« Les diplomates trahissent tout, sauf leurs émotions » écrivit Victor Hugo. Cette leçon de l’auteur des « Voix intérieures » (1837) nous connecte – par-dessus un siècle et demi – sur la voix de l’ambassadeur sortant des Etats-Unis d’Amérique à Dakar, son Excellence Lewis Luckens, qui a étalé, sans aucune restriction, ses émotions, ses éclats et …ses états d’âme, à quelques jours de son départ définitif du Sénégal.
Avant de passer au crible les segments saillants du discours, interrogeons-nous sur la méthode de travail de cet ambassadeur qui nous est arrivé d’Irak c’est-à-dire un pays militairement sous tutelle américaine et politiquement placé sous le contrôle d’une ambassade US forte de 2000 diplomates. Pas un de moins. Durant son séjour à Dakar (ville située sur la façade de l’Atlantique et non sur les bords de l’Euphrate) l’ambassadeur Luckens Lewis a-t-il tenu, successivement au ministre Mankeur Ndiaye et au Président Macky Sall, des propos aussi carrés et aussi chargés d’ingérences sur les choix souverains et structurants de la politique extérieure du gouvernement sénégalais ? Si oui, pourquoi y revenir publiquement après avoir enregistré les réactions et réponses des deux voix nationales les plus autorisées en la matière ?
Il va sans dire que la superpuissance américaine n’a nullement besoin de provoquer un pays lilliputien comme le Sénégal. C’est donc dire qu’on est en face d’un comportement inqualifiable, mais assez voisine d’une moquerie calculée. Et, évidemment, incompatible avec la confiance et l’amitié excessives (voire naïves) du Sénégal qui a accepté qu’un second ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal – en l’occurrence Marc Bouleware – supplante les négociateurs nationaux, en se projetant au cœur de la forêt casamançaise, pour y pêcher la paix ou la pax americana. Curieuse façon de renvoyer l’ascenseur à un Président censé être un « bon ami » et un « bon allié ».
Mais passons au peigne fin et peignons à rebrousse-poil le discours d’adieu de l’ambassadeur Lewis Luckens ! Premier extrait truffé d’étincelles brûlantes : « Le Sénégal s’écarte parfois du leadership dans le champ de la politique étrangère, alors même que les soldats et les diplomates sénégalais s’acquittent de leur tâche de façon exemplaire ». De prime abord, la critique n’est pas fausse dans l’absolu, mais elle est vachement perfide. Le Président Sall (censé incarner le leadership) est cloué au pilori ; tandis que ses militaires et ses diplomates sont magnifiés. Si son Excellence Lewis Luckens voulait favoriser des fêlures entre le chef de l’Etat et les deux appareils-clés que sont l’armée et la diplomatie, il ne s’y prendrait pas autrement. Mais puisque les faits sont têtus, la non-présence du Sénégal au sein du Groupe des Cinq Etats sahéliens conforte l’avis du plénipotentiaire américain. Effectivement, il est inexplicable qu’un pays géographiquement et politiquement associé aux aventures du CILSS et de la COMESSA soit hors du G5 Sahel, alors qu’il est bordé à l’Est et au Nord par deux voisins saharo-sahéliens. L’image d’un leadership en berne assaille automatiquement l’esprit.
Second segment salé et féroce de l’allocution de l’ancien ambassadeur US : « La voix forte du Sénégal est restée inaudible lors du vote des Nations-Unies pour condamner l’agression de la Russie en Crimée, l’utilisation des armes chimiques en Syrie et les violations des droits de l’homme en Corée du Nord ». Ici, la charge est gratuitement violente et insultante. Sur l’échelle des priorités diplomatiques, comment Washington peut-elle exiger que Dakar place le Sahara Occidental et le Nord-Mali après la Crimée ? Le sort de la Crimée ne conditionne pas le destin du Sénégal. La Crimée n’est ni membre de l’UA ni de la CEDEAO. Encore moins de l’OCI. S’agissant de la Syrie, le Sénégal abrite une vieille et immense colonie de Libano-Syriens dont il ne saurait faire litière dans la définition de ses choix diplomatiques. En ce qui concerne la Corée du Nord, les Américains apparaissent comme de mauvais donneurs de leçons. Car la Maison-Blanche, le Pentagone et la CIA chouchoutent infatigablement l’Arabie Saoudite, royaume où la charia tue et mutile atrocement par le sabre. Et où les femmes peinent à conquérir le droit d’être au volant de leurs bagnoles. Par ailleurs, l’Amérique qui a récemment exécuté, à la seringue, un Noir (il est mort après une agonie émaillée de vigoureuses convulsions) peut bien rivaliser, sur ce chapitre précis, avec la patrie de Kim Il Song.
