L’économiste Moubarack Lô retrace ici l’origine et le parcours de ces acteurs économiques plus connus sous le sobriquet de Baol-Baol. Soulignant le rôle important de ces commerçants qui, selon lui, sont les plus grands contributeurs de l’impôt, l’économiste demande à l’Etat d’aménager à ces petits entrepreneurs des politiques dédiées et de ne pas juste noyer le soutien qu’il leur accorde dans une grande stratégie de développement des Pme.
Wal Fadjri : Pouvez-vous nous situer dans le temps la présence des commerçants dits Baol-Baol à Dakar ?
Moubarack Lô : Traditionnellement, les Baol-Baol, dont les premiers provenaient du centre du pays et de l’ancienne province du Baol en particulier (l’actuelle Région de Diourbel), s’opposaient aux négociants et commerçants libano-syriens qui, pendant longtemps, ont monopolisé le secteur du commerce et de la traite au Sénégal. L’émergence et le développement du commerce Baol Baol a de facto obligé les Libano-syriens à se déployer vers d’autres branches d’activités comme l’industrie et la restauration, même si certains d’entre eux maintiennent une forte présence dans certains créneaux du commerce de haut de gamme.
Au-delà de l'aspect géographique, le terme Baol-Baol ne peut-il pas renvoyer à une idéologie, étant donné que d'autres commerçants, non originaires de la zone du Baol, sont ainsi nommés ?
Dans la conscience populaire, le terme Baol Baol désigne un acteur économique, très souvent né dans le monde rural, de culture mouride et déterminé à réussir, très rapidement à saisir les opportunités d’affaires qui se présentent, tout en étant informel dans sa manière de gérer ses activités. Mais, il est évident que, comme tout autre terme générique, le concept de Baol Baol dépasse aujourd’hui de loin l’acception populaire et tous les commerçants du secteur informel, au-delà de leur confrérie ou de leur origine géographique, sont désignés par le terme de Baol Baol.
Ayant débutés, pour la plupart, par de petits métiers, ces commerçants sont aujourd'hui propriétaires de quincailleries, de grandes boutiques... N'est-ce pas là une preuve que les petits métiers peuvent être facteur de développement économique ?
Dans les faits, la plupart des grands commerçants actuels ont, dans leur jeunesse, quitté les champs et l’école coranique pour venir à Dakar comme simples vendeurs à la sauvette ou assistants dans des boutiques et commerces tenus par des parents proches. Ils ont pu, grâce à la sueur de leur front, accumuler une épargne et investir dans des activités de diversification, y compris dans le domaine industriel. Serigne Mboup du groupe Ccbm en est le meilleur exemple aujourd’hui. C’est là une preuve éclatante que l’émergence économique et le développement endogène peuvent éclore à partir d’une saine promotion des petits entrepreneurs locaux, qu’ils soient actifs dans le commerce ou dans l’artisanat, et pas uniquement des grandes entreprises étrangères. C’est ainsi que Taïwan a réussi à devenir un pays émergent.
Il revient donc à l’Etat d’aménager à ces petits entrepreneurs des politiques dédiées et de ne pas juste noyer le soutien qu’il leur accorde dans une grande stratégie de développement des Pme. Qui, très souvent, ne profite qu’aux plus grandes d’entre elles et au détriment de celles qui en ont le plus besoin. Ceci doit être corrigé au plus vite.
Quel est le poids économique de ces commerçants Baol-Baol ?
Les Baol-Baol sont les plus grands contributeurs de l’impôt, en raison de leur préséance dans le secteur de l’importation qui génère de grandes recettes en matière de fiscalité indirecte. Ceci est très rarement souligné. Mais au-delà de la simple transaction commerciale, il convient d’encourager activement leur implication dans l’investissement industriel, domaine dans lequel ils sont encore très peu présents. L’exemple de la Malaisie avec sa politique de promotion de l’entrepreneuriat en faveur des Bumiputera (gens de la terre), dont l’Afrique du Sud post-apartheid s’est inspirée, pourrait être étudié par le Sénégal, en vue de mieux faire bénéficier aux hommes d’affaires sénégalais des opportunités économiques, y compris les privatisations. A cet effet, la clé du succès réside dans une forte alliance entre les commerçants, qui possèdent les capitaux, et les diplômés qui ont avec eux les idées et les compétences en management.
