNT ne se décrète pas. Il ne sera pas, non plus, un cadeau de la Providence. Il ne peut être que le fruit d’une lutte sanctionnée par une victoire sur Wade. Dans le cas échéant, Dakar dupliquera le schéma kinois (capitale de la Rdc) avec deux Présidents (Kabila et Tshisekedi) deux gouvernements dont l’un est forcément fantôme. Et une rivière de sang. Les Sénégalais n’ayant ni le tempérament ni l’histoire des Congolais, un tel scénario sera plus théâtral que tragique. Donc politiquement stérile.
Aux antipodes de son opposition qui a du mal à débusquer une infaillible stratégie, Abdoulaye Wade, lui, fait son bilan, c’est-à-dire la traduction incomplète de son programme antérieur de 2007. Il fait aussi des promesses en guise de compléments de bilan, non sans tirer de son riche répertoire, quelques arguments trompeurs. Dont le plus massif est la fausse similitude entre les odyssées politiques des familles Bush et Wade. A l’étape de Mbacké, le leader du Pds a délibérément caricaturé une facette des réalités américaines, en déclarant « qu’il n’est pas plus bête que Bush qui a mis son fils ».
Voilà une comparaison (lourde de tromperie) qui, au demeurant, s’écroule à l’examen. Bush père et Bush fils ont eu deux carrières politiquement parallèles. Sans se toucher, comme deux lignes parallèles. Bush père dirigeait la Cia (institution fédérale et névralgique), tandis que Bush fils gouvernait l’Etat du Texas, dans une Amérique où les gouverneurs ne sont pas nommés, mais élus. Il s’y ajoute qu’entre les deux présidences des deux Bush, il y a l’intermède Bill Clinton. Donc Bush n’a pas « mis » son fils.
A contrario, les carrières politiques de Wade père et de Wade fils ne sont ni parallèles ni concomitantes. Le fondateur du Pds s’appuyait sur des jeunes courageux comme Modou Diagne Fada et Talla Sylla. Autre différence – et pas des moindres pour la légitimité politique – les Bush ont longuement et intensément servi l’Amérique, avant d’aspirer et d’arriver à la gouverner. Or si Maître Wade a servi la nation sénégalaise en tant que doyen de faculté, il en va autrement de Karim qui ne s’est mis au service du Sénégal qu’au niveau de deux stations dorées et élevées : présidence de l’Anoci et ministère d’Etat.
Ce type de discours, au cours de l’ultime campagne électorale de la vie politique (crépusculaire) d’Abdoulaye Wade, alarme évidemment les républicains vigilants. Lesquels admirent parfois le bâtisseur Wade travaillant sur ses chantiers à ciel ouvert ; mais redoutent souvent le renard Wade opérant sur un chantier souterrain comme la succession.