Nos députés ont-ils perdu la capacité de dire NON à l'argent?


Avant et pendant la campagne électorale pour les législatives 2012,  les hommes politiques ont beaucoup parlé de la mise en place d’une Assemblée Nationale de rupture. Une Assemblée Nationale qui sera différente. Totalement différente de ses précédentes. Avec des hommes et de femmes d’un bon niveau scolaire capables d’apprécier à leurs justes valeurs les textes de lois qui seront soumis à leur appréciation  et au vote. Des hommes et des femmes de qualité. L’intention était bonne. Mais elle n’est pas nouvelle. La volonté de changement est propre à l’homme. L’essentiel est de changer ce qui doit être changé.
Au fait, le bas niveau de certains députés fut  et reste le problème le plus déploré au Sénégal depuis Senghor en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. En vérité, pourvu que l’on soit porteur de voix, on pouvait et on peut toujours devenir député. Par ailleurs, en plus de ce vieux problème qui a encore de beaux jours devant lui tant que les intellectuels ne s’engageront pas en politique, vient s’ajouter un autre problème d’ordre moral et éthique c’est à dire celui de la décision prise par l’Assemblée Nationale de donner la rondelette somme de cent milles FCFA à chaque député à l’occasion du mois de ramadan pour acheter du sucre.
Peut être qu’on a socialement investi sans le vouloir probablement aux députés un rôle de secours et de régulateur social que nos présents textes juridiques n’ont pas pris en charge. Qu’est ce qu’on observe dans les faits ?
Certaines personnes militantes  de parti ou pas ont la manie de tendre la main.  En se servant du manteau de militant, elles harcellent les députés peut être malgré elles.  Quand il y a baptême, on va voir le député. Quand il y a décès, on va voir le député. Quand il y a mariage, on va voir le député.  Quand on a une ordonnance qu’on n’arrive pas à payer, on va voir le député.  Enfin, face à la demande sociale, le député se substitue à l’Etat là où l’Etat n’existe pas ou est absent c'est-à-dire dans le champ social. Pour autant, est ce que cela justifie t’il  le fait de donner de l’argent aux députés sans une base légale ?
 On observe pour la première fois que le parti du président de la république a la minorité des députés à l’Assemblée Nationale. Encore plus étrange, on retrouve à la tête de l’hémmicycle une personne qui n’est pas du même parti que le président de la république. Bref !  Au vu  de la composition de la présente législature, on avait espoir que celle-ci serait différente des précédentes qui avaient fini par ternir l’image du député. En décidant d’octroyer cent milles francs CFA de « sukurukor »  à nos honorables députés, l’Assemblée Nationale a commis une erreur qui participe a entamé sérieusement son image. Le député n’est pas n’importe qui. Le député n’est pas quelqu’un de pitoyable. C’est lui qui vote les lois. C’est lui qui est investi du pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale Sa fonction est régie par nos lois et règlements.
 
