« Le pays des hommes intègres » (traduction de Burkina Faso) est, aussi, le pays des hommes impréparés aux attaques répétées des terroristes. Ancien commandant en chef de l’opération « Licorne » en Côte d’Ivoire et ambassadeur de France au Burkina, jusqu’au crépuscule du régime de Blaise Compaoré, le Général Emmanuel Beth tira, très tôt, la sonnette d’alarme. Ce baroudeur qui a partout crapahuté sur les théâtres d’opérations, notamment africains, disait, en substance, aux citoyens burkinabés assoiffés de changement démocratique : « Réformez tout ce que vous voulez réformer, mais ne démolissez pas le Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) ! ». Peine perdue. L’euphorie, l’’émotion et la colère étant politiquement un trio des mauvaises conseillères, les Burkinabés ont voué le RSP et son chef, le Général Gilbert Diendéré, aux gémonies. Le Régiment est dissous, Diendéré est emprisonné, les officiers d’élite de l’unité d’élite sont dispersés dans l’armée, persécutés ou exilés…Bref, le Burkina est sans bouclier. Les terroristes s’y baladent. Et Ouagadougou devient, de plus en plus, la capitale de l’enfer.
Les conseils du Général Emmanuel Beth furent avisés et judicieux. Cependant, ils ne furent point écoutés. Dans une conjoncture de fièvre démocratique, le sens de la mesure fout le camp. Par ailleurs, le coup de force perpétré, le 16 septembre 2015, par le RSP – putsch avorté aux allures de restauration et de contre-révolution – a ulcéré le peuple burkinabé qui a subi le pouvoir trentenaire et féroce de Blaise. Dans la foulée, Diendéré a eu, aux yeux des démocrates, les traits d’un Pinochet tropical, tandis que le RSP a fâcheusement démontré qu’il est, aussi bien un outil militaire performant qu’une Garde prétorienne et inconditionnelle du régime défunt de Blaise Compaoré. Enfin, l’amitié entre l’ex-ambassadeur de France, pourvoyeur de conseils, et Gilbert Diendéré (les deux Généraux sautaient ensemble, en parachute) a figé le gouvernement de transition de Michel Kafando, dans la plus paranoïaque des méfiances vis-à-vis des bonnes recommandations du Général Beth. Dommage ! Car, le RSP était une unité de choc doté d’une incommensurable puissance de feu. Ses hélicos, ses blindés légers, sa noria de véhicules tout-terrain, sa poudrière autonome et impressionnante, la cohésion de son commandement et le niveau d’entrainement démentiel de la troupe, en faisaient une souple et véloce Force antiterroriste. Mieux, le RSP était doté d’un Service de Renseignement Militaire et Politique, totalement indépendant du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité. Le Général Diendéré avait, parmi ses informateurs, des journalistes et pas des moindres, notamment des femmes de la presse. Dont la nommée C…O qui croupit, aujourd’hui, en prison. En un mot, il fallait élaguer la hiérarchie séditieuse du RSP et non démanteler le régiment-rempart du Burkina.
Le vide laissé par la dissolution du RSP est, d’un point de vue sécuritaire, très vertigineux. En effet, un décryptage du carnage opéré au restaurant « Aziz Istanbul », sur l’avenue K. Nkrumah, oriente les analystes et les spécialistes vers la ville septentrionale de Djibo puis vers la mare de Soum. On est aux limites et à la conjonction des frontières désertiques du Mali, du Niger et du Burkina. Cette poche de terre où le prédicateur radical Ibrahim Mallam Dicko, fondateur du groupe djihadiste « Ansarul Islam » (une double filiale d’AQMI et d’Ançardine) tente rageusement de s’implanter, en créant une base dans la forêt de Mondoro qui a un versant végétal très touffu, en territoire malien. Vite alerté et bien renseigné, le patron de la force Barkhane, le Général François-Xavier de Woillement déclenche l’opération « Bayard ». On est en 2016. Après un bombardement massif exécuté par les Mirage 2000 décollant de la base aérienne de Niamey, l’armée française largue des commandos du COS, appuyés par des hélicoptères Tigre. La forêt est ratissée. Les résultats sont mitigés.
