DAKARACTU.COM - Après avoir lancé, le 14 juillet, l’idée d’une élection présidentielle anticipée comme mode de sortie de la crise qui secoue le pays, Abdoulaye Wade a dépêché son ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, auprès des chancelleries occidentales en poste à Dakar pour recueillir leur avis. Celles-ci ont pris la précaution de commencer par affirmer un principe : «le Sénégal est un pays souverain qui décide librement de sa vie politique et électorale.» Non sans manifester quelques «inquiétudes» : l’absence de consensus de la classe politique sur la question, la difficulté logistique et financière d’organiser le scrutin avant l’échéance normale, l’inachèvement de l’inscription sur les listes électorales, le cas des 1,2 million de jeunes non encore enrôlés... Avant d’ajouter que le chef de l’Etat s’était engagé auprès de l’Union européenne à respecter le calendrier républicain. Si, dixit Wade, «les promesses n’engagent que ceux qui y croient», le gouvernement sénégalais butte sur un obstacle objectif : à en croire un expert électoral qui collabore avec le ministre de l’Intérieur, il est matériellement impossible d’achever la liste électorale, dresser les registres, imprimer les bulletins de vote, positionner les urnes, installer les bureaux de vote, désigner et payer ceux qui vont y organiser et superviser les opérations... avant décembre 2011 au plus tôt. Et à condition que la mise en place de tout cela commence dès aujourd’hui et se poursuive à un rythme soutenu. Il n y a pas que cela. Il y a aussi que, comme l’a dit Idrissa Seck dans l’émission Le Grand Jury de la RFM, la saison de l’hivernage, qui a commencé, est inadaptée à la mise en place du matériel électoral, à la tenue d’une campagne électorale, et à une participation au scrutin des paysans occupés au cours de cette saison par les travaux champêtres. Le très politique Wade, qui mise sur les campagnes pour rattraper le retard qu’il va accuser dans l’électorat politisé des villes, ne va d’ailleurs pas à l’élection dans un contexte où ses électeurs potentiels ne pourront pas se mobiliser. Il y a aussi un autre argument qui dissuade le chef de l’Etat d’aller jusqu’au bout de l’idée qu’il a lancée : c’est le fait de ne plus être maître du jeu au moment de l’élection anticipée. Pour que celle-ci se tienne, il faut en effet que Wade démissionne de son poste de président de la République, sorte du palais pour aller s’installer à son domicile privé au Point E, et confie son destin au président du Sénat, Pape Diop, qui assure l’intérim et organise le scrutin. Personne, pas même Wade, ne sait comment le dauphin constitutionnel va se comporter si ce cas de figure se présente. A force de maltraiter Pape Diop, depuis que ce dernier a perdu en mars 2009 la mairie de Dakar qu’il était censé reconquérir au profit du fils du chef de son fils Karim Wade, Abdoulaye Wade ne sait pas ce que fera l’ex-maire de la capitale s’il a tous les leviers de commande de l’Etat entre les mains.
En définitive, l’idée d’une élection anticipée n’était pour Wade qu’un pavé jeté dans la mare pour créer un choc dans l’opinion et reprendre la main.