M. Macky Sall, ancien premier ministre sénégalais et président du parti d’opposition Alliance Pour la République (APR) dans une interview exclusive avec l’hebdomadaire mauritanien Le Calame


‘’L’âge très avancé du Président Wade est une source légitime d’inquiétude pour tous nos compatriotes, y compris jusque dans son camp, quant à sa capacité à diriger convenablement les affaires de la Nation’’

Plusieurs fois ministre (d’octobre 2002 à Avril 2004), puis premier ministre (d’avril 2004 à juin 2007), Macky Sall sera élu président de l’assemblée nationale le 20 juin  2007. Poste qu’il quittera un an après, lorsque le 22 septembre 2008, le député Sada Ndiaye dépose un amendement pour la modification de l'article 62 de la constitution, relatif à la durée du mandat du président de l'Assemblée nationale. Il vise ainsi à réduire le mandat de Macky Sall à un an. Par cette sanction, ses frères libéraux voulaient lui faire payer sa « lourde faute politique » : avoir convoqué Karim Wade, le fils du président de la République,  pour s’expliquer devant les députés sur les travaux menés par l'Agence Nationale chargée de l’organisation du sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI).

Le 9 novembre 2008, il annonce sa démission du Parti démocratique sénégalaise (PDS), mais aussi de tous les postes qu’il occupait alors grâce à l’électorat de ce parti.

Le 1er décembre 2008, il crée son parti politique, Alliance pour la République (APR-Yakaar), membre à part entière de la Coalition des partis d’opposition.

Dans cette interview exclusive avec le journal mauritanien Le Calame, il parle notamment de la présidentielle de 2012, de l’éligibilité de Me Wade et de ses problèmes de santé, de son parti, de la révolution tunisienne et évalue les chances de l’opposition, en défendant l’idée des candidatures multiples au premier tour. 
 

Le Calame : Commençons par une question d’actualité, le président Tunisien Ben Ali vient d’être emporté  par une révolution des jeunes de son pays. Que vous inspire cette situation dans une Afrique où des chefs d’Etats élus par les urnes se croient tellement indispensables qu’ils modifient ou taillent les constitutions  à leur mesure ?

Macky SALL : Cette question est très importante, à l’étape actuelle du processus politique en Afrique. Elle pose, en effet, la problématique de la Démocratie, de l’Etat de Droit, des Valeurs et Principes de la République. Aujourd’hui, dans la plupart des pays de notre Continent, une nouvelle forme de dictature issue des urnes, semble s’imposer, de plus en plus. Les Elus aux plus hautes Charges Républicaines, s’emploient, une fois au pouvoir, à se détourner de leurs peuples, à rejeter les promesses électorales sur la base desquelles ils ont été élus ! De nouvelles logiques d’accaparement des ressources, de pillage des deniers publics, de détournements d’Objectifs centraux, encadrées par la violence institutionnelle, s’imposent au détriment des profondes aspirations des populations. Dans ces conditions, l’exaspération populaire, portée par les Jeunes, principales victimes des choix politiques erronés, éclate pour remettre en cause les pouvoirs en place, au nom de l’exigence de davantage de démocratie, de liberté, de justice et de progrès social. La confiscation du pouvoir par des Clans, le plus souvent sur des bases occultes, s’exprime par une volonté de mise en cause permanente des Règles du jeu au travers de tripatouillages fréquents de la Constitution qui, de fait, est désacralisée. C’est, à mon avis, sous cet angle, qu’il faut comprendre ce qui se passe présentement en Tunisie.

 La présidentielle au Sénégal est prévue en 2012. Si du côté du PDS, le choix est porté sur Me Wade, votre ancien mentor, Benno se cherche encore un candidat unique de consensus pour barrer le chemin  au père du SOPI. Dans les rangs de Benno, on vous prête l’intention de vous présenter  si jamais le choix de la coalition ne se porte pas sur vous. Seriez-vous donc  candidat, et pensez-vous, comme l’affirme un récent sondage, que vous êtes capable de battre le président Wade si vous vous retrouvez au second tour ?