Le calife des islamistes burkinabés, Ibrahim Mallam Dicko, est-il mort ou blessé, au cours l’opération « Bayard » ? En tout cas, c’est son frère Jafar Dicko qui est visible sur les écrans-radars des services de renseignement maliens, nigériens, burkinabés et algériens. Pour l’instant, l’attaque du restaurant « Aziz Istanbul » n’est pas revendiquée, mais les faisceaux de tous les soupçons convergent sur les frères Dicko du groupe « Ansarul Islam ». Une phalange de radicalisés qui peut bien servir d’instrument et/ou de paravent à la nébuleuse islamo-terroriste mais également de vecteur aux visées obscures et croisées de pays sahéliens et non sahéliens. Sans oublier une opposition politique et militaire (les nostalgiques de Blaise et les déserteurs du RSP) qui tablent sur les symptômes de déliquescence du régime de Kaboré, dont les deux piliers (Salif Diallo et Simon Compaoré) sont en mauvaise santé. Le numéro 2 du régime et Président de l’Assemblée nationale, Salif Diallo, est mort, une semaine, après l’attentat meurtrier. Conséquence : le MPP (Parti au pouvoir à Ouagadougou) perd sa béquille politique et son stratège doué et roué. Une béance qui collera un supplément de tourments au Président Roch-Marc Kaboré – un bon banquier et non une bête politique – et à son ministre de l’Intérieur Simon Compaoré, politiquement affaibli par la spectaculaire grève des transporteurs excédés par les racketteurs de la Police routière.
En vérité, ce sont la vulnérabilité politique (la santé altérée de Simon et la gouvernance indigente, sans imagination de Kaboré) et la liquéfaction sécuritaire (manque de fer de lance militaire et restructuration forcément lente des services de renseignement) que les terroristes exploitent à fond. Pas uniquement les terroristes. Dans certaines chancelleries et dans nombre d’officines, on carbure prospectivement. Des lobbies militaires (singulièrement le gratin des gendarmeries d’Afrique et d’Europe) et des réseaux maçonniques se mobilisent pour obtenir la libération de Djibril Bassolé, pour des raisons humanitaires et médicales. La lettre de Bassolé, adressée au Président Emmanuel Macron, est le jalon dévoilé (parmi d’autres non-dévoilés) d’initiatives en série, en vue de configurer, dès à présent, l’après-Kaboré. Quant au fameux Général Gilbert Diendéré, c’est le Burkinabé moyen ou l’homme de la rue qui – au lendemain du carnage – tourne son regard vers lui. C’est à peine, si l’on n’appelle pas l’ogre Diendéré, au secours. Tellement le désarroi est total !
En effet, l’ex-bras droit de Blaise Compaoré est un grand connaisseur du Sahel, tant à l’intérieur du Burkina qu’en dehors des frontières. Longtemps à la manœuvre, le Général Diendéré hébergeait les dirigeants du MNLA dans les hôtels de la capitale burkinabée, les protégeait, les surveillait, les épiait, les espionnait et les manipulait. Diendéré était également en charge du dossier malien, aussi bien pour la préparation des négociations de l’Accord de Ouagadougou (antérieur à l’Accord d’Alger) que pour les contacts en vue de la libération des otages occidentaux détenus par les djihadistes. Sans oublier le juteux acheminement des millions et des millions d’euros payés par les Occidentaux, en guise de rançons. Introduit et épaulé par le Mauritanien Limame Chaffi, Diendéré a devisé avec les chefs de tribus et, surtout, les chefs de groupes terroristes, toujours cachés dans les grottes les plus inaccessibles du Sahara-Sahel. C’est pourquoi, tout incite à croire que – dans ses anciennes et sensibles fonctions de coordinateur de toutes les polices (officielles comme parallèles du Burkina – Diendéré a sûrement connu son compatriote, le chef djihadiste (présumé auteur des deux attentats de Ouagadougou), Ibrahim Mallam Dicko.
Un pan de l’histoire de ce prédicateur qui allume le Burkina, mérite d’être dévoilé. Arrêté, dans la région de Tessalit (Nord-Mali frontalier de l’Algérie) par les militaires français de l’opération « Serval », l’islamiste burkinabé Ibrahim Mallam Dicko – détenteur d’une grosse somme d’euros et entouré par 20 talibés – est détenu à Bamako dans les cellules de la Sécurité d’Etat. Nous sommes en 2013. Un lieu d’où on ne s’échappe pas. Mystérieusement, le fondateur du groupe « Ansarul Islam » rentre tranquillement au Burkina, en 2016. Dans ce Sahel qui grouille de forces spéciales et de services spéciaux, qui fait réellement ou théâtralement quoi ? Pour qui roulent les frères djihadistes Mallam et Jafar Dicko ? Est-ce une mise en scène savamment orchestrée par des as de la manipulation politique au Burkina, et des orfèvres de la reconfiguration géopolitique au Sahel ? Assurément, de complexes manœuvres sont en cours dans le Liptako-Gourma.