Wal Fadjri : Pouvez-vous nous situer dans le temps la présence des commerçants dits Baol-Baol à Dakar ?
Moubarack Lô : Traditionnellement, les Baol-Baol, dont les premiers provenaient du centre du pays et de l’ancienne province du Baol en particulier (l’actuelle Région de Diourbel), s’opposaient aux négociants et commerçants libano-syriens qui, pendant longtemps, ont monopolisé le secteur du commerce et de la traite au Sénégal. L’émergence et le développement du commerce Baol Baol a de facto obligé les Libano-syriens à se déployer vers d’autres branches d’activités comme l’industrie et la restauration, même si certains d’entre eux maintiennent une forte présence dans certains créneaux du commerce de haut de gamme.
Au-delà de l'aspect géographique, le terme Baol-Baol ne peut-il pas renvoyer à une idéologie, étant donné que d'autres commerçants, non originaires de la zone du Baol, sont ainsi nommés ?
Dans la conscience populaire, le terme Baol Baol désigne un acteur économique, très souvent né dans le monde rural, de culture mouride et déterminé à réussir, très rapidement à saisir les opportunités d’affaires qui se présentent, tout en étant informel dans sa manière de gérer ses activités. Mais, il est évident que, comme tout autre terme générique, le concept de Baol Baol dépasse aujourd’hui de loin l’acception populaire et tous les commerçants du secteur informel, au-delà de leur confrérie ou de leur origine géographique, sont désignés par le terme de Baol Baol.
Ayant débutés, pour la plupart, par de petits métiers, ces commerçants sont aujourd'hui propriétaires de quincailleries, de grandes boutiques... N'est-ce pas là une preuve que les petits métiers peuvent être facteur de développement économique ?
Dans les faits, la plupart des grands commerçants actuels ont, dans leur jeunesse, quitté les champs et l’école coranique pour venir à Dakar comme simples vendeurs à la sauvette ou assistants dans des boutiques et commerces tenus par des parents proches. Ils ont pu, grâce à la sueur de leur front, accumuler une épargne et investir dans des activités de diversification, y compris dans le domaine industriel. Serigne Mboup du groupe Ccbm en est le meilleur exemple aujourd’hui. C’est là une preuve éclatante que l’émergence économique et le développement endogène peuvent éclore à partir d’une saine promotion des petits entrepreneurs locaux, qu’ils soient actifs dans le commerce ou dans l’artisanat, et pas uniquement des grandes entreprises étrangères. C’est ainsi que Taïwan a réussi à devenir un pays émergent.
Il revient donc à l’Etat d’aménager à ces petits entrepreneurs des politiques dédiées et de ne pas juste noyer le soutien qu’il leur accorde dans une grande stratégie de développement des Pme. Qui, très souvent, ne profite qu’aux plus grandes d’entre elles et au détriment de celles qui en ont le plus besoin. Ceci doit être corrigé au plus vite.
Quel est le poids économique de ces commerçants Baol-Baol ?
Les Baol-Baol sont les plus grands contributeurs de l’impôt, en raison de leur préséance dans le secteur de l’importation qui génère de grandes recettes en matière de fiscalité indirecte. Ceci est très rarement souligné. Mais au-delà de la simple transaction commerciale, il convient d’encourager activement leur implication dans l’investissement industriel, domaine dans lequel ils sont encore très peu présents. L’exemple de la Malaisie avec sa politique de promotion de l’entrepreneuriat en faveur des Bumiputera (gens de la terre), dont l’Afrique du Sud post-apartheid s’est inspirée, pourrait être étudié par le Sénégal, en vue de mieux faire bénéficier aux hommes d’affaires sénégalais des opportunités économiques, y compris les privatisations. A cet effet, la clé du succès réside dans une forte alliance entre les commerçants, qui possèdent les capitaux, et les diplômés qui ont avec eux les idées et les compétences en management.