Pour le peuple et par le peuple (Samba DIAW)


Depuis un certain temps, la mouvance présidentielle se complait à professer des avertissements à l’endroit des opposants. Mame Mactar GUEYE, à l’émission plurielle, a tenu les propos suivants : « l’Etat a les moyens de sa propre défense ». Pis encore le Ministre de l’intérieur a abondé dans le même sens en déclarant que « force reste à la loi ». Ces attitudes réactionnaires, à l’endroit d’Alioune Tine [le 23 Août à la Place de l’obélisque donnant au président de la république un ultimatum pour qu’il se décharge de sa mission] peuvent expliquer des déclarations incendiaires des partisans du président WADE, mais ne les justifient guère. Ces intimidations finissent par devenir un refrain des accointances bleues dans toutes leurs sorties médiatiques, pré justifiant ainsi un lendemain électoral chaotique. Face à ce tohu-bohu assourdissant, n’honorant aucunement les dignitaires du parti au pouvoir, une question prépondérante se pose : Qui est la loi ? Et/ou Qui est l’Etat Sénégalais ?
Dans les acceptions les plus généralistes, l’état évoque l’idée de pouvoir organisé, efficace qui garantit contre les dangers extérieurs et intérieurs sa propre sécurité et celle des ses ressortissants. Il dispose, à cet effet, de la force armée et des multiples mécanismes de coercition et de répression dont il détient le mouvement. Autrement dit, c’est parce que l’Etat doit assurer sa sécurité et celle des ses ressortissants que le peuple lui confère le monopole de la violence physique « légitimée ». La condition majeure de l’utilisation de ces pouvoirs coercitifs et répressifs, est la menace de la sécurité de l’Etat et de ses résidents. Toute autre utilisation de cette force coercitive et répressive dévoie la mission première qu’il s’assigne.
Cette admonestation doit être mesurée à l’aune des actes posés par tous les acteurs du champ politique. Que ceux-ci soient au pouvoir ou dans l’opposition. Il incombe beaucoup plus aux gouvernants, dans leur mode de gestion, de garantir la sécurité de ses membres. Cela entre en droite ligne avec les autres missions dévolues à l’Etat, dans les sociétés modernes, à savoir : veiller à la souveraineté nationale et internationale, à l’organisation de la compétition pour le pouvoir et la participation de tous les citoyens, à l’état de droit, à la législation de la solidarité sociale en limitant l’arbitraire despotique, au développement socio économique. Tous les dirigeants, qu’ils soient d’obédience socialiste, libérale, social-démocrate, et communiste, se doivent de répondre à ces exigences démocratiques.
On entre ainsi au cœur de l’Etat de droit. Il se comprend dans cette fondamentale double imbrication : entre les devoirs de l’Etat et les droits des citoyens d’une part ; les devoirs des citoyens et les droits de l’Etat d’autre part. En d’autres termes, les citoyens concèdent à l’état le monopole de la violence physique légitime ; si et seulement celui-ci s’acquitte de ses devoirs basiques. Le préalable pour que l’Etat dispose de la violence physique légitime est qu’il garantit aux citoyens la jouissance de tous ses droits inaliénables. Or, dans notre cher SUNUGAL, les tenants du régime actuel s’ils méconnaissent totalement ces relations, ignorent totalement les préalables et développent des conduites aux antipodes de la démocratie et de l’installation d’un Etat de droit. Cela fait 10 ans maintenant que nous attendons, toujours de la part de ceux qui tiennent les rênes du pays, la législation de la solidarité sociale qui limite l’arbitraire despotique tout en assurant l’organisation de la compétition saine et loyale pour le pouvoir.
Où sont les agresseurs de Talla Sylla clairement identifiés et dénoncés ? Où sont les assassins de Me Babacar Séye ? Où sont les agresseurs des maisons de presse comme 24 Chrono ? Où sont les nervis qui ont déversé des bouses de vaches au domicile d’Idrissa SECK, le seul en qui nous fondons nos espoirs de voir l’Etat de droit instauré et l’Etat pleinement institutionnalisé ? Où sont les agresseurs d’Alioune TINE pris la main dans le sac ? Ils hument [tous] l’air libre tel des vers nus puant l’innocence. Le tonitruant Massaly, après un acte de vandalisme digne de la camorra sicilienne et napolitaine, s’est vu élargi de prison après deux mois d’incarcération. Y a-t-il une seule justice ou est-elle à deux vitesses. Une pour les partisans de la mouvance présidentielle plus souple et celle qui scelle le sort aux opposants du régime. Malick Noël Seck, n’a perpétré aucun acte de vandalisme qui aurait pu menacer la vie d’un quelconque citoyen sénégalais. Pourtant, sa peine a été multiplié par deux voire quatre, même si l’on reconnait que son style aurait pu être plus souple. Des nervis, au solde de la jeunesse travailliste libérale, ont fait le pied de grue devant les domiciles de certains leaders de l’opposition sans qu’aucune action répressive venant de l’Etat ne soit déclenchée. NIASSE et OTD sont des citoyens sénégalais et doivent, à ce titre, être protégés par l’Etat. Il s’y ajoute que le fait même de se déclarer candidat devrait expliquer qu’il jouisse d’une protection digne de celui d’un chef d’Etat, aux frais du contribuable sénégalais. Les déplacements de François HOLLANDE, leader socialiste de la France fraichement conduit à la tête de ce grand parti de gauche, sont totalement pris en charge par l’Etat français ; qui met à sa disposition les forces de l’ordre pour escorte. Les citoyens sénégalais restent être des justiciables et doivent répondre de leurs actes délictuels dans les juridictions de ce pays. Paradoxalement tous les régimes libéraux se fondent sur la limitation de l’arbitraire. Comment alors qualifier le pouvoir en place? Je comprends mieux le libéralisme d’Idrissa SECK fondé sur l’éclosion des talents inhérents en chaque individu et la préservation des libertés individuelles dont leur défense mériterait qu’on sacrifie sa vie.