Permettez – moi, avant tout, et je m’en excuse, de rectifier un peu, ce que vous dites. Je tiens, d’abord, à vous rappeler, ce qui me semble connu de tous. La question de la candidature au sein du parti au pouvoir, est très loin d’être réglée. Vous n’êtes pas sans savoir que la candidature du Président de la République ne fait pas l’unanimité dans son camp, tant il est vrai qu’elle est contestée par un de ses anciens PM et quelques Secteurs de son Parti. Il s’y ajoute, et c’est important, que toute l’Opposition Nationale, la Société Civile majoritairement et les Mouvements Citoyens, de notre pays, s’accordent sur l’irrecevabilité de la Candidature du Président de la République pour la prochaine Présidentielle prévue pour 2012. Ensuite, je vous signale que notre Coalition, le Bennoo Siggil Senegaal (S’Unir Pour Redresser le Sénégal), n’a pas encore abordé le Thème de la Candidature pour la prochaine Présidentielle. Elle l’intègre dans son volet « Stratégies et Alliances Electorales », sur lequel elle compte discuter au cours d’un prochain Séminaire dont la date n’a pas encore été fixée.

Contrairement à ce que vous semblez croire, la position de notre Parti, l’Alliance Pour la République (APR) est d’une remarquable constance. Nous avons analysé la situation politique de notre pays et étudié le processus politique en Afrique, pour comprendre la nécessité de proposer des Candidatures Plurielles à l’intérieur de notre Bloc Stratégique, comme meilleur moyen de vaincre un Régime qui est prêt à tout pour conserver le pouvoir. Quant aux Sondages (je vous signale qu’il y en a eu plusieurs et tous, à quelques légères différences, convergent vers les mêmes conclusions), je pense, humblement, qu’ils confirment une tendance générale notée dans notre pays et au sein de la Diaspora Sénégalaise. Ils nous incitent à persévérer dans notre travail de terrain, sous le double rapport de la massification/implantation du Parti et de dialoguer, en permanence, avec les populations. Je pense que si cette ligne d’action est maintenue (et vous assure qu’elle le sera), le pouvoir aurait très peu de chances de voir son candidat au Second Tour ! Enfin, ma candidature que, personnellement, je souhaite pour les raisons tantôt avancées, dépendra de la volonté collective de notre Parti qui s’exprimera sur la question au cours d’un Congrès qui se tiendra dans les mois qui viennent.

Votre détermination  d’en découdre avec Me Wade ne risque-t-elle pas de compromettre les chances d’une deuxième alternance au Sénégal ?

Je crois qu’il y a eu méprise sur une de mes déclarations relatives à la Candidature pour la prochaine présidentielle. Quand j’exprimais ma volonté de régler le différend politique qui m’oppose à mon ancien SG, c’était pour lui signifier que notre équation individuelle ne saurait être comprise en termes d’homme « qu’il a fait », comme il aime souvent le dire. J’ai tenu, simplement, à faire comprendre que la légitimité n’est pas conférée par un individu, mais bien par le peuple souverain. Autrement dit, participer aux côtés de ce peuple et de l’Opposition Nationale, à l’avènement d’un Sénégal Nouveau, est l’axe de mon engagement politique, le meilleur moyen de lui démontrer qu’il se trompe lourdement dans sa conception de la politique et dans sa compréhension des hommes politiques. Je pense, tout au contraire, que ma candidature, si elle était validée par notre Parti, serait, incontestablement, un atout décisif pour toutes les forces politiques, démocratiques, citoyennes et républicaines qui entendent en finir avec un pouvoir en fin de cycle. Je suis convaincu que si chaque Parti mobilise son bassin électif contre le pouvoir, celui – ci, comme en mars 2000, sera battu à plate couture. Bien sûr, la condition qui accompagne cette perspective, c’est que le Pacte d’Entente Politique et Stratégique qui se noue dans le Bennoo, (à savoir le soutien total au premier de ses membres qui serait présent face au candidat du pouvoir) demeure au Second Tour qui transformerait la Présidentielle en un Referendum fort : pour ou contre le Pouvoir ! Et puis, tout de même, n’oubliez pas que la vocation de tout Parti sérieux, même ouvert à l’impératif d’implication dans Alliances Stratégiques imposées par certaines circonstances historiques, demeure l’accès, par voie démocratique, au pouvoir !!

Les déclarations de Dr Mame Marie Faye sur la santé du président Wade lui ont valu une peine d’un an de  prison avec sursis et une amende de 500 mille CFA. Que vous inspire ce verdict ?

