Libéré le mercredi 11 janvier par la grâce présidentielle d’Abdoulaye Wade, le responsable de Convergence socialiste, Malick Noël Seck revient sur son combat politique et sa détention.
Le 20 octobre 2011 Malick Noël Seck avait été condamné à deux ans de prison ferme au Sénégal, pour « outrage à magistrat et menace de mort », après avoir déposé une lettre au Conseil Constitutionnel dans laquelle il demandait à ses juges de ne pas valider la candidature d'Abdoulaye Wade à l'élection présidentielle du 26 février. Moins d’une semaine après sa libération, le responsable de Convergence socialiste revient sur son combat politique et sa détention.
Jeune Afrique : que signifie pour vous cette grâce présidentielle ?
Malick Noël Seck : la grâce est consubstantielle de l’accusation. Elle ne repose sur rien. Je ne l’ai jamais réclamée et je ne l’aurais jamais acceptée si l’on m’avait laissé le choix. Si je mérite la grâce présidentielle, pourquoi me l’accorder à un mois de ma libération ? Il aurait été plus efficace pour Abdoulaye Wade de me l’accorder après le premier verdict !
Pensez-vous avoir été jugé pour l'exemple ?
Aucune des incriminations ne se justifiaient. L’accusation de « violence et voies de faits » n’était pas crédible puisque notre action était non violente : elle a été menée en pleine journée et filmée par une chaîne de télévision. L’outrage à magistrat est une incrimination qui vise celui qui est coupable d’avoir porté atteinte à un magistrat dans l’exercice de ses fonctions. Là encore, on ne connaîtra jamais l’identité de celui qui a été offensé puisque personne n’a porté plainte.
Comment s'est passée votre détention à Dakar puis à Tambacounda (dans le sud-est du Sénégal) ?
Au camp pénal à Dakar on m'a fait dormir dans le lit de Cledor Séne, l’un des assassins du Juge Sèye, qui lui aussi bénéficia d’une grâce de la part de Wade. On est venu me réveiller un soir dans ma cellule au camp pénal pour me déporter à Tambacounda. J’y arrive à cinq heures du matin avec une orange et une bouteille d’eau pour les prochaines trente-cinq heures. Ma cellule était au pavillon des mineurs, qui est une vraie fausse sceptique à l'odeur épouvantable. Des centaines de cafards et de rats longeaient les murs.
Allez-vous continuer le combat politique ?Oui, le combat pour la transparence de l’État, pour une amélioration de nos conditions d’existence, pour restaurer la dignité nationale parce qu’il fût un temps ou le Sénégal était un exemple, une vitrine. Ce combat là, je m’engage à le poursuivre en faisant des émules.
S’il faut promettre une compensation financière, louer des camions, offrir des T-shirts et rouler en 4X4 pour que les populations viennent à vos meetings, cela n’en vaut pas la peine. Abdoulaye Wade va laisser derrière lui une culture mafieuse, une culture de l’impunité.
Allez-vous continuer à mettre la pression sur le Conseil constitutionnel, qui doit décider le 26 janvier prochain de la validité des candidatures pour les élections présidentielles ?
L’action envers le Conseil Constitutionnel était destinée à attirer l’attention des citoyens sur la nature même de l’institution. Je suis allé chez Cheikh Tidiane Diakité (le président du Conseil constitutionnel, NDLR) pour lui rappeler ce principe : nul n’est au dessus de nos lois. Or les membres du Conseil constitutionnel ont fait le serment contenu dans l’article 7 de la loi organique régissant la juridiction constitutionnelle de « ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil ».
Ils ne pouvaient donc se livrer à un séminaire dont les conclusions devaient, de leur propre aveu, être remises au président de la République lui-même, sans violer leur serment. J’ai fait ce que ma conscience me dictait. Il appartient maintenant aux Sénégalais de réagir par rapport au mal qu’on leur fait.
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