Le Président Macky Sall a quitté le pouvoir le 2 avril, au terme de ses deux mandats, à l’issue d’élections libres et transparentes qui ont vu le succès de ses opposants du Pastef. Toutes les dispositions constitutionnelles ont été parfaitement respectées et l’institution chargé d’y veiller, le Conseil Constitutionnel a fait preuve d’une indépendante totale.
Normal direz-vous ? On serait plutôt tenté de répondre : exceptionnel dans la région !
En effet, Alors que le débat entre juristes était engagé sur la possibilité pour le Président Macky Sall d’effectuer un troisième mandat, ce dernier a stoppé court aux spéculations en y renonçant de lui-même et en se tenant à sa décision.
Sans porter de jugement de valeur sur la qualité des actions menées ou la personnalité de tel ou tel chef d’Etat africain, tenons-en nous aux chiffres et à quelques exemples : En Guinée Equatoriale Teodoro Obieng agé de 81 ans est au pouvoir depuis 42 ans. Au Cameroun, Paul Biya, âgé de 91 ans, préside depuis 42 ans. Denis Sassou Nguesso, âgé de 79 ans a passé 38 ans à la tête de l’Etat, au Congo. Le pays a même changé de nom entre ses présidences. En Ouganda, Yoweri Mussivini totalise 32 ans de règne. En Erythrée, Issayas Afewerki, dirige son pays depuis l’indépendance, c’est-à-dire 1993. Paul Kagamé dirige le Rwanda depuis 23 ans. Inutile de mentionner le nombre incalculable de fois où les Constitutions furent révisées afin d’autoriser le maintien du pouvoir en place. Macky Sall, lui, a réduit la durée du mandat présidentiel.
Oui, il y a une exception sénégalaise, une tradition démocratique irréprochable et l’ancien Président en a été parfaitement digne.
Certes, il y eut avant la tenue du scrutin présidentiel des incertitudes et des tourments. Néanmoins, il est nécessaire de les replacer dans leur contexte et de prendre en compte l’issue finale : un scrutin tenu dans les temps et qui a vu les opposants les plus déterminés à Macky Sall graciés afin qu’ils puissent concourir et que le peuple sénégalais ne sente pas floué dans son choix.
L’incertitude quant à la date du scrutin reposait sur des considérations solides : l’absence de deux figures majeures, Ousmane Sonko et Karim Wade dont les candidatures n’avaient pas été validées par le Conseil Constitutionnel. Et si l’élection s’est finalement tenue sans ces deux ténors, chacun sait que la responsabilité n’en incombe pas à l’ancien Président qui souhaitait que l’élection soit inclusive. D’autres, en perte de vitesse, voulaient qu’elles se tiennent coûte que coûte à ces dates, avant d’être marginalisés. Ainsi, les accusations sur la mise à mal de l’Etat de droit ne résistent pas à l’analyse.
Le 17 novembre prochain, le premier garde-fou de la démocratie pourrait sauter si l’une des forces politiques obtenait plus des 3/5èmes des voix et pouvait ainsi modifier, à sa guise, la Constitution. Certains oublient que la démocratie n’est pas la dictature de la majorité ou un instrument aux mains du pouvoir en place. Le risque est bien réel. En effet, n’a-t-on pas vu certains extrémistes appeler à la haine à l’encontre de l’ancien Président ? Certains poussant le bouchon jusqu’à le menacer de poursuites judiciaires. Sur quel fondement ?
A cet égard, l’article de « Jeune Afrique » daté du 4 mars 2024 dont le titre est « Peut-on encore contredire Ousmane Sonko ? » est plus que préoccupant pour l’avenir ! Il tire la sonnette d’alarme.
En effet, l’arrestation arbitraire de journalistes est un coup dur porté à la démocratie par ceux qui se voulaient exemplaires. La liberté d’informer est l’un de ses principaux fondements. Heureusement la Justice a coupé court à ces agissements… De même l’intimidation à l’encontre d’opposants qui ont « osé » contester les propos d’Ousmane Sonko sur le déficit et l’endettement sont clairement anti-démocratiques. Quel est le rôle de l’opposition sinon de contester et s’opposer? Il ne s’agit, hélas, pas de cas isolés. Ce type de manœuvres prolifèrent depuis 6 mois. La tentation autoritaire d’un nouveau pouvoir est d’autant plus préoccupante que le durcissement est inéluctable dans la durée. Quelles que soient les bonnes intentions affichées. Un pouvoir est toujours plus souple à ses débuts et se raidit avec le temps. Car le pouvoir isole…
La tentation autoritaire-populiste semble déjà bien présente. Pourrait-elle mener à un scénario à la vénézuélienne, pays dans lequel le leader, Nicolas Maduro (proche de Mélenchon tout comme le Pastef) truque les élections, musèle les libertés et appauvri massivement les Vénézuéliens malgré les ressources pétrolières ? Ce n’est pas totalement exclu. Méfions-nous de ceux qui se s’autoproclament incorruptibles, flattent les instincts, font des promesses à dormir debout, exalte les foules, exploitent les nobles idéaux de la jeunesse. Le retour à la réalité est n’en est souvent que plus douloureux après le temps perdu.
Ainsi, l’élection législative anticipée comporte un enjeu majeur : préserver l’exception démocratique sénégalaise d’autant que, pour la première fois de son histoire, le Sénégal est dirigé par un tandem qui n’a pas l’expérience prélable des plus hautes fonctions de l’Etat. La tolérance plutôt que l’anathème, la modération plutôt que l’exaltation, la compétence plutôt que les slogans tels sont les comportement démocratiques…
L’équilibre des forces politiques semble le meilleur moyen d’y parvenir.