Je m’étais, en son temps, exprimé sur cette question. C’était pour dire que parler de la santé de quelqu’un est certes très sensible, mais, que quand il s’agit de celle du détenteur de la Charge Républicaine Suprême, les Citoyens ont le droit de s’en préoccuper. Il s’y ajoute que, objectivement, l’âge très avancé du Président de la République, est une source légitime d’inquiétude pour tous nos Compatriotes, y compris jusque dans son camp, quant à sa capacité à diriger convenablement les affaires de la Nation. Je n’ai pas l’habitude de commenter les décisions de justice, mais pour ce cas – ci, je trouve que le verdict rendu est très sévère, compte tenu du fait que Madame FAYE ne semble pas avoir livré des « secrets » à proprement parler, s’en tenant, plutôt à des généralités qu’il est difficile de maîtriser et les témoins dont elle réclamait l’audition, ont été royalement ignorés !

  La question de l’éligibilité du président Wade a beaucoup agité et les politiques et les  constitutionnalistes. Cette question est-elle dépassée aujourd’hui ?

Comment çà dépassée ? Mais, elle demeure plus que d’actualité! Nous avons la certitude que les Articles 104 et 27 de notre Constitution, invalident cette candidature. Du reste, le Président de la République avait, publiquement (et les bandes sonores de sa déclaration sont là pour en attester), soutenu qu’il lui était impossible de disposer d’un nouveau Mandat, se targuant même d’avoir « verrouillé la Constitution ». Le débat ne devrait donc, même pas se poser ! Qu’il est inutile de recourir à des Spécialistes sur cette question, dès lors que le dépositaire et « Gardien » de la Constitution, s’est clairement exprimé ! De toutes façons, l’Opposition Nationale, la Société Civile et les Mouvements Citoyens qui, unanimement, s’opposent à cette candidature, ne lâcheront pas la pression qu’ils exercent sur le pouvoir qui, par ce geste, témoigne de sa volonté de procéder à des coups de force qui méprisent nos Lois et de nature à lui garantir la perpétuation de son pouvoir. Cette forfaiture, que notre Parti a été le premier à attaquer, est une précieuse indication sur les intentions électorales du pouvoir prêt à tout pour confisquer les suffrages citoyens à la prochaine Présidentielle de 2012.

La désignation du magistrat  Cheikh Tidiane Diakhaté  comme président du conseil constitutionnel a suscité l’ire de l’opposition qui l’accuse de « connivence» avec Wade. Quels sont les éléments qui fondent ces  accusations ?

Permettez – moi de vous dire que notre Parti est contre la récusation des personnes relevant, en termes de nominations, des prérogatives légales du Président de la République. Mais, pour le cas spécifique du Magistrat, de légitimes soupçons pèsent sur lui, relativement à son impartialité. Les Elections Locales de mars 2009 sont là pour en témoigner, suite par exemple à des cas de fraudes avérées de la part du pouvoir, à NDINDY et NDOULO. Il est donc tout à fait normal que des inquiétudes s’expriment, surtout au regard du rôle déterminant que joue par le Conseil Constitutionnel sur une question aussi centrale que l’Election Présidentielle !

L’audit du fichier électoral et la CENA  ont constitué la pomme de discorde entre le PDS et Benno. Est-ce qu’à l’heure où nous parlons,  vous avez des garanties suffisantes pour aller aux élections ? Sinon, que faudrait-il faire pour éviter un contentieux post électoral comme celui que vit  la Côte d’Ivoire?

C’est vrai que la gestion transparente du Fichier Electoral a été, un moment, un point de désaccord entre le pouvoir et Nous. Notre volonté claire et sans équivoque demeure l’encadrement démocratique du Vote, dont l’un des aspects majeurs est l’accord consensuel sur l’ensemble du processus électoral.

Nous connaissons les capacités manœuvrières du pouvoir et sa volonté de procéder par un hold – up électoral, pour s’imposer à nos Compatriotes! C’est qui explique notre vigilance et notre désir, comme on le dit, de le « marquer à la culotte ». C’est le lieu, ici, de remercier, une fois de plus, l’UE qui a fortement influé sur le bon déroulement de l’opération jusqu’à son terme. Mais, cela ne suffit pas, pour autant, pour dire que nous avons « des garanties suffisantes pour aller aux Elections ». Car, aujourd’hui, le pouvoir est entrain de procéder à un irrationnel découpage administratif du territoire national, dans le seul but de contourner sa défaite durant les Elections Locales du 22 mars 2009. Il compte, en effet, détruire toutes les Collectivités Locales gagnées par le Bennoo, réorganiser, avantageusement, sur des bases illégales, le territoire national au nom de ses préoccupations politiciennes. Le combat contre cette tentative d’usurpation de notre victoire, est une des grandes exigences politiques de l’heure. Tous les Leaders de notre Coalition en sont conscients.

