La junte au pouvoir au Mali a annoncé lundi soir rompre les accords de défense avec la France et ses partenaires européens, nouvelle manifestation de la dégradation des relations entre Bamako et ses anciens alliés dans le combat contre les jihadistes.
Mettant à exécution une menace brandie depuis des mois, les autorités dominées par les militaires arrivés au pouvoir par la force en août 2020 ont annoncé "dénoncer" les Accords de statut des forces (Status of Force Agreements, ou Sofa) fixant le cadre juridique de la présence au Mali des forces française Barkhane et européenne Takuba, ainsi que le traité de coopération en matière de défense conclu en 2014 entre le Mali et la France.
Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, a invoqué les "atteintes flagrantes" de la part de la France, engagée militairement dans le pays depuis 2013, à la souveraineté nationale.
Il a cité "l'attitude unilatérale" de la France lorsqu'elle a suspendu en juin 2021 les opérations conjointes entre les forces françaises et maliennes, l'annonce en février 2022, "encore sans aucune consultation de la partie malienne", du retrait des forces Barkhane et Takuba, et les "multiples violations" de l'espace aérien par les appareils français malgré l'instauration par les autorités d'une zone d'interdiction aérienne au-dessus d'une vaste partie du territoire.
"Eu égard à ces insuffisances graves ainsi qu'aux atteintes flagrantes à la souveraineté nationale du Mali, le gouvernement de la République du Mali décide de dénoncer le traité de coopération en matière de défense du 16 juillet 2014", a-t-il déclaré.
Les autorités maliennes ont notifié cette dénonciation lundi après-midi aux autorités françaises et elle prendra effet six mois après cette notification, a-t-il précisé.
En revanche, c'est avec "effet immédiat" que les autorités maliennes dénoncent le Sofa de mars 2013 encadrant l'engagement de la force française Serval, puis Barkhane, ainsi que le protocole additionnel de mars 2020 s'appliquant aux détachements européens de Takuba, le regroupement d'unités spéciales européennes initié par la France, a-t-il dit.
Aucune réaction officielle n'a été obtenue dans un premier temps à Paris.
La dénonciation du Sofa aura-t-elle des répercussions sur le retrait en cours de Barkhane, annoncé en février en point d'orgue à des mois d'escalade des tensions? La question se pose alors que ce retrait, grosse et dangereuse opération, est censé s'échelonner sur quatre à six mois.
- "Attaque informationnelle" -
L'annonce des autorités maliennes envenime encore les relations entre deux anciens alliés qui ont combattu ensemble la contagion jihadiste partie du nord de ce pays pauvre et enclavé. Elle a depuis gagné le Niger et le Burkina Faso voisins, et menace de s'étendre encore plus au sud jusqu'au Golfe de Guinée. Elle a fait au Mali des milliers de morts, civils et combattants, et laissé le pays proche de sombrer, de l'aveu même des autorités.
Les rapports se sont dégradés entre Bamako et Paris après le second coup d'Etat mené par les colonels en mai 2021 contre un président et un Premier ministre qu'ils avaient eux-mêmes installés, puis la révocation par les colonels de leur engagement à rendre le pouvoir aux civils en février 2022.
Les crispations se sont aggravées à mesure que la junte se rapprochait de la Russie. La France et ses alliés accusent les autorités maliennes de s'être assuré les services de la société privée russe controversée Wagner. Le gouvernement conteste et parle de collaboration ancienne d'Etat à Etat.
Le Mali a expulsé l'ambassadeur de France en janvier.
A l'époque déjà, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop envisageait la dénonciation, si nécessaire, du traité de coopération. Le Mali avait demandé des amendements en décembre en faisant valoir que certaines dispositions étaient contraires à la souveraineté nationale.
Les colonels voyaient d'un très mauvais oeil Barkhane continuer d'opérer dans le ciel malien.
La semaine dernière, la junte accusait l'armée française d'"espionnage" et de "subversion" après la diffusion par l'état-major français de vidéos tournées par un drone à proximité de la base de Gossi (centre) restituée en avril par la France.
Deux jours après cette restitution, l'armée française avait, pour contrer ce qu'elle qualifiait d'"attaque informationnelle", publié une vidéo de ce qu'elle disait être des mercenaires russes en train d'enterrer des corps près de cette base afin de faire accuser la France de crimes de guerre.
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