Dès les minutes qui ont suivi la validation de la candidature du Président sortant Abdoulaye Wade, le vendredi 27 janvier, l’épreuve de force est engagée entre le M23 qui veut contrer – jusqu’à l’effacement – la décision du Conseil constitutionnel, et l’appareil d’Etat incarné au quotidien par le ministère de l’Intérieur désireux, à la fois, de maintenir l’ordre et de faire prévaloir la loi vigoureusement contestée. Conséquence : la campagne est électorale et…électrique sur l’ensemble du territoire.
Une orgie de violences fige, en effet, le Sénégal devant les projecteurs de l’actualité, balafre son image et nourrit l’inquiétude au-delà des frontières, au point de mobiliser en duo, les mécanismes de traitement de crises de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Africaine (UA) au chevet d’une démocratie, jadis parmi les phares du continent. Un branle-bas diplomatique qui laisse présager une implication de la communauté internationale. En un mot, la campagne électorale a rapidement basculé en crise politique.
Une échographie du déraillement dangereux de la campagne électorale, montre une multitude de faiblesses, d’insuffisances et de ratés qui ont présidé à la présente progression vers le gouffre. Des tares que le choc des discours enflammés et la persistance des polémiques politiciennes ont du mal à maquiller. Sous cet angle, le film des évènements est si dégoulinant d’enseignements, qu’il interpelle tous les acteurs. Et, bien entendu, donne du grain à moudre aux observateurs appelés, d’abord à lire le tableau des éléments constitutifs de l’enrayement, ensuite à démêler l’écheveau d’un emballement susceptible d’être fatal au scrutin, et générateur d’embrasement au lendemain du vote.
Force est de constater que le ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom, cheville ouvrière de l’élection, se meut dans la solitude et l’incommodité. Comme tout titulaire de ce portefeuille (sous tous les cieux) Ousmane Ngom enfile stoïquement la tunique de l’impopularité pour assumer, dans des circonstances où l’équipe gouvernementale est en éclipse, la mission technique et républicaine de maintien de l’ordre public. Tâche d’autant plus délicate et ingrate que le premier policier du Sénégal, ferraille, tout seul, sur deux fronts où il est quasiment impossible de collectionner simultanément des succès : la répression et la communication.
D’où l’effet désastreux de la conférence de presse au cours de laquelle, il a malencontreusement évoqué l’accident de la circulation – peut-être vrai, peut-être faux – à l’origine de la mort du manifestant Mamadou Diop. Moins fatigué et plus inspiré, Ousmane Ngom aurait présenté ses condoléances puis évacué les détails forcément controversés. Le silence indéchiffrable n’est-il pas préférable à l’assertion choquante en période politiquement très inflammable ? Bref, le patron de la place Washington mène deux batailles (politique et communicationnelle) qui ne sont pas siennes, dans le contexte actuel.
Mais, l’omniprésence du ministre de l’Intérieur et ses effets désavantageux dans l’opinion, s’explique par l’évaporation du directoire du Pds, singulièrement dans la région de Dakar, où l’opposition – indissociable du M23 – tient le haut du pavé. Un vide libéral qui renseigne sur la nature ou la mue de ce Parti, hier héroïque, aujourd’hui parasitaire. Illustration est ainsi faite que le wadisme est maintenant un banquet aux antipodes du sacerdoce. Aucun ordre de bataille. Rien que des ordres de mission et des…indemnités.
Au moment où la démocratie sénégalaise est à la croisée des chemins (âge d’or ou déclin) Karim Wade, membre du Comité directeur du Pds et du directoire de campagne des Fal 2012, dévoile à Paris (loin des heurts et rigueurs de la campagne électorale) les 53 % des voix qui consacreront, dimanche prochain, la victoire du Président Abdoulaye Wade, au premier tour. Par ailleurs, ce n’est qu’après le coup de gueule de Seynabou Wade, maire libérale de Fass-Colobane que Sérigne Mbacké et Me Amadou Sall ont daigné émerger (tardivement) de leur hibernation, pour contrer, devant les micros et les caméras, le rouleau compresseur de la propagande des candidats opposés au Secrétaire général du Pds.
L’autre facteur non étranger à la chienlit, renvoie à la constitutionnalisation, par l’article 8, du droit de marche. Un vrai mariage entre l’inutilité et l’imprudence. Pourquoi le constituant a-t-il donné un relief constitutionnel à un droit démocratiquement élémentaire ? La liberté d’expression très présente dans la Constitution, n’autorise-t-elle pas, déjà, la marche qui en est une des formes ?