A Ouagadougou, le Président Christian-Marc Kaboré ne s’interroge pas sur les mobiles et l’identité des mentors des terroristes. Depuis la première attaque contre le « Cappuccino », il y a dix-neuf mois, le chef de l’Etat et des armées s’organise pour mettre la capitale, à l’abri de tout harcèlement terroriste qui a le fâcheux effet de discréditer et de disqualifier un gouvernement incapable, aux yeux des Ouagalais, de sécuriser la ville où se concentrent les plus hautes institutions du pays. Du coup, la valse des grands képis ne s’arrête pas. Le Général Oumarou Sadou est catapulté à la tête de Etat-major général des armées ; le Colonel Léon Traoré, longtemps commandant de la Place de Bobo-Dioulasso, est hissé au sommet du commandement de l’armée de terre. Son collègue de même grade, Souleymane Ouédraogo, commande la petite aviation du Burkina, tandis que le Colonel Bruno Omer Tapsoba coiffe désormais la Gendarmerie. Un branle-bas de combat, à l’heure où la Force Africaine Antiterroriste (FAAT) du G 5 Sahel n’existe que sur le papier. Un machin cher à Macron – qui semble abonné à une longue gestation prénatale.
Le Mali est un pays en voie de dépeçage par les terroristes. Le Burkina est le ventre mortellement mou du Sahel. Le Niger – harcelé, sans cesse, par les djihadistes – est comme pris en sandwich entre le Mali déchiqueté et le Burkina blessé. Le G 5 Sahel est submergé par la terreur diffusée par les terroristes, malgré les dispositifs nationaux et internationaux : armées nationales et MINUSMA. Seuls le Tchad – militairement robuste – et la Mauritanie, en arrangement masqué avec les terroristes, restent les deux Etats non ébranlées du Sahel. Au vu de ce tableau sombre, le communiqué du ministère sénégalais des Affaires Etrangères, publié dès les premières heures qui ont suivi l’attaque de la capitale du Burkina, sonne juste. En voici un extrait : « La menace terroriste qui n’épargne aucun pays, exige une plus grande coopération des pays de la sous-région et du Sahel ». N’empêche, la Mauritanie (à l’opposé des quatre autres Etats) ferme et verrouille les portes du G 5 Sahel, laissant cyniquement le Sénégal en dehors du Groupe. Pourtant Nouakchott a frappé récemment à la porte de la CEDEAO, à Lomé où l’aide du Sénégal lui a été gracieusement accordée par le ministre du Commerce, Alioune Sarr.
PS : Je voudrais, par un témoignage et quelques révélations, rendre un hommage et saluer la mémoire du défunt Président de l’Assemblée nationale du Burkina, Salif Diallo. En 1993, moi directeur de la Rédaction du quotidien « Le Pays », lui, Ministre chargé de mission et chef du cabinet du Président du Faso, Salif m’approcha et me proposa la direction du journal « Tam-Tam », à l’époque, l’organe de presse du Parti de Blaise Compaoré : le Front populaire. Avant la naissance du CDP. En tant que Sénégalais, étranger sur le sol burkinabé, j’ai décliné cette offre financièrement alléchante mais politiquement délicate. Et, surtout, inacceptable au regard d’une ligne éditoriale de type « Il est midi ». C’est-à-dire ultra-polémiste. Il m’a compris. Mieux, nous avons entretenu des relations cordiales, jusqu’à sa mort. Salif Diallo était, à la fois, un animal politique féroce et un Abbé Pierre, au plan social et humain. Il y a, quelques jours, la belle-fille du Général Diendéré a accouché en prison. Sans être le Premier ministre, encore moins le ministre de la Justice, Salif a fait efficacement le nécessaire, pour sortir de prison, la mère et le bébé.
Les conseils du Général Emmanuel Beth furent avisés et judicieux. Cependant, ils ne furent point écoutés. Dans une conjoncture de fièvre démocratique, le sens de la mesure fout le camp. Par ailleurs, le coup de force perpétré, le 16 septembre 2015, par le RSP – putsch avorté aux allures de restauration et de contre-révolution – a ulcéré le peuple burkinabé qui a subi le pouvoir trentenaire et féroce de Blaise. Dans la foulée, Diendéré a eu, aux yeux des démocrates, les traits d’un Pinochet tropical, tandis que le RSP a fâcheusement démontré qu’il est, aussi bien un outil militaire performant qu’une Garde prétorienne et inconditionnelle du régime défunt de Blaise Compaoré. Enfin, l’amitié entre l’ex-ambassadeur de France, pourvoyeur de conseils, et Gilbert Diendéré (les deux Généraux sautaient ensemble, en parachute) a figé le gouvernement de transition de Michel Kafando, dans la plus paranoïaque des méfiances vis-à-vis des bonnes recommandations du Général Beth. Dommage ! Car, le RSP était une unité de choc doté d’une incommensurable puissance de feu. Ses hélicos, ses blindés légers, sa noria de véhicules tout-terrain, sa poudrière autonome et impressionnante, la cohésion de son commandement et le niveau d’entrainement démentiel de la troupe, en faisaient une souple et véloce Force antiterroriste. Mieux, le RSP était doté d’un Service de Renseignement Militaire et Politique, totalement indépendant du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité. Le Général Diendéré avait, parmi ses informateurs, des journalistes et pas des moindres, notamment des femmes de la presse. Dont la nommée C…O qui croupit, aujourd’hui, en prison. En un mot, il fallait élaguer la hiérarchie séditieuse du RSP et non démanteler le régiment-rempart du Burkina.