Les dérives monarchiques  au Sénégal continuent à hanter le sommeil de l’opposition sénégalaise. Il n’est, en effet, pas exclu que Me Wade se retire au dernier moment pour lancer son fils dans la bataille. Comment allez-vous réagir dans ce cas ? Pensez-vous qu’il est possible que ce qui s’est produit en RCD et au Gabon se reproduise au Sénégal. Sinon, pourquoi ?

Non ! Mais, pas du tout ! Le Programme de dévolution dynastique du pouvoir initié par le Président de la République, ne nous pose aucun problème politique! Notre Parti est convaincu que quelle que soit la formule qu’il mettra en œuvre, le pouvoir sera vaincu en février 2012. Notre conviction est fondée sur la réalité socioéconomique de notre pays, sur la profonde détresse des populations et sur le mouvement de défiance populaire qui ne cesse de s’amplifier dans notre pays. Les Locales sont là pour témoigner de cette réalité historique, notamment, la retentissante défaite du pouvoir en 2009. C’est dire que nous ne nous préoccupons, nullement, des manœuvres du pouvoir, tant il est vrai que seul le peuple souverain procure la légitimité, octroie le pouvoir. Néanmoins, je tiens à souligner, avec force, que jamais notre Parti n’acceptera un modus operandi antidémocratique et antipopulaire de dévolution du pouvoir. Celle – ci ne se fera qu’à travers des Elections libres, transparentes et démocratiques. Il est clair que si le pouvoir était tenté, pour garantir sa survie, par l’usage de voies autres que démocratiques, nous ferons recours à tous les moyens de nature à invalider sa forfaiture. Je suis d’autant plus rassuré qu’un tel procédé ne saurait triompher dans notre pays, que l’ensemble des forces vives et patriotiques de notre pays, se seraient levées pour le récuser ! Autrement dit, ni par son histoire nationale, ni par ses traditions de luttes politiques et sa culture, le Sénégal ne pourrait être comparable à certains pays africains

Vous entreprenez des tournées à l’intérieur du Sénégal mais aussi auprès de sa diaspora ? Que vous disent les Sénégalais que vous rencontrez ? Comment se porte l’APR sur le terrain ?

Vous avez raison de souligner que j’effectue des Tournées politiques régulières, à l’intérieur du Sénégal et auprès de nos Compatriotes de la Diaspora. Du reste, c’est une pratique courante qui, à mon avis, donne sens à ma compréhension de l’engagement politique. Je crois, en effet, la politique, positivement comprise, consiste à dialoguer, permanemment, avec les populations, à s’enquérir de leur situation vécue et chercher, avec elles, les solutions correctives, du moins les débuts de réponses programmatiques au changement radical de leur existence. C’est au nom de cette vision de l’action politique, que j’ai établi un rapport politique direct avec les populations de notre pays, tant à l’intérieur, qu’à l’extérieur du territoire national. Durant ces Tournées, mes Compatriotes m’ont fait part de leurs innombrables souffrances et de leur volonté de nous accompagner dans notre désir de construire avec eux, un Sénégal Nouveau. Quant à l’APR, tous les Observateurs avertis témoignent de sa vitalité et de son expansion continue. Pratiquement, dans toutes les Régions de notre pays et dans la Diaspora, notre Parti est remarquablement présent. Notre ambition est de le massifier plus encore, de mieux l’organiser afin de faire face aux exigences politiques actuelles et futures. Par diverses voies, nous nous y attelons.

 La question de l’énergie demeure une préoccupation des populations. Etant ancien premier Ministre, pouvez-vous nous dire  pourquoi le Sénégal  a échoué dans ce secteur précis ? Le fils de Wade porté à la tête de ce département  dispose-t-il d’un bâton magique pour régler ce problème ?