En vérité, ce sont la soif d’originalité et l’euphorie consécutive au 19 mars 2000 (défaite d’Abdou Diouf) qui ont piégé les rédacteurs de la Constitution. Résultat : le Sénégal est, sur le papier, démocratiquement plus avancé que la France, l’Espagne et le Cap Vert. Pays qui ont jugé superflu, de mentionner dans leurs Constitutions respectives, le droit à la marche. Mais sur le terrain, la loi constitutionnelle est gênée dans son application, par une série de subterfuges administratifs et préfectoraux aux allures plus ou moins légales.
Sur un autre plan, les matières à polémique, n’ont pas manqué d’accroître la tension, et de réveiller des souvenirs qui, confrontés aux pratiques actuelles, renvoient dos à dos, les responsables politiques des deux bords. Par exemple, les prières du vendredi initiées par le M23 sont les répliques des fameuses prières surérogatoires que Wade organisa au milieu des années 80, dans les rues de Dakar. Prières sur la chaussée qui entraînèrent son arrestation retentissante opérée par le Commissaire Kane. Un épisode que semblent méconnaître ou oublier les porte-parole Me Amadou Sall et Sérigne Mbacké Ndiaye. Pour bien polémiquer (comme pour bien mentir) il faut être ferme de mémoire.
Dans cette crise aux contours inquiétants, on peut enfin déceler une foire aux ambitions personnelles et / ou claniques, vite hâtée par le crépuscule du régime, avec son lot de manœuvres n’excluant pas la rétention d’informations sensibles prioritairement destinées à Wade. Sinon, il s’avère difficile de comprendre le flegme du chef de l’Etat – censé être parfaitement informé – que ponctuent des discours surréalistes charriant des fragments de vocabulaire effarants : « épiphénomène », « brise », « vent léger » etc.
En revanche, des renseignements (de quelle valeur ?) ont bien afflué au Palais pour donner corps à un complot contre la paix et la stabilité, ourdi par le candidat Idrissa Seck. Voulait-on planter le décor d’un état d’urgence post-électoral et justifier, par avance, des rafles policières dans les rangs de l’opposition, qu’on ne s’y prendrait pas autrement ? La découverte de cette conspiration est aussi inopportune que l’octroi de la somme de 5 millions Cfa à une catégorie de magistrats, au cours d’une année électorale. Une affaire qui dégage un parfum d’exutoire politique très caractéristique des complots anti-complots de Sékou Touré. On est dans l’antichambre du « Zéro et l’infini » de l’écrivain Arthur Koestler.
En tout état de cause, l’heure de vérité a presque sonné avec l’arrivée du « Monsieur Sénégal » de l’Afrique, l’émissaire Olusegun Obasanjo. Une mission de paix ou de médiation – puérile querelle sémantique – dans laquelle, moult observateurs entrevoient une grosse gêne chez le Président Wade, naguère médiateur couronné de succès sur le continent africain et en Asie. A deux ou trois reprises, Me Wade a canalisé des transitions et stabilisé des lendemains de coups d’Etat ou de meurtres d’hommes d’Etat à Bissau. En Mauritanie, c’est l’Accord de Dakar de 2009 qui a servi de viatique au processus de normalisation de la vie politique, après le putsch du Général Aziz.
Un appétit de médiations qui a conduit Wade jusque dans les eaux de l’Océan indien. Justement, à Madagascar, un Amiral (chef d’Etat militaire) a lâché prise sur sa demande, ici, à Dakar. Question : le Professeur Wade va-t-il être plus obstiné que l’Amiral Didier Ratsiraka, maître absolu de son armée ? Si le Président Abdoulaye Wade fait capoter les bons offices du Nigérian Obasanjo, il lui sera difficile, en cas de réélection, d’avoir des ambitions diplomatiques dans l’espace africain. Le Sénégal inaugurera alors, l’ère d’une autarcie, c’est-à-dire d’un isolationnisme plein et entier. Posture sans précédent, depuis son accession à l’indépendance, en 1960.
L’Histoire a l’art de faire des grimaces insoupçonnées. Avant, les voisins (Gambie, Guinée Bissau et Mauritanie) étaient des dangers pour le Sénégal. Maintenant, c’est le Sénégal qui est un danger pour ses voisins. Mieux, le Sénégal qui a régulièrement fourni des fournées de diplomates et d’experts civils et militaires (Ibrahima Fall dans les Grands Lacs, Général Lamine Cissé en Centrafrique, le Rapporteur Doudou Diène en Côte d’Ivoire etc.) aux missions et tâches de paix de l’Onu, voit présentement arriver au chevet de sa démocratie, Edem Kodjo ancien ministre, ex- idéologue de la dictature et longtemps bras droit du dictateur Eyadema. Quel affreux basculement !
