Excellence,
Le jeudi 16 janvier, lors de la Rentrée solennelle des Cours et Tribunaux, vous aviez tenu des propos selon lesquels la médiation pénale "va faire partie des mécanismes par lesquels l’Etat du Sénégal peut recouvrer les biens".
Les Sénégalais n’avaient pas encore digéré la pilule du dépôt de caution (une infime partie du butin volé) qui permet à un délinquant de humer l’air de la liberté et votre déclaration est venue leur asséner le coup de grâce. En effet, des faquins qui, tout récemment, tiraient le Diable par la queue, ont osé mettre sur la table des milliards de nos malheureux francs, prix d’une liberté provisoire comme pour nous narguer après nous avoir détroussés.
Pourtant, Excellence, le 26 novembre 2013, lors de votre rencontre avec les éleveurs, vous aviez brandi, comme une épée de Damoclès, ces propos largement relayés par les différents médias : "J’accorde une attention particulière à la préservation et à la lutte contre le vol de bétail. Le vol de bétail est devenu un facteur limitant pour la modernisation des systèmes d’élevage. Face à ce phénomène, le temps n’est plus qu’à l’action. Nous avons fini d’élaborer les modifications du Code pénal. Des mesures extrêmement coercitives vont figurer dans le prochain Code qui sera adopté très prochainement. Les peines qui étaient de cinq ans sont portées à dix ans"
Un voleur de taureaux, de béliers ou de chevaux est certes un grand criminel, mais il est, de loin, moins dangereux pour une nation qu’un détourneur de deniers publics. C’est là mon humble avis.
En outre, lorsque vous voulez aggraver la peine de prison de 5 ans (minimum) à 10 ans (maximum) contre les voleurs de bétail, les gens ne vous prendront pas au sérieux si vous plaidez pour une médiation pénale au profit des grands bandits qui ont trahi la confiance de toute la nation.
Le porte-parole du gouvernement a cherché à expliquer vos propos à vos concitoyens qui n’en sont pas moins inquiets, car le simple fait d’en parler est presque un aveu. Le Wolof dit :"lu mag di fowe mooy dëggam".
Même si une certaine loi conçoit la possibilité de cette médiation –qui ne dit pas son nom –, la simple raison humaine la récuse à cause de son aspect horrible. Horrible parce que donnant l’impression que la justice de notre pays peut aller à deux vitesses. Si, par exemple, le vol d’une voiture est un délit condamné par la loi, la simple restitution de l’objet volé ne peut remettre en cause la peine encourue par le coupable. Or, dans ce cas de figure, la médiation pénale est comprise par la plupart de Sénégalais comme une restitution de la plus grande partie du butin pour éviter la peine de prison.
Nos maisons d’arrêt et de correction grouillent d’auteurs de larcins et autres forfaits qui méritent certes une sanction, mais qui ne seront jamais à la dimension des crimes commis par les prévaricateurs qui ont mis ce pays à genoux. Je ne crois ni juste, ni décent que de petits malfrats croupissent en prison pendant que les "voleurs de la République" restent libres comme le vent.
Votre position est – pardonnez ma franchise – grossière et ses conséquences peuvent être désastreuses pour le devenir de notre nation qui a du mal à voir le bout du tunnel. En effet, les bailleurs qui ont vu leurs sous impunément détournés risquent d’être réticents pour financer vos prochains projets.
Avec tout le respect que je vous dois, je considère cette position comme un brandon d’anarchie dont vous ne pourrez jamais circonscrire les dégâts lorsqu’il se transformera en une grande fournaise.
Respectueusement.
Momar Ibn Sidaty
Le 19 janvier 2014
Le jeudi 16 janvier, lors de la Rentrée solennelle des Cours et Tribunaux, vous aviez tenu des propos selon lesquels la médiation pénale "va faire partie des mécanismes par lesquels l’Etat du Sénégal peut recouvrer les biens".
Les Sénégalais n’avaient pas encore digéré la pilule du dépôt de caution (une infime partie du butin volé) qui permet à un délinquant de humer l’air de la liberté et votre déclaration est venue leur asséner le coup de grâce. En effet, des faquins qui, tout récemment, tiraient le Diable par la queue, ont osé mettre sur la table des milliards de nos malheureux francs, prix d’une liberté provisoire comme pour nous narguer après nous avoir détroussés.
Pourtant, Excellence, le 26 novembre 2013, lors de votre rencontre avec les éleveurs, vous aviez brandi, comme une épée de Damoclès, ces propos largement relayés par les différents médias : "J’accorde une attention particulière à la préservation et à la lutte contre le vol de bétail. Le vol de bétail est devenu un facteur limitant pour la modernisation des systèmes d’élevage. Face à ce phénomène, le temps n’est plus qu’à l’action. Nous avons fini d’élaborer les modifications du Code pénal. Des mesures extrêmement coercitives vont figurer dans le prochain Code qui sera adopté très prochainement. Les peines qui étaient de cinq ans sont portées à dix ans"
Un voleur de taureaux, de béliers ou de chevaux est certes un grand criminel, mais il est, de loin, moins dangereux pour une nation qu’un détourneur de deniers publics. C’est là mon humble avis.
En outre, lorsque vous voulez aggraver la peine de prison de 5 ans (minimum) à 10 ans (maximum) contre les voleurs de bétail, les gens ne vous prendront pas au sérieux si vous plaidez pour une médiation pénale au profit des grands bandits qui ont trahi la confiance de toute la nation.
Le porte-parole du gouvernement a cherché à expliquer vos propos à vos concitoyens qui n’en sont pas moins inquiets, car le simple fait d’en parler est presque un aveu. Le Wolof dit :"lu mag di fowe mooy dëggam".
Même si une certaine loi conçoit la possibilité de cette médiation –qui ne dit pas son nom –, la simple raison humaine la récuse à cause de son aspect horrible. Horrible parce que donnant l’impression que la justice de notre pays peut aller à deux vitesses. Si, par exemple, le vol d’une voiture est un délit condamné par la loi, la simple restitution de l’objet volé ne peut remettre en cause la peine encourue par le coupable. Or, dans ce cas de figure, la médiation pénale est comprise par la plupart de Sénégalais comme une restitution de la plus grande partie du butin pour éviter la peine de prison.
Nos maisons d’arrêt et de correction grouillent d’auteurs de larcins et autres forfaits qui méritent certes une sanction, mais qui ne seront jamais à la dimension des crimes commis par les prévaricateurs qui ont mis ce pays à genoux. Je ne crois ni juste, ni décent que de petits malfrats croupissent en prison pendant que les "voleurs de la République" restent libres comme le vent.
Votre position est – pardonnez ma franchise – grossière et ses conséquences peuvent être désastreuses pour le devenir de notre nation qui a du mal à voir le bout du tunnel. En effet, les bailleurs qui ont vu leurs sous impunément détournés risquent d’être réticents pour financer vos prochains projets.
Avec tout le respect que je vous dois, je considère cette position comme un brandon d’anarchie dont vous ne pourrez jamais circonscrire les dégâts lorsqu’il se transformera en une grande fournaise.
Respectueusement.
Momar Ibn Sidaty
Le 19 janvier 2014