Le M23 peut-il réussir ? (Par Cheikh Yérim Seck).


DAKARACTU.COM -C’est ce mercredi 27 juillet que le comité d’organisation de la manifestation du 23 juillet dernier se réunit pour dresser le bilan de l’évènement et ébaucher des perspectives. A entendre l’un de ses membres, figureront en bonne place dans l’ordre du jour la massification du Mouvement des forces vives du 23 juin (M23) et la poursuite de l’installation de ses démembrements à travers les grandes villes du pays. Thiès a déjà son M23 local qui a manifesté le jour du 23 juillet. Kaolack va voir l’installation du sien le 29 juillet. Et les autres capitales régionales suivront. Parallèlement à son déploiement, le mouvement entend occuper le terrain en permanence par des rassemblements et une manifestation-monstre le 23 de chaque mois. Exceptionnellement pour le mois d’août, qui coïncide avec celui du jeun musulman, une journée de réflexion est prévue.
 
Auréolé d’une réelle crédibilité, suite à sa manifestation du 23 juillet à la Place de l’Obélisque qui a relevé le défi de la mobilisation et de la discipline, le M23 a réussi, pour la première fois depuis l’avènement d’Abdoulaye Wade au pouvoir, à créer l’équilibre de la terreur et un rapport de force en défaveur du régime. Cimenté sous les feux des gaz lacrymogènes, à l’occasion du soulèvement populaire qui a imposé au régime de retirer un projet de révision constitutionnelle, le M23 a aujourd’hui une représentativité qui embrasse tous les segments de la société sénégalaise et une légitimité fondée sur son horizontalité.
 
Des partis politiques de la coalition Bennoo Siggil Senegaal aux syndicats comme la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS, la principale centrale du pays), des associations de la société civile comme la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) aux mouvements de jeunesse comme le puissant « Y en a marre », des regroupements citoyens comme « Yamalé » aux associations d’étudiants comme Campus bi… le M23 brasse un très large spectre d’organisations représentatives de tous les secteurs de la vie nationale. Il a toutefois les défauts de ses qualités. Regroupement hétéroclite, le mouvement butte logiquement sur des problèmes de direction et d’organisation. Face à son succès de ces derniers temps, il est le théâtre de sourdes querelles de leadership, chacun voulant naturellement apparaître aux premières loges. Le processus décisionnel est on ne peut plus lourd. L’assemblée générale, qui comprend quelque 2000 membres, est lourde. La tenue de sa dernière réunion à la Maison du Parti socialiste a fait grincer des dents. Certains leaders de parti y ont vu une sorte de récupération du mouvement par le PS. Il se trouve toutefois que seule cette formation a un siège doté d’une salle capable d’accueillir tout ce monde.
 
Le M23 connait des luttes de représentativité antérieures à sa naissance. Au cours d’une des premières réunions des forces vives, le 20 juin, un jeune issu d’un mouvement citoyen a pris à parti les leaders politiques : « Sachez, vous les chefs de partis, que vous n’allez pas nous commander. Le 19 mars, ‘’Y en a marre’’ a mobilisé plus de monde que toutes vos formations réunies. Vous n’êtes pas plus représentatifs et n’êtes pas les patrons ici. » Ambiance.
 
Le Mouvement des forces vives du 23 juin vit au quotidien cette rivalité voilée entre des partis politiques qui fondent leur légitimité sur un combat pluriannuel et des mouvements de tous ordres qui s’estiment être les réceptacles de l’adhésion populaire suite au discrédit de la classe politique. Défenseur des droits de l’homme, membre influent du M23, Demba Ciré Bathily estime que « le mouvement ne peut pas faire l’économie d’un débat pour définir une structure qui le dirige et une charte qui régit l’action de ses composantes. La manifestation du 23 juillet, pendant laquelle des dizaines de leaders de toutes sortes ont prononcé des discours, ne doit plus se reproduire. » Le M23 n’est en effet géré jusqu’ici par aucune équipe ou individualité identifiable. Les leaders des partis politiques les plus forts et des organisations les plus influentes veulent tous apparaître aux avant-postes. Car le mouvement est un instrument de démantèlement du régime d’Abdoulaye Wade, prélude à une compétition électorale pour le remplacer.
 
Le M23 est d’autant plus condamné qu’Ousmane Tanor Dieng est convaincu que le temps est venu pour le Parti socialiste (PS) de revenir au pouvoir. Macky Sall estime que c’est son heure. Moustapha Niasse croit fermement que Bennoo va l’investir pour qu’il remporte la future présidentielle haut la main.
 
Heureusement qu’il y a des hommes comme Alioune Tine, l’âme du M23, agressé le 23 juin ; pour tenir la barque. Après avoir contribué à crédibiliser le mouvement à l’intérieur du pays, Alioune Tine s’apprête à prendre la tête d’une offensive internationale. Début août, il doit se rendre, en compagnie de Pape Ibrahima Kane d’Osiwa et d’Ibrahim Djibo de l’organisme nigérian CDD, auprès de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) et de l’Union africaine (UA) pour expliquer la situation qui prévaut au Sénégal et demander la prise de mesures de sauvegarde de la stabilité et de la démocratie. Le combat du Mouvement des forces vives du 23 juin ne fait que commencer. 
Mercredi 27 Juillet 2011