Une orgie de violences fige, en effet, le Sénégal devant les projecteurs de l’actualité, balafre son image et nourrit l’inquiétude au-delà des frontières, au point de mobiliser en duo, les mécanismes de traitement de crises de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Africaine (UA) au chevet d’une démocratie, jadis parmi les phares du continent. Un branle-bas diplomatique qui laisse présager une implication de la communauté internationale. En un mot, la campagne électorale a rapidement basculé en crise politique.
Une échographie du déraillement dangereux de la campagne électorale, montre une multitude de faiblesses, d’insuffisances et de ratés qui ont présidé à la présente progression vers le gouffre. Des tares que le choc des discours enflammés et la persistance des polémiques politiciennes ont du mal à maquiller. Sous cet angle, le film des évènements est si dégoulinant d’enseignements, qu’il interpelle tous les acteurs. Et, bien entendu, donne du grain à moudre aux observateurs appelés, d’abord à lire le tableau des éléments constitutifs de l’enrayement, ensuite à démêler l’écheveau d’un emballement susceptible d’être fatal au scrutin, et générateur d’embrasement au lendemain du vote.
Force est de constater que le ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom, cheville ouvrière de l’élection, se meut dans la solitude et l’incommodité. Comme tout titulaire de ce portefeuille (sous tous les cieux) Ousmane Ngom enfile stoïquement la tunique de l’impopularité pour assumer, dans des circonstances où l’équipe gouvernementale est en éclipse, la mission technique et républicaine de maintien de l’ordre public. Tâche d’autant plus délicate et ingrate que le premier policier du Sénégal, ferraille, tout seul, sur deux fronts où il est quasiment impossible de collectionner simultanément des succès : la répression et la communication.
D’où l’effet désastreux de la conférence de presse au cours de laquelle, il a malencontreusement évoqué l’accident de la circulation – peut-être vrai, peut-être faux – à l’origine de la mort du manifestant Mamadou Diop. Moins fatigué et plus inspiré, Ousmane Ngom aurait présenté ses condoléances puis évacué les détails forcément controversés. Le silence indéchiffrable n’est-il pas préférable à l’assertion choquante en période politiquement très inflammable ? Bref, le patron de la place Washington mène deux batailles (politique et communicationnelle) qui ne sont pas siennes, dans le contexte actuel.
Mais, l’omniprésence du ministre de l’Intérieur et ses effets désavantageux dans l’opinion, s’explique par l’évaporation du directoire du Pds, singulièrement dans la région de Dakar, où l’opposition – indissociable du M23 – tient le haut du pavé. Un vide libéral qui renseigne sur la nature ou la mue de ce Parti, hier héroïque, aujourd’hui parasitaire. Illustration est ainsi faite que le wadisme est maintenant un banquet aux antipodes du sacerdoce. Aucun ordre de bataille. Rien que des ordres de mission et des…indemnités.
Au moment où la démocratie sénégalaise est à la croisée des chemins (âge d’or ou déclin) Karim Wade, membre du Comité directeur du Pds et du directoire de campagne des Fal 2012, dévoile à Paris (loin des heurts et rigueurs de la campagne électorale) les 53 % des voix qui consacreront, dimanche prochain, la victoire du Président Abdoulaye Wade, au premier tour. Par ailleurs, ce n’est qu’après le coup de gueule de Seynabou Wade, maire libérale de Fass-Colobane que Sérigne Mbacké et Me Amadou Sall ont daigné émerger (tardivement) de leur hibernation, pour contrer, devant les micros et les caméras, le rouleau compresseur de la propagande des candidats opposés au Secrétaire général du Pds.
L’autre facteur non étranger à la chienlit, renvoie à la constitutionnalisation, par l’article 8, du droit de marche. Un vrai mariage entre l’inutilité et l’imprudence. Pourquoi le constituant a-t-il donné un relief constitutionnel à un droit démocratiquement élémentaire ? La liberté d’expression très présente dans la Constitution, n’autorise-t-elle pas, déjà, la marche qui en est une des formes ?