Erwan DAVOUX est conseiller senior en Affaires internationales.
Normal direz-vous ? On serait plutôt tenté de répondre : exceptionnel dans la région !
En effet, Alors que le débat entre juristes était engagé sur la possibilité pour le Président Macky Sall d’effectuer un troisième mandat, ce dernier a stoppé court aux spéculations en y renonçant de lui-même et en se tenant à sa décision.
Sans porter de jugement de valeur sur la qualité des actions menées ou la personnalité de tel ou tel chef d’Etat africain, tenons-en nous aux chiffres et à quelques exemples : En Guinée Equatoriale Teodoro Obieng agé de 81 ans est au pouvoir depuis 42 ans. Au Cameroun, Paul Biya, âgé de 91 ans, préside depuis 42 ans. Denis Sassou Nguesso, âgé de 79 ans a passé 38 ans à la tête de l’Etat, au Congo. Le pays a même changé de nom entre ses présidences. En Ouganda, Yoweri Mussivini totalise 32 ans de règne. En Erythrée, Issayas Afewerki, dirige son pays depuis l’indépendance, c’est-à-dire 1993. Paul Kagamé dirige le Rwanda depuis 23 ans. Inutile de mentionner le nombre incalculable de fois où les Constitutions furent révisées afin d’autoriser le maintien du pouvoir en place. Macky Sall, lui, a réduit la durée du mandat présidentiel.
Oui, il y a une exception sénégalaise, une tradition démocratique irréprochable et l’ancien Président en a été parfaitement digne.
Certes, il y eut avant la tenue du scrutin présidentiel des incertitudes et des tourments. Néanmoins, il est nécessaire de les replacer dans leur contexte et de prendre en compte l’issue finale : un scrutin tenu dans les temps et qui a vu les opposants les plus déterminés à Macky Sall graciés afin qu’ils puissent concourir et que le peuple sénégalais ne sente pas floué dans son choix.
L’incertitude quant à la date du scrutin reposait sur des considérations solides : l’absence de deux figures majeures, Ousmane Sonko et Karim Wade dont les candidatures n’avaient pas été validées par le Conseil Constitutionnel. Et si l’élection s’est finalement tenue sans ces deux ténors, chacun sait que la responsabilité n’en incombe pas à l’ancien Président qui souhaitait que l’élection soit inclusive. D’autres, en perte de vitesse, voulaient qu’elles se tiennent coûte que coûte à ces dates, avant d’être marginalisés. Ainsi, les accusations sur la mise à mal de l’Etat de droit ne résistent pas à l’analyse.
Le 17 novembre prochain, le premier garde-fou de la démocratie pourrait sauter si l’une des forces politiques obtenait plus des 3/5èmes des voix et pouvait ainsi modifier, à sa guise, la Constitution. Certains oublient que la démocratie n’est pas la dictature de la majorité ou un instrument aux mains du pouvoir en place. Le risque est bien réel. En effet, n’a-t-on pas vu certains extrémistes appeler à la haine à l’encontre de l’ancien Président ? Certains poussant le bouchon jusqu’à le menacer de poursuites judiciaires. Sur quel fondement ?
A cet égard, l’article de « Jeune Afrique » daté du 4 mars 2024 dont le titre est « Peut-on encore contredire Ousmane Sonko ? » est plus que préoccupant pour l’avenir ! Il tire la sonnette d’alarme.
En effet, l’arrestation arbitraire de journalistes est un coup dur porté à la démocratie par ceux qui se voulaient exemplaires. La liberté d’informer est l’un de ses principaux fondements. Heureusement la Justice a coupé court à ces agissements… De même l’intimidation à l’encontre d’opposants qui ont « osé » contester les propos d’Ousmane Sonko sur le déficit et l’endettement sont clairement anti-démocratiques. Quel est le rôle de l’opposition sinon de contester et s’opposer? Il ne s’agit, hélas, pas de cas isolés. Ce type de manœuvres prolifèrent depuis 6 mois. La tentation autoritaire d’un nouveau pouvoir est d’autant plus préoccupante que le durcissement est inéluctable dans la durée. Quelles que soient les bonnes intentions affichées. Un pouvoir est toujours plus souple à ses débuts et se raidit avec le temps. Car le pouvoir isole…
La tentation autoritaire-populiste semble déjà bien présente. Pourrait-elle mener à un scénario à la vénézuélienne, pays dans lequel le leader, Nicolas Maduro (proche de Mélenchon tout comme le Pastef) truque les élections, musèle les libertés et appauvri massivement les Vénézuéliens malgré les ressources pétrolières ? Ce n’est pas totalement exclu. Méfions-nous de ceux qui se s’autoproclament incorruptibles, flattent les instincts, font des promesses à dormir debout, exalte les foules, exploitent les nobles idéaux de la jeunesse. Le retour à la réalité est n’en est souvent que plus douloureux après le temps perdu.
Ainsi, l’élection législative anticipée comporte un enjeu majeur : préserver l’exception démocratique sénégalaise d’autant que, pour la première fois de son histoire, le Sénégal est dirigé par un tandem qui n’a pas l’expérience prélable des plus hautes fonctions de l’Etat. La tolérance plutôt que l’anathème, la modération plutôt que l’exaltation, la compétence plutôt que les slogans tels sont les comportement démocratiques…
L’équilibre des forces politiques semble le meilleur moyen d’y parvenir.
Erwan DAVOUX est conseiller senior en Affaires internationales.