Pouvait-il en être autrement du régime actuel ? En effet, c’est depuis son accession à la tête de la magistrature suprême, qu’on attendait que cette volonté de lutter contre l’arbitraire et l’impunité soit affichée au grand jour. Je me rappelle avoir entendu Abdoulaye WADE en 1998, opposant à l’époque, décrier l’arrimage du président de la république d’alors au parti socialiste : Abdou DIOUF. A l’époque tout heureux de voir WADE au pouvoir, un ainé m’a fait comprendre qu’il n’y a que changement d’homme et non pas de système ; chose que j’ai récusée avec la dernière énergie. Ce n’est qu’un acte posé, et il pouvait bénéficier de grâces ; disais-je. Malheureusement, ceux-ci ont jalonné le Sénégal de 2000 à 2011. On attend toujours qu’il démissionne de son poste de secrétaire général PDS. La gestion de L’ANOCI a fait coulé beaucoup d’encre et de salive, aucune démarche allant dans le sens de l’auditer n’a abouti. Macky SALL en a fait les frais. A la place de la lutte contre l’arbitraire, on assiste une partialité totale. Un premier élément pour lequel le citoyen se doit de revendiquer le respect de ses droits.
Un autre élément qui permet d’apprécier l’état de droit est l’organisation d’élections transparentes assurant une égalité de chances à tous les candidats. Je comprends que le débat actuel est que le pouvoir puisse mettre en place des bases assurant des joutes électorales limpides et neutres rassurant toute la classe politique et assurant un climat pré et post électoral apaisé. Les requêtes de l’opposition sont légitimes puisqu’on lui demande de reconduire le même dispositif qui lui a permis d’être au pouvoir : une commission électorale indépendante et un ministre de l’intérieur neutre comme en 2000. Si Abdou DIOUF avait accédé à cette demande, Abdoulaye WADE est resté campé sur ses positions. La question de la limitation du mandat et la possibilité pour Wade d’en faire un troisième est un débat qui n’honore pas notre pays. Ne se targuait-il pas d’être le seul président élu au suffrage universel auprès de ses paires. La question majeure est pourquoi en sommes-nous là ? En guise de réponse, reprenons les propos de l’un des initiateurs de l’IDEWA (Initiative pour le Départ de WADE), titré par un journal de la place, devenu aujourd’hui ministre et griot de celui pour qui il demandait farouchement le départ : « Si WADE quitte le pouvoir nous irons tous en prison ». « Fou tooy gnou taak » Lui et les autres, adversaires d’hier et compagnons d’aujourd’hui, artisans de la débâcle socialiste de 2000, se battent bec et ongle pour un 3éme mandat de WADE. S’il est étonnant qu’il soit toujours ministre, il n’est point surprenant de le voir se cramponner telle une araignée aux vestiges du dernier mandat de son mentor. Dans les pays où la démocratie s’exprime librement, la justice serait mise en branle pour compte rendu au peuple. Tout compte fait, il est du ressort des gouvernants de définir clairement les règles du jeu de façon à ce que l’arbitre puisse statuer convenablement sur les litiges pouvant se dessiner. La question avait été réglée en 2007, « j’ai verrouillé la constitution. Je ne peux pas avoir un 2ème mandat ». Il est vrai que le rôle de l’Etat est le maintien de l’ordre public et la défense de la sécurité des citoyens. Cela passe par le fait que l’arbitre se conforme à son dessein premier qui est de limiter le nombre de mandats à deux, tout en jouant pleinement sa mission régalienne.
Il est encore temps pour la mouvance présidentielle, y compris l’opposition dans toutes ses composantes, d’assurer un rééquilibrage et un recentrage du débat. Hegel qui conçoit l’état comme l’œuvre achevée de l’histoire, a toujours préconisé qu’en cas de conflit, il appartient aux représentations de la classe politique de le déceler, de le comprendre et de le résoudre avec la satisfaction générale. Comprendre cela, c’est comprendre que l’Etat c’est Nous : le peuple. Affirmer que force reste à la loi, c’est percevoir que la force reste au peuple.


Samba DIAW
Coordonnateur au MAFIS (Mouvement And Fal Idrissa Seck 2012)
776517637
Sociologue, consultant
Expert en Dialogue Social
Expert en GRH
Vendredi 4 Novembre 2011
Samba DIAW