En vérité, ce sont la soif d’originalité et l’euphorie consécutive au 19 mars 2000 (défaite d’Abdou Diouf) qui ont piégé les rédacteurs de la Constitution. Résultat : le Sénégal est, sur le papier, démocratiquement plus avancé que la France, l’Espagne et le Cap Vert. Pays qui ont jugé superflu, de mentionner dans leurs Constitutions respectives, le droit à la marche. Mais sur le terrain, la loi constitutionnelle est gênée dans son application, par une série de subterfuges administratifs et préfectoraux aux allures plus ou moins légales.
Sur un autre plan, les matières à polémique, n’ont pas manqué d’accroître la tension, et de réveiller des souvenirs qui, confrontés aux pratiques actuelles, renvoient dos à dos, les responsables politiques des deux bords. Par exemple, les prières du vendredi initiées par le M23 sont les répliques des fameuses prières surérogatoires que Wade organisa au milieu des années 80, dans les rues de Dakar. Prières sur la chaussée qui entraînèrent son arrestation retentissante opérée par le Commissaire Kane. Un épisode que semblent méconnaître ou oublier les porte-parole Me Amadou Sall et Sérigne Mbacké Ndiaye. Pour bien polémiquer (comme pour bien mentir) il faut être ferme de mémoire.
Dans cette crise aux contours inquiétants, on peut enfin déceler une foire aux ambitions personnelles et / ou claniques, vite hâtée par le crépuscule du régime, avec son lot de manœuvres n’excluant pas la rétention d’informations sensibles prioritairement destinées à Wade. Sinon, il s’avère difficile de comprendre le flegme du chef de l’Etat – censé être parfaitement informé – que ponctuent des discours surréalistes charriant des fragments de vocabulaire effarants : « épiphénomène », « brise », « vent léger » etc.
En revanche, des renseignements (de quelle valeur ?) ont bien afflué au Palais pour donner corps à un complot contre la paix et la stabilité, ourdi par le candidat Idrissa Seck. Voulait-on planter le décor d’un état d’urgence post-électoral et justifier, par avance, des rafles policières dans les rangs de l’opposition, qu’on ne s’y prendrait pas autrement ? La découverte de cette conspiration est aussi inopportune que l’octroi de la somme de 5 millions Cfa à une catégorie de magistrats, au cours d’une année électorale. Une affaire qui dégage un parfum d’exutoire politique très caractéristique des complots anti-complots de Sékou Touré. On est dans l’antichambre du « Zéro et l’infini » de l’écrivain Arthur Koestler.
En tout état de cause, l’heure de vérité a presque sonné avec l’arrivée du « Monsieur Sénégal » de l’Afrique, l’émissaire Olusegun Obasanjo. Une mission de paix ou de médiation – puérile querelle sémantique – dans laquelle, moult observateurs entrevoient une grosse gêne chez le Président Wade, naguère médiateur couronné de succès sur le continent africain et en Asie. A deux ou trois reprises, Me Wade a canalisé des transitions et stabilisé des lendemains de coups d’Etat ou de meurtres d’hommes d’Etat à Bissau. En Mauritanie, c’est l’Accord de Dakar de 2009 qui a servi de viatique au processus de normalisation de la vie politique, après le putsch du Général Aziz.
Un appétit de médiations qui a conduit Wade jusque dans les eaux de l’Océan indien. Justement, à Madagascar, un Amiral (chef d’Etat militaire) a lâché prise sur sa demande, ici, à Dakar. Question : le Professeur Wade va-t-il être plus obstiné que l’Amiral Didier Ratsiraka, maître absolu de son armée ? Si le Président Abdoulaye Wade fait capoter les bons offices du Nigérian Obasanjo, il lui sera difficile, en cas de réélection, d’avoir des ambitions diplomatiques dans l’espace africain. Le Sénégal inaugurera alors, l’ère d’une autarcie, c’est-à-dire d’un isolationnisme plein et entier. Posture sans précédent, depuis son accession à l’indépendance, en 1960.
L’Histoire a l’art de faire des grimaces insoupçonnées. Avant, les voisins (Gambie, Guinée Bissau et Mauritanie) étaient des dangers pour le Sénégal. Maintenant, c’est le Sénégal qui est un danger pour ses voisins. Mieux, le Sénégal qui a régulièrement fourni des fournées de diplomates et d’experts civils et militaires (Ibrahima Fall dans les Grands Lacs, Général Lamine Cissé en Centrafrique, le Rapporteur Doudou Diène en Côte d’Ivoire etc.) aux missions et tâches de paix de l’Onu, voit présentement arriver au chevet de sa démocratie, Edem Kodjo ancien ministre, ex- idéologue de la dictature et longtemps bras droit du dictateur Eyadema. Quel affreux basculement !