Le monde s'est indigné, Rome déplore 70 blessés


Des violences qui ont fait 70 blessés, dont trois graves, ont marqué samedi à Rome la journée mondiale des "indignés", qui a poussé dans la rue des dizaines de milliers de manifestants en Europe et aux Etats-Unis contre la précarité et la finance mondiale.

Sous les slogans "Peuples du monde, levez-vous" ou "Descends dans la rue, crée un nouveau monde", les "indignés" avaient appelé à manifester dans 951 villes de 82 pays, selon le site 15october.net, contre la précarité liée à la crise et le pouvoir de la finance.

Des casseurs inflitrés parmi les Indignés
A Rome, des incidents ont éclaté dès le début du cortège, faisant selon l'agence de presse italienne Ansa, 70 blessés, dont trois dans un état grave. Des éléments incontrôlés, masqués de foulards noirs, ont envahi un hôtel de luxe, fracassé les vitrines de banques et mis le feu à bâtiment officiel. Plusieurs véhicules, dont des fourgons de police, ont été incendiés.

La place historique de la basilique Saint-Jean de Latran, a été transformée en champ de bataille, avec charges de police, fumigènes et manifestants qui ont dû quitter les lieux les bras en l'air pour ne pas être confondus avec les casseurs. "Ca, oui, c'est de l'indignation", pouvait-on lire, tagué sur un mur à proximité de la place qui n'a été évacuée qu'en début de soirée, tandis que des incidents sporadiques se poursuivaient dans la soirée dans divers lieux de la capitale italienne.

"Ca me dégoûte. C'est la faute du gouvernement qui a contraint les jeunes à se comporter ainsi. Ils ne nous laissent pas le choix", affirmait Laura, 23 ans.

Dans la soirée, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a qualifié la situation de "préoccupante", ajoutant que les auteurs des exactions seraient "punis". Pendant que se déroulaient les incidents, des dizaines de milliers de personnes manifestaient pacifiquement dans la capitale italienne, brandissant des pancartes proclamant "Une seule solution, la Révolution!", "Nous ne sommes pas des biens dans les mains des banquiers".

Londres s'indigne avec Assange
A Londres, où des heurts mineurs avec la police se sont produits à la mi-journée, 800 "indignés" se sont rassemblés dans la City et ont reçu le renfort inopiné du fondateur de WikiLeaks Julian Assange.

L'arrivée d'Assange, qui est en liberté conditionnelle dans un manoir près de Londres en attendant une éventuelle extradition vers la Suède où il est poursuivi pour viol, a suscité des cris de joie. "Nous soutenons ce qui se passe ici parce que le système bancaire à Londres est le bénéficiaire d'argent issu de la corruption", a lancé le fondateur de WikiLeaks sur les marches de la cathédrale Saint-Paul, où étaient massés les manifestants.

"Je suis venu par solidarité avec les mouvements qui se déroulent dans le monde entier", confiait Ben Walker, un enseignant de 33 ans. "Nous voulons qu'il y ait un peu de justice dans le système financier mondialisé".

Les "indignés" ont bénéficié aussi de la compréhension du gouverneur de la Banque d'Italie, Mario Draghi, qui doit prendre la tête le mois prochain de la Banque centrale européenne (BCE). "Les jeunes ont raison d'être indignés", a déclaré M. Draghi à des journalistes italiens en marge de la réunion du G20 à Paris. "Ils sont en colère contre le monde de la finance. Je les comprends", a déclaré cet économiste de 64 ans, avant de trouver "très dommage" les incidents de Rome.

Une épidémie venue de Madrid
Cinq mois après l'apparition du mouvement, le 15 mai à Madrid, les "indignés" ou d'autres groupes comme "Occupy Wall Street" ont ciblé tout particulièrement de hauts lieux de la finance mondiale, comme le quartier des affaires de New York, la City de Londres ou la BCE à Francfort, devant laquelle 5.000 à 6.000 personnes se sont rassemblées, aux cris de "Ne bradons pas notre avenir à la BCE".

"D'Amérique jusqu'en Asie, d'Afrique à l'Europe, les peuples se lèvent pour revendiquer leurs droits et réclamer une vraie démocratie", affirme le manifeste du 15 octobre. "Les puissances travaillent pour le bénéfice de quelques-uns, ignorant la volonté de la grande majorité. Cette situation intolérable doit cesser", proclame encore le texte.

Des dizaines de milliers "d'indignés" ont retrouvé samedi soir les avenues du centre de Madrid, où était né le mouvement au mois de mai avant de s'étendre à travers le monde, refaisant le chemin jusqu'à la Puerta del Sol, la place emblématique qu'ils avaient occupée pendant un mois au printemps.

"Le problème, c'est la crise, révolte-toi", proclamait une grande banderole en tête de la marche partie de Leganes, une banlieue populaire à une quinzaine de kilomètres au sud de Madrid. Une autre portait l'un des mots d'ordre favoris des "indignés" espagnols: "Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir".

Wall Street aussi dans le collimateur
A New York, où le mouvement "Occupy Wall Street", qui s'est nourri aux Etats-Unis du chômage des jeunes et de l'accroissement des inégalités, occupe un parc depuis le 17 septembre, des milliers de personnes ont manifesté dans le calme dans le quartier de la finance, escortés par une forte présence policière. Ils arboraient des pancartes "Nous sommes les 99%", "Nous sommes le peuple".

Plusieurs milliers de personnes, "indignés" de Wall Street, ont aussi manifesté à Washington contre la "mafia financière". L'extension du mouvement "démontre qu'il s'agit d'une question qui ne concerne pas seulement l'Espagne mais le monde entier, car la crise est mondiale, les marchés agissent à l'échelle globale", soulignait Jon Aguirre Such, un porte-parole des "indignés" en Espagne. Les "indignés" sont descendus dans les rues un peu partout en Europe.

A Lisbonne, quelque 50.000 personnes de tous âges ont défilé aux cris de "FMI dehors", rangées derrière une banderole proclamant "Stop troïka", en référence aux créanciers du Portugal (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).

Surendettement
Des milliers de personnes ont manifesté à Athènes, pour protester contre la cure de rigueur infligée au pays surendetté, de même qu'aux Pays-Bas, ou encore sur la Paradeplatz à Zurich, place emblématique de la finance suisse, et à Paris. A Bruxelles aussi, une manifestation de 6 à 7.000 personnes a rythmé la journée de la capitale mais sans dérapage à déplorer.

(afp/acx)
Samedi 15 Octobre 2011