Le vide laissé par la dissolution du RSP est, d’un point de vue sécuritaire, très vertigineux. En effet, un décryptage du carnage opéré au restaurant « Aziz Istanbul », sur l’avenue K. Nkrumah, oriente les analystes et les spécialistes vers la ville septentrionale de Djibo puis vers la mare de Soum. On est aux limites et à la conjonction des frontières désertiques du Mali, du Niger et du Burkina. Cette poche de terre où le prédicateur radical Ibrahim Mallam Dicko, fondateur du groupe djihadiste « Ansarul Islam » (une double filiale d’AQMI et d’Ançardine) tente rageusement de s’implanter, en créant une base dans la forêt de Mondoro qui a un versant végétal très touffu, en territoire malien. Vite alerté et bien renseigné, le patron de la force Barkhane, le Général François-Xavier de Woillement déclenche l’opération « Bayard ». On est en 2016. Après un bombardement massif exécuté par les Mirage 2000 décollant de la base aérienne de Niamey, l’armée française largue des commandos du COS, appuyés par des hélicoptères Tigre. La forêt est ratissée. Les résultats sont mitigés.
Le calife des islamistes burkinabés, Ibrahim Mallam Dicko, est-il mort ou blessé, au cours l’opération « Bayard » ? En tout cas, c’est son frère Jafar Dicko qui est visible sur les écrans-radars des services de renseignement maliens, nigériens, burkinabés et algériens. Pour l’instant, l’attaque du restaurant « Aziz Istanbul » n’est pas revendiquée, mais les faisceaux de tous les soupçons convergent sur les frères Dicko du groupe « Ansarul Islam ». Une phalange de radicalisés qui peut bien servir d’instrument et/ou de paravent à la nébuleuse islamo-terroriste mais également de vecteur aux visées obscures et croisées de pays sahéliens et non sahéliens. Sans oublier une opposition politique et militaire (les nostalgiques de Blaise et les déserteurs du RSP) qui tablent sur les symptômes de déliquescence du régime de Kaboré, dont les deux piliers (Salif Diallo et Simon Compaoré) sont en mauvaise santé. Le numéro 2 du régime et Président de l’Assemblée nationale, Salif Diallo, est mort, une semaine, après l’attentat meurtrier. Conséquence : le MPP (Parti au pouvoir à Ouagadougou) perd sa béquille politique et son stratège doué et roué. Une béance qui collera un supplément de tourments au Président Roch-Marc Kaboré – un bon banquier et non une bête politique – et à son ministre de l’Intérieur Simon Compaoré, politiquement affaibli par la spectaculaire grève des transporteurs excédés par les racketteurs de la Police routière.
En vérité, ce sont la vulnérabilité politique (la santé altérée de Simon et la gouvernance indigente, sans imagination de Kaboré) et la liquéfaction sécuritaire (manque de fer de lance militaire et restructuration forcément lente des services de renseignement) que les terroristes exploitent à fond. Pas uniquement les terroristes. Dans certaines chancelleries et dans nombre d’officines, on carbure prospectivement. Des lobbies militaires (singulièrement le gratin des gendarmeries d’Afrique et d’Europe) et des réseaux maçonniques se mobilisent pour obtenir la libération de Djibril Bassolé, pour des raisons humanitaires et médicales. La lettre de Bassolé, adressée au Président Emmanuel Macron, est le jalon dévoilé (parmi d’autres non-dévoilés) d’initiatives en série, en vue de configurer, dès à présent, l’après-Kaboré. Quant au fameux Général Gilbert Diendéré, c’est le Burkinabé moyen ou l’homme de la rue qui – au lendemain du carnage – tourne son regard vers lui. C’est à peine, si l’on n’appelle pas l’ogre Diendéré, au secours. Tellement le désarroi est total !
