Peut-on, vraiment, en finir avec le chômage et le sous emploi au Sénégal ? (Tamba Danfakha)

Au moment où on s'apprete à aller aux elections et à entendre toute sorte de propos démagogiques sur l'emploi, il est souhaitable de poser le débat et d'inviter à la reflexion autour d'une problématique qui est tout sauf simple à traiter


Le chômage et le sous emploi sont les résultats d’une logique économique implacable : produire plus avec le moins de ressources possibles (dont celles humaines), pour exister face à la concurrence. Cela s’appelle du capitalisme.

Certes le système « socialiste » de l’ancien Bloc de l’Est, qui a disparu avec la chute du mur de Berlin en 1989, avait réussi à réaliser le plein emploi, donc à faire disparaitre toute situation de chômage. Pourtant, malgré ce miracle là, les systèmes politiques qui l’ont réalisé ont été balayés de la surface de la terre comme des « malpropres ».

Dans un système capitaliste, qui est, aujourd’hui, le système dominant sur la planète terre, le chômage et le sous emploi sont donc inévitables car étant les résultantes d’une logique économique particulière. Dès lors, comme le Sénégal a le malheur de se trouver dans ce pétrin là, le chômage et le sous emploi pourraient sembler inévitables.

Mais si nous acceptons les choses sous ce rapport là, nous sommes en droit de nous demander pourquoi perdre alors tant de ressources à lutter contre l’inéluctable ?

Malheureusement, pour nous, nous constatons, tous les jours, les conséquences de ces fléaux sur notre existence et sur la vie de personnes qui nous sont chères : les jeunes, nos enfants, nos frères et nos sœurs obligés qu’ils sont de mettre leurs rêves en bandoulière et de se laisser consumer dans l’insignifiance sociale ou dans les tentations les plus périlleuses.

Si, théoriquement, nous butons sur une impasse, l’inéluctabilité du chômage et du sous emploi du fait de la logique de fonctionnement du système capitaliste, il faudrait, alors, choisir de nouveaux paradigmes (hypothèses) pour refonder notre système de croyances de manière à nous ouvrir de nouveaux champs du possible.

Cependant ne pouvant changer, par un coup de baguette magique, le système économique (d’aucuns diraient l’ordre économique mondial), il nous est possible de faire quelques observations précises et, partant de là, ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion, d’abord, et, ensuite à l’action.

Premier constat : la réalité du chômage et du sous emploi dans les pays développés diffère de celle de nos pays sous développés. En effet, la productivité est tellement élevée et les richesses accumulés et accumulables tellement importantes qu’il est possible de «maintenir », durablement, l’illusion chez les victimes que « ce n’est qu’un mauvais moment à passer » et cultiver, sans peine, la naïveté chez la grande masse autour de l’idée que les victimes au fond, ne sont que des « grands blessés de la vie ou qui n’ont pas eu beaucoup de chance» . Dans tous les cas, quand on vit dans un pays développé, on a le sentiment, ce n’est pas toujours faux, que l’incapacité à trouver un emploi valorisant relève de la responsabilité personnelle : d’où l’idée de « travailler sur soi » ou de « pouvoir se vendre ». Evidement tout cela a un sens dans une société d’abondance mais reste totalement vide de signification dans des sociétés comme la notre où « tout est manque ».

Deuxième constat : nous ne pouvons, ou, en tout cas, nous ne devrions pas, faire comme les pays développés pour nous en sortir. Ils ont construit leur richesse sur de graves ignominies (traite négrière, guerres génocidaires et atrocement meurtrières) et sans aucun respect de l’environnement et de l’intérêt des générations futures. De ce point de vue, leurs solutions ne peuvent pas être les nôtres.

Troisième constat : il y a une extrême urgence à trouver une issue à la situation de désolation et de non emploi dans laquelle se trouve, aujourd’hui, notre jeunesse.

Ainsi, pour en finir avec le chômage et le sous emploi, je propose que l’on pose deux postulats (croyances non démontrées) et je voudrais, à partir de là, suggérer trois actions qui seraient, à mon avis, de nature à faire bouger les lignes actuelles du possible.

Postulat 1 : « ce sont les individus créateurs et entreprenants qui sont le moteur de l’histoire ». En effet, ce sont les individus les plus sains de nos sociétés qui créent la richesse, qui créent les emplois ; c’est donc, eux qu’il faut promouvoir, valoriser et soutenir. C’est pourquoi, les efforts des pouvoirs publics devraient aller, prioritairement, vers eux et non vers les « plus faibles ou les têtes brulées». Un état n’a pas être « généreux » avec des ressources qui ne lui appartiennent pas, il lui appartient d’être efficace, tout simplement.

Postulat 2 : « c’est en améliorant la productivité des individus que l’on réussira à combattre la situation de manque chronique ». Car, nous le savons tous, c’est la pauvreté, les situations de pénurie et d’impasses qui créent chez nos jeunes tant de désespoirs et les poussent vers des solutions extrêmes.

Partant de ces constats, je voudrais suggérer, de manière succincte, trois actions urgentes

Premièrement

Encourager l’esprit d’entreprise chez les jeunes

Pour ce faire, il importe d’envisager des actions à court termes qui seraient toutes tournées vers l’accompagnement psychologique et méthodologique ou vers la création de défis nationaux pour les jeunes en leur confiant des projets valorisants. Et pour espérer obtenir des résultats durables, il importe que les mentalités changent, que le contenu de l’éducation offre aux jeunes plus de confiance en soi, que la société soit plus tolérante envers ceux qui échouent de bonne foi et que soit cultivé, très tôt, la culture de la rationalité.

Deuxièmement

Fonder une société des initiateurs

Pour ce faire, orienter les ressources existantes vers les individus les plus sains de nos sociétés de manière à leur permettre de les valoriser davantage au profit du plus grand nombre. Dans cette logique, je trouve totalement contreproductif que les pouvoirs publics continuent de faire « l’aumône » avec les maigres ressources que les acteurs économiques mettent à leur disposition.

Troisièmement

Renoncer à l’aide publique au développement.

Après plus de cinquante ans d’indépendance, nous devons comprendre, maintenant, que l’aide au développement venant des pays du nord n’est qu’un piège économique et politique qui tend à maintenir le statut quo

Au demeurant, je crois que pour lutter, efficacement, contre le chômage et le sous emploi dans notre pays il faudrait, d’abord, plus faire appel aux philosophes et moins aux économistes, aux politiques moins aux experts : il s’agit de donner du sens aux choses, de créer l’envie chez nos jeunes de leur donner le goût du travail bien fait et de l’engagement militant.

Hors de ce schéma, il sera encore difficile de sortir de l’ornière actuelle dans laquelle nous végétons si cruellement.


Tamba Danfakha
Président du mouvement d'initiatives pour la renaissance africaine
talantamba@yahoo.fr
Jeudi 17 Novembre 2011
Tamba Danfakha