Sur la question de l’homosexualité, force est de reconnaitre que les Américains souhaitent et espèrent faire du Sénégal, le banc d’une dépénalisation ou d’une légalisation en Afrique au sud du Sahara. L’ambassadeur Lewis Luckens et ses patrons jouent avec le feu. Voudraient-ils faire le lit de quatre ou cinq Bokko Haram dans l’espace CEDEAO ? Pareilles pressions sur Macky Sall sont débiles. Tout chef d’Etat sénégalais qui fera voter et promulguer la dépénalisation sera bastonné dans son Palais, à la manière de Dioncounda Traoré (hypothèse gaie, sur air de carnaval) ou alors il perdra le pouvoir et la vie (hypothèse rouge de sang, sur fond de tragédie nationale). La communauté internationale – en l’occurrence et plus spécifiquement l’Occident – doit se ressaisir sur ce terrain-là, en prenant en compte, le poids des cultures. Pourtant l’écrivain Maurice Barrès avait jadis tiré la sonnette d’alarme : « Au-dessus des lois, au-dessus des coutumes et même au-dessus de la vérité, il y a les mœurs ». Justement, le rempart des mœurs est si solide qu’il a fallu, nonobstant la Révolution de 1789 et la trilogie (Liberté, Egalité, Fraternité), attendre encore 155 ans et le courage du Général De Gaulle pour que les femmes françaises obtiennent le droit de vote en novembre 1944.
Au total, le discours de l’ambassadeur Lewis Luckens vicie peu ou prou l’axe Dakar-Washington, mais il a aussi la vertu pédagogique de montrer aux dirigeants du Sénégal (Macky Sall en tête) que l’angélisme n’est pas la pierre angulaire d’une diplomatie.
Avant de passer au crible les segments saillants du discours, interrogeons-nous sur la méthode de travail de cet ambassadeur qui nous est arrivé d’Irak c’est-à-dire un pays militairement sous tutelle américaine et politiquement placé sous le contrôle d’une ambassade US forte de 2000 diplomates. Pas un de moins. Durant son séjour à Dakar (ville située sur la façade de l’Atlantique et non sur les bords de l’Euphrate) l’ambassadeur Luckens Lewis a-t-il tenu, successivement au ministre Mankeur Ndiaye et au Président Macky Sall, des propos aussi carrés et aussi chargés d’ingérences sur les choix souverains et structurants de la politique extérieure du gouvernement sénégalais ? Si oui, pourquoi y revenir publiquement après avoir enregistré les réactions et réponses des deux voix nationales les plus autorisées en la matière ?
Il va sans dire que la superpuissance américaine n’a nullement besoin de provoquer un pays lilliputien comme le Sénégal. C’est donc dire qu’on est en face d’un comportement inqualifiable, mais assez voisine d’une moquerie calculée. Et, évidemment, incompatible avec la confiance et l’amitié excessives (voire naïves) du Sénégal qui a accepté qu’un second ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal – en l’occurrence Marc Bouleware – supplante les négociateurs nationaux, en se projetant au cœur de la forêt casamançaise, pour y pêcher la paix ou la pax americana. Curieuse façon de renvoyer l’ascenseur à un Président censé être un « bon ami » et un « bon allié ».
