Paris pousse les rebelles à négocier avec Kadhafi


VIRAGE STRATÉGIQUE | Fer de lance de l’opération militaire de l’OTAN, la France est la première à briser le tabou

«Nous leur demandons de parler entre eux, de se mettre autour d’une table.» C’est un pavé que Gérard Longuet jette dans la mare libyenne. S’exprimant dimanche soir sur la chaîne BFM, le ministre français de la Défense a estimé que la démonstration est faite: «il n’y a pas de solution de force» et les rebelles ne doivent plus exiger la défaite de Muammar Kadhafi avant d’entamer des pourparlers. Il suffit que le colonel soit «dans une autre pièce de son palais, avec un autre titre».
 
Bref, l’Hexagone arrondit les angles. Quitte à brusquer les forces rebelles et le Conseil national de transition (CNT). L’intransigeance n’est plus de mise après quatre mois d’un conflit qui a déjà coûté à la France 70 millions d’euros en munitions et 27 millions en salaires. Ce qui devait n’être qu’une guerre éclair commence à s’enliser dangereusement pour un Nicolas Sarkozy entré en précampagne présidentielle…
 
Tripoli tiendrait déjà de «véritables négociations» avec Paris, assure Seïf al-Islam Kadhafi, le fils du colonel, dans une interview publiée hier par le quotidien algérien El Khabar. Selon lui, en cas d’accord, la présidence française imposerait un cessez-le-feu aux forces rebelles. Des affirmations démenties, hier, par le porte-parole du Ministère français des affaires étrangères, Bernard Valero. «Il n’y a pas de négociations directes entre la France et le régime de Kadhafi, mais nous lui passons des messages, en liaison avec le CNT et nos alliés. Ces messages sont simples et sans ambiguïté: toute solution politique passe par le retrait de Kadhafi du pouvoir et son renoncement à tout rôle politique.»
 
Il reste que la position de la France semble se rapprocher de la feuille de route présentée le 30 juin par l’Union africaine (UA). Cessez-le-feu, adoption d’un calendrier de transition démocratique, déploiement de Casques bleus de l’ONU... Le tout, bien sûr, en échange de garanties d’immunité pour Kadhafi et ses proches.
 
Grand manipulateur
Le régime aurait laissé entendre que le colonel se retirerait volontiers dans sa ville natale de Syrte, selon Asharq al Awsat, quotidien saoudien édité à Londres. Mais il pourrait aussi s’exiler n’importe où sur le continent, puisque les 53 membres de l’UA se refusent à respecter le mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale.
 
Un tel scénario de sortie de crise, s’il est soutenu par Moscou et Pékin, divise profondément les rebelles libyens. Certes, tout le monde assure que Kadhafi quittera le pouvoir. Mais comment faire confiance au «Guide», champion incontesté de la manipulation? Le président sud-africain, Jacob Zuma, qui mène la médiation au nom de l’Union africaine, a demandé à l’OTAN de convaincre le CNT d’abandonner les conditions posées à l’ouverture d’un dialogue avec le régime Kadhafi.
 
Apparemment, le message a été entendu à Paris.
Lundi 11 Juillet 2011