Répondre à cette question d’une extrême importance dans notre pays, aurait mérité plus que le temps d’une interview ! Aussi, suis – je dans l’obligation de procéder à un résumé panoramique embrassant les thématiques essentielles qui me semblent pouvoir expliquer la crise énergétique qui prévaut dans mon pays. Dans les prochains jours, je tiendrai une Conférence de Presse exclusivement consacrée à cette question. Parmi les principales raisons expliquant les difficultés énergétiques du Sénégal, je retiens, deux types de causes : ceux qui sont structurels ; liés aux grandes missions de production, de transport et de distribution. Je rappelle que les deux dernières sont entièrement monopolisées par la SENELEC. Or, la difficulté majeure demeure la faible production, par rapport à la forte demande. Réajuster ce rapport, c’est, à mon avis, c’est procéder à une politique qui privilégie une production indépendante ! Aussi grave encore, est la pesante tutelle que le Ministère de l’Energie exerce sur la SENELEC. Une telle situation participe, souvent, à des choix d’Investissements hasardeux et nécessairement non – rentables. Par ailleurs, le fait que la SENELEC recourt à elle – même pour assurer son approvisionnement sur le marché pétrolier, aggrave les risques de dérapages. A tout cela s’ajoutent des causes purement conjoncturelles. Il s’agit, d’une part, de la cherté des prix des produits pétroliers (qui constituent les principaux combustibles utilisés par la SENELEC) et, d’autre part, de graves problèmes de gestion entamant sérieusement la bonne gouvernance de l’Entreprise. C’est pour dire qu’il urge d’enrayer cette spirale négative, par des solutions innovantes et durables sur lesquelles, comme je vous l’ai dit, je reviendrai très prochainement. A  la question de savoir si le fils du Président de la République, déjà véritable seul « Ministre de l’Etat » peut régler cette question, allez poser la question à mes Compatriotes, ou plutôt, circulez (certainement à vos risques et périls) dans n’importe quelle zone du Sénégal, pour mesurer l’échec de l’Etat dans l’approvisionnement du pays en électricité courante ! Au Sénégal, les délestages sont si permanents et si longs, que nous sommes en droit de dire que nous sommes privés, aujourd’hui, d’Electricité, que notre pays a dépassé la ligne rouge du déficit énergétique, pour entrer dans les profondeurs de la pénurie énergétique ! Il est possible, cependant, que dans la période très proche des Elections, le pouvoir puisse, artificiellement et sur la courte durée, rétablir les normes, à des fins électoralistes grotesques ! Pour stabiliser, non résoudre la crise énergétique, le pouvoir développe des dynamiques irrationnelles et dont la plus saillante est la « location d’Energie» auprès de Groupes privés Etrangers.

 Idrissa Seck vous aurait invité, il y a peu à rejoindre la famille libérale, ce que vous avez refusé. Quelles  relations entretenez-vous avec lui ?  Pourriez-vous  refaire un bout de chemin ensemble  s’il arrive à se dégager  du PRDS?

Il ne me souvient pas d’avoir eu ce type d’échanges avec mon ancien camarade de Parti. Mais, quand bien même qu’il l’eût essayé, que ce serait peine perdue, dans la mesure où, comme vous le savez, j’ai définitivement rompu avec le camp du pouvoir ! Avec  M. Seck, j’entretiens des rapports courtois empreints de respect réciproque.

Un bout de chemin ensemble s’il quittait son camp actuel ? Pourquoi pas ? Mais, à la condition que les rapports soient fondés sur une base politique saine, c’est – à – dire exclusivement centrée sur la Cause et les Intérêts du peuple sénégalais.

La Côte d’Ivoire a deux présidents ou un président ?  Pensez-vous que la CEDEAO et la communauté internationale qui ont reconnu Alassane Ouattara comme le président élu de la Cote d’Ivoire se doivent de  recourir à la force pour l’installer au pouvoir ? Le pays ne risquerait-il pas de s’embraser dans ce cas ?

Vous avez bien posé le problème et dégagé une des possibles solutions proposées par de nombreux Acteurs des Relations Internationales. Mais, s’il est vrai que la Légalité et la légitimité politiques, notamment le respect du verdict des urnes, doivent être de mise, force est de reconnaître que le comportement de la « Communauté Internationale » et l’option militaire comme voie de sortie de crise vers laquelle elle semble s’orienter, posent problème. Nous pensons que toutes les voies d’une solution négociée ne sont pas épuisées et  il serait dangereux de créer un précédent de ce genre en Afrique ! Nous avons la conviction que l’option militaire risque de faire basculer la Côte d’Ivoire dans un grand chaos, de briser la cohésion de sa nation, d’alimenter la haine et les replis identitaires porteurs de toutes les dérives, dont la guerre civile pouvant déboucher sur un dérèglement structurel de l’ensemble de notre Sous – Région. Il faut donc privilégier le dialogue constructif, seul à même de garantir la stabilité interne et de restaurer l’Etat de Droit dans un climat apaisé. Voilà, en résumé, ce que je puis vous dire sur cette question d’une extrême complexité.

Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh

Lundi 2 Janvier 2012