Mais passons au peigne fin et peignons à rebrousse-poil le discours d’adieu de l’ambassadeur Lewis Luckens ! Premier extrait truffé d’étincelles brûlantes : « Le Sénégal s’écarte parfois du leadership dans le champ de la politique étrangère, alors même que les soldats et les diplomates sénégalais s’acquittent de leur tâche de façon exemplaire ». De prime abord, la critique n’est pas fausse dans l’absolu, mais elle est vachement perfide. Le Président Sall (censé incarner le leadership) est cloué au pilori ; tandis que ses militaires et ses diplomates sont magnifiés. Si son Excellence Lewis Luckens voulait favoriser des fêlures entre le chef de l’Etat et les deux appareils-clés que sont l’armée et la diplomatie, il ne s’y prendrait pas autrement. Mais puisque les faits sont têtus, la non-présence du Sénégal au sein du Groupe des Cinq Etats sahéliens conforte l’avis du plénipotentiaire américain. Effectivement, il est inexplicable qu’un pays géographiquement et politiquement associé aux aventures du CILSS et de la COMESSA soit hors du G5 Sahel, alors qu’il est bordé à l’Est et au Nord par deux voisins saharo-sahéliens. L’image d’un leadership en berne assaille automatiquement l’esprit.
Second segment salé et féroce de l’allocution de l’ancien ambassadeur US : « La voix forte du Sénégal est restée inaudible lors du vote des Nations-Unies pour condamner l’agression de la Russie en Crimée, l’utilisation des armes chimiques en Syrie et les violations des droits de l’homme en Corée du Nord ». Ici, la charge est gratuitement violente et insultante. Sur l’échelle des priorités diplomatiques, comment Washington peut-elle exiger que Dakar place le Sahara Occidental et le Nord-Mali après la Crimée ? Le sort de la Crimée ne conditionne pas le destin du Sénégal. La Crimée n’est ni membre de l’UA ni de la CEDEAO. Encore moins de l’OCI. S’agissant de la Syrie, le Sénégal abrite une vieille et immense colonie de Libano-Syriens dont il ne saurait faire litière dans la définition de ses choix diplomatiques. En ce qui concerne la Corée du Nord, les Américains apparaissent comme de mauvais donneurs de leçons. Car la Maison-Blanche, le Pentagone et la CIA chouchoutent infatigablement l’Arabie Saoudite, royaume où la charia tue et mutile atrocement par le sabre. Et où les femmes peinent à conquérir le droit d’être au volant de leurs bagnoles. Par ailleurs, l’Amérique qui a récemment exécuté, à la seringue, un Noir (il est mort après une agonie émaillée de vigoureuses convulsions) peut bien rivaliser, sur ce chapitre précis, avec la patrie de Kim Il Song.
Sur la question de l’homosexualité, force est de reconnaitre que les Américains souhaitent et espèrent faire du Sénégal, le banc d’une dépénalisation ou d’une légalisation en Afrique au sud du Sahara. L’ambassadeur Lewis Luckens et ses patrons jouent avec le feu. Voudraient-ils faire le lit de quatre ou cinq Bokko Haram dans l’espace CEDEAO ? Pareilles pressions sur Macky Sall sont débiles. Tout chef d’Etat sénégalais qui fera voter et promulguer la dépénalisation sera bastonné dans son Palais, à la manière de Dioncounda Traoré (hypothèse gaie, sur air de carnaval) ou alors il perdra le pouvoir et la vie (hypothèse rouge de sang, sur fond de tragédie nationale). La communauté internationale – en l’occurrence et plus spécifiquement l’Occident – doit se ressaisir sur ce terrain-là, en prenant en compte, le poids des cultures. Pourtant l’écrivain Maurice Barrès avait jadis tiré la sonnette d’alarme : « Au-dessus des lois, au-dessus des coutumes et même au-dessus de la vérité, il y a les mœurs ». Justement, le rempart des mœurs est si solide qu’il a fallu, nonobstant la Révolution de 1789 et la trilogie (Liberté, Egalité, Fraternité), attendre encore 155 ans et le courage du Général De Gaulle pour que les femmes françaises obtiennent le droit de vote en novembre 1944.
Au total, le discours de l’ambassadeur Lewis Luckens vicie peu ou prou l’axe Dakar-Washington, mais il a aussi la vertu pédagogique de montrer aux dirigeants du Sénégal (Macky Sall en tête) que l’angélisme n’est pas la pierre angulaire d’une diplomatie.