DAKARACTU.COM Il y a quelques semaines, dakaractu posait le débat sur la future décision du Conseil constitutionnel relative à la candidature d’Abdoulaye Wade à la présidentielle de février 2012. Sur la foi d’éléments qu’il a rassemblés depuis lors, votre site préféré est à ce jour formel : le Conseil va déclarer recevable cette candidature.
Dakaractu est aujourd’hui en mesure de révéler l’argumentation juridique que va développer la haute juridiction à l’appui de sa décision. Elle va invoquer le principe de cohérence pour dire en substance ce qui suit : « L’article 104 de la Constitution de 2001 dispose que « le mandat en cours » d’Abdoulaye Wade devait courir de 2000 à 2007. Cette dérogation fait de facto échapper ce premier mandat de l’empire de la Constitution de 2001 qui institue le quinquennat pour le faire relever de celle de 1963. Il n’est pas cohérent que la Loi fondamentale de 2001 comptabilise un mandat qu’elle ne régit pas. Au nom de ce principe de cohérence, un des principes d’interprétation des règles de droit, il n’y a donc qu’un seul mandat au compteur de Wade, ce qui rend un second possible. » Pareille démonstration ressort d’une simulation récemment faite dans l’intimité de la haute juridiction.
Contrairement à une opinion diffusée par la presse, le Conseil constitutionnel ne va pas se déclarer incompétent. Il va, en plus des conditions de recevabilité exigées aux autres candidats, examiner pour le cas d’Abdoulaye Wade celle relative au nombre de mandats. A ce niveau, l’argumentation ci-dessus passera comme lettre à la poste à la faveur d’une majorité mécanique déjà constituée.
Le président de l’institution, Cheikh Tidiane Diakhaté, ne sera pas le premier à voter « oui ». Le magistrat Chimère Diouf est plus enclin à valider la candidature vu ses rapports personnels très étroits avec Abdoulaye Wade. En ce moment où ces lignes sont écrites, il ne se déplace pas dans la voiture de fonction que lui a affectée le Conseil mais dans un 4x4 flambant neuf qui lui est venu du palais. Son collègue Mouhamed Sonko, qui a été nommé à divers postes, y compris à ceux de président du Conseil d’Etat puis de « Monsieur Casamance » ayant ses bureaux à la présidence, ne fait aucun mystère de ce qu’il dit devoir à Wade.
Si vote négatif il y aura, il ne pourra émaner que de l’universitaire Isaac Yankhoba Ndiaye ou dans une moindre mesure de l’inspecteur général d’Etat Siricondé Diallo. Ces deux voix sont toutefois courtes pour l’emporter dans une enceinte où les décisions sont prises à la majorité des cinq membres.
Pour donner gain de cause à Abdoulaye Wade et garder les apparences de respect de la légalité, le Conseil constitutionnel va exploiter l’imprécision de la Constitution de 2001 sur le décompte du mandat de 2000 à 2007.
Dakaractu est en mesure de révéler que ce flou a failli être corrigé dans le texte de la Constitution. Membre de la commission de rédaction, le professeur Babacar Guèye a rencontré un jour de 2001 Abdoulaye Wade, dans l’intention de lui parler de l’introduction dans la Loi fondamentale d’une disposition qui intègre expressément son premier mandat dans le décompte des deux qu’il lui est permis de briguer. Mais, à leur arrivée au palais, Guèye et ses compagnons ont été happés par Wade qui leur a soumis une de ses préoccupations : le cumul des casquettes de chef de l’Etat et de chef de parti. La longue discussion qui s’est ensuivie a fait oublier à ses hôtes l’objectif de leur visite. L’histoire se fait quelquefois par de simples hasards ou de pures fatalités.
Si la disposition transitoire qu’étaient venus discuter les rédacteurs était passée, il n’y aurait eu le moindre débat aujourd’hui sur la recevabilité de la candidature de Wade. L’absence d’une telle disposition a ouvert une brèche dans laquelle va s’engouffrer le Conseil constitutionnel. Mais, pour être juridique, la question de la recevabilité n’en est pas moins éminemment politique. Comme tel, elle ne se tranche pas que devant un juge. Elle se règle aussi et surtout sur le terrain de la lutte politique.