Me Amadou Aly Kane au procureur : “Quand le Sénégal exploitera son gaz, vous aurez un vrai Boko Haram”


A l'image de ses confrères, Me Amadou Aly Kane a “relevé” des vices de forme dans l'affaire des présumés jihadistes. Le premier élément constaté par l'avocat a trait à l'abrogation des dispositions 279.1 à 279. 5 de la loi de 2007, remplacées par le titre II du livre III du nouveau code de procédure pénal de novembre 2016. 
Selon lui, dès lors qu'il y a abrogation, l'action publique s'éteint. Me Kane a, à cet effet, demandé au juge de tirer toutes les conséquences de droit qui s'imposent. Me Amadou Aly Kane s'est ensuite attaqué à ce qu'il qualifie d'absence de faits dans le dossier. “Dans cette affaire, il n'y a pas de faits”, a-t-il décrié.
Cette amorce conduit l'avocat à disculper son client qu'il présente comme une victime. “Lamine Coulibaly est un 'kaw-kaw' arrivé à Dakar à l'âge de 20 ans avec une faible expérience de la vie. Avec un niveau d'instruction faible, il s'installe dans un milieu avec des personnes plus aguerries. C'est dans ces conditions qu'il a lui a été proposé d'aller au Niger et non au Nigéria”, fait remarquer l'avocat. Qui ajoute : “Mon client ne s'est pas rendu chez Boko Haram. Il s'est retrouvé chez Boko Haram”. Groupe jihadiste dont son client ne partageait pas la vision de l'Islam. C'est pour cette raison, enchaîne Me Kane, que Lamine Coulibaly a repris le chemin du retour en compagnie d'autres Sénégalais. 
Selon l'accusation, Lamine Coulibaly a subi une formation militaire et aurait pris part à des combats ayant opposé Boko Haram à l'armée nigériane. Son avocat ne se contente pas de botter cette accusation en touche. Il tente de le justifier si jamais il s'avérait que son client a, en vérité, porté main forte à Boko Haram. “Dans la forêt de Sambisa, il n'y a pas de démocratie. Est ce qu'il avait la liberté de choisir ? Même pour rentrer au Sénégal, il a fallu négocier avec Shekau”, essaie-t-il de dédouaner le natif de Bokijawé. 
L'avocat en vient aux conditions du retour et met en lumière l'attitude de l'Etat du Nigéria qui plaide en faveur de l'innocence de son client. “ L'État du Nigéria ne les a pas jugés. S'ils avaient commis des actes de terrorisme, le Nigéria n'allait pas les laisser partir. Ils ont été remis à l'ambassadeur sans aucun dossier. L'ambassadeur qui les a recueillis a affrété un avion pour les rapatrier”, renseigne la robe noire. Et de poursuivre : “ Ils sont passés par la Douane, la gendarmerie et ils n'ont pas été inquiétés. Arrivé en septembre 2015, il part dans son village. Il ne parle avec personne. On lui a même proposé d'aller en Libye, il a refusé”. Pour l'avocat, le Sénégal s'emporte pour rien. A son avis, notre pays n'aura affaire à des jihadistes que lorsqu'il commencera à exploiter son gaz. Il se tourne vers le procureur et lui balance : “Là, vous aurez du boulot”.
Même s'il n'y a rien de marrant dans cette phrase qui accrédite la thèse selon laquelle c'est l'Occident qui tirerait les ficelles pour ses intérêts, l'avocat ne semble en avoir cure et embraie en s'adressant au président de la chambre criminelle : “Savez-vous combien de Sénégalais sont encore dans les rangs d'Al Nosra et de Daesh. Si vous condamnez ces gens, ils reviendront pour les venger. Mais si vous les relâchez, ils comprendront qu'ils peuvent rentrer et reprendre le cours normal de leur vie. Permettez à ces jeunes de rentrer sagement chez eux...”

 
Jeudi 24 Mai 2018




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