Au Sénégal, le député est élu pour cinq ans sur la base d’une liste de parti ou de coalition de partis.  Il a un salaire mensuel honorable, un véhicule 4x4, des bons d’essence, un passeport diplomatique. Il est souvent maire ou conseiller municipal et député à la fois. Enfin, il a une indemnité de logement de cent cinquante milles francs Cfa. Dans son rôle, il est sensé représenter, défendre les intérêts des populations en tant que délégué de celles-ci à l’Assemblée Nationale. Par ailleurs, il est chargé du contrôle de l’action gouvernementale. Il vote non seulement les lois proposées par le gouvernement mais aussi est doté en même temps du pourvoir de faire une proposition de loi.
Laconiquement, le rôle du député du point de vu du droit et de l’action politique est hautement important. Toutefois, force est de constater que depuis plusieurs années, le rôle du député fait l’objet de beaucoup de débats dans les médias parfois virulents, injustes voire même calomnieux. Cela montre tout l’intérêt que les populations accordent au rôle du député et de sa mission dans un pays démocratique. Ce  qui me semble certain sur ce chapitre est qu’il y a une sorte de  consensus autrement dit un dénominateur commun entre les différentes perceptions et sentiments qui fusent de tous les espaces et de catégories de personnes qui s’intéressent peu ou prou du rôle et du travail du député à l’Assemblée Nationale.
Au résultat, le sentiment le mieux partagé est que l’on n’a pas encore le genre de député que l’on souhaiterait avoir à l’Assemblée Nationale. Car l’attitude que le député devrait avoir, souvent, il ne l’a pas pour moult raisons. Le travail qu’il devrait faire, il ne le fait pas.  Peut-être par contrainte ou par manque de marge de manœuvre.  Mais, cela ne veut pas dire grosso modo que l’on ne compte pas parmi les députés de notre auguste Assemblée Nationale des personnalités indépendantes, integres et justes.
Le député est il libre de son parti politique au point de mettre en avant la patrie avant le parti?
Peut-il faire fi de son appartenance politique et n’obéir qu’à sa conscience lors du vote des lois ou en prenant des initiatives pour l’intérêt général qui vont à l’encontre des intérêts de son parti?
La démocratie est une question de nombre et non de justice. Etant  donc  une question de nombre, la majorité l’emporte toujours sur la minorité. Député, pour ce titre, il bénéficie en conséquence de privilèges juridique, matériel et financier aux fins de mener à bien sa mission. Ce qui est choquant, ce n’est le montant qu’on leur a donné mais plutôt l’attitude que nos députés ont eu face cet argent eu égard la noblesse de leur fonction et de leur  rôle prépondérant. Personne d’entre eux  n’a dit non  à cet argent dont ils savent ne fait pas parti de leur salaire. Un député n’est pas n’importe qui. N’étant pas n’importe qui,  il ne doit pas accepter n’importe quel argent. Accepter cet argent c'est-à-dire les cent milles FCFA « Sukurukor » c’est de se soumettre au pouvoir du vau d’or. Se soumettre au vau d’or, c’est soumettre notre pays à tous les risques possibles.
 Chargé de contrôler l’action gouvernementale, doté du pouvoir de voter les lois, dans ce contexte, lorsque le député  perd la capacité de s’indigner, de se révolter, lorsqu’il perd la capacité de dire non à l’argent juridiquement injustifié et moralement condamnable (100.000 FCFA « Sukurukor ») les intérêts des populations qu’il représente et la république dans laquelle il officie sont  menacés voire même en dangers.  
Au finish, lorsque nos députés ne peuvent pas s’empêcher de prendre de l’argent qui n’est ni leur salaire ni le fruit d’une prestation quelconque liée à leurs compétences professionnelles, il y a lieu de s’interroger objectivement sur l’avenir de notre  Assemblée Nationale.
Fut-il tiré des fonds politiques ou ailleurs en acceptant d’empocher cet argent nos députés  se sont baissés à un niveau très bas de l’échelle sociale alors qu’ils sont très haut placés. Quant à l’honorable député Djiba KA invité de l’émission Opinion sur Walfadjiri tv du Dimanche 11 Aout 2013 a affirmé  en ce qui le concerne avoir distribué ses cent milles francs Cfa avant même d’arriver à la maison.  Je présume que beaucoup de députés comme lui ont utilisé de la même façon  peut être à quelques exception près les cent milles francs qu’ils ont perçues de l’Assemblée Nationale.
Le député n’est pas n’importe qui.
Le député ne doit pas accepter n’importe quoi. Il doit toujours garder sa capacité de s’indigner et de dire non face à la pression du vau d’or. Cette pratique n’honore pas notre pays. Elle doit cesser d’être pratiquée au niveau de nos institutions.
Vive la république !
Vive le Sénégal !
Baba Gallé DIALLO

 
Jeudi 15 Aout 2013
Daddy Diop