En effet, l’ex-bras droit de Blaise Compaoré est un grand connaisseur du Sahel, tant à l’intérieur du Burkina qu’en dehors des frontières. Longtemps à la manœuvre, le Général Diendéré hébergeait les dirigeants du MNLA dans les hôtels de la capitale burkinabée, les protégeait, les surveillait, les épiait, les espionnait et les manipulait. Diendéré était également en charge du dossier malien, aussi bien pour la préparation des négociations de l’Accord de Ouagadougou (antérieur à l’Accord d’Alger) que pour les contacts en vue de la libération des otages occidentaux détenus par les djihadistes. Sans oublier le juteux acheminement des millions et des millions d’euros payés par les Occidentaux, en guise de rançons. Introduit et épaulé par le Mauritanien Limame Chaffi, Diendéré a devisé avec les chefs de tribus et, surtout, les chefs de groupes terroristes, toujours cachés dans les grottes les plus inaccessibles du Sahara-Sahel. C’est pourquoi, tout incite à croire que – dans ses anciennes et sensibles fonctions de coordinateur de toutes les polices (officielles comme parallèles du Burkina – Diendéré a sûrement connu son compatriote, le chef djihadiste (présumé auteur des deux attentats de Ouagadougou), Ibrahim Mallam Dicko.
Un pan de l’histoire de ce prédicateur qui allume le Burkina, mérite d’être dévoilé. Arrêté, dans la région de Tessalit (Nord-Mali frontalier de l’Algérie) par les militaires français de l’opération « Serval », l’islamiste burkinabé Ibrahim Mallam Dicko – détenteur d’une grosse somme d’euros et entouré par 20 talibés – est détenu à Bamako dans les cellules de la Sécurité d’Etat. Nous sommes en 2013. Un lieu d’où on ne s’échappe pas. Mystérieusement, le fondateur du groupe « Ansarul Islam » rentre tranquillement au Burkina, en 2016. Dans ce Sahel qui grouille de forces spéciales et de services spéciaux, qui fait réellement ou théâtralement quoi ? Pour qui roulent les frères djihadistes Mallam et Jafar Dicko ? Est-ce une mise en scène savamment orchestrée par des as de la manipulation politique au Burkina, et des orfèvres de la reconfiguration géopolitique au Sahel ? Assurément, de complexes manœuvres sont en cours dans le Liptako-Gourma.
A Ouagadougou, le Président Christian-Marc Kaboré ne s’interroge pas sur les mobiles et l’identité des mentors des terroristes. Depuis la première attaque contre le « Cappuccino », il y a dix-neuf mois, le chef de l’Etat et des armées s’organise pour mettre la capitale, à l’abri de tout harcèlement terroriste qui a le fâcheux effet de discréditer et de disqualifier un gouvernement incapable, aux yeux des Ouagalais, de sécuriser la ville où se concentrent les plus hautes institutions du pays. Du coup, la valse des grands képis ne s’arrête pas. Le Général Oumarou Sadou est catapulté à la tête de Etat-major général des armées ; le Colonel Léon Traoré, longtemps commandant de la Place de Bobo-Dioulasso, est hissé au sommet du commandement de l’armée de terre. Son collègue de même grade, Souleymane Ouédraogo, commande la petite aviation du Burkina, tandis que le Colonel Bruno Omer Tapsoba coiffe désormais la Gendarmerie. Un branle-bas de combat, à l’heure où la Force Africaine Antiterroriste (FAAT) du G 5 Sahel n’existe que sur le papier. Un machin cher à Macron – qui semble abonné à une longue gestation prénatale.
Le Mali est un pays en voie de dépeçage par les terroristes. Le Burkina est le ventre mortellement mou du Sahel. Le Niger – harcelé, sans cesse, par les djihadistes – est comme pris en sandwich entre le Mali déchiqueté et le Burkina blessé. Le G 5 Sahel est submergé par la terreur diffusée par les terroristes, malgré les dispositifs nationaux et internationaux : armées nationales et MINUSMA. Seuls le Tchad – militairement robuste – et la Mauritanie, en arrangement masqué avec les terroristes, restent les deux Etats non ébranlées du Sahel. Au vu de ce tableau sombre, le communiqué du ministère sénégalais des Affaires Etrangères, publié dès les premières heures qui ont suivi l’attaque de la capitale du Burkina, sonne juste. En voici un extrait : « La menace terroriste qui n’épargne aucun pays, exige une plus grande coopération des pays de la sous-région et du Sahel ». N’empêche, la Mauritanie (à l’opposé des quatre autres Etats) ferme et verrouille les portes du G 5 Sahel, laissant cyniquement le Sénégal en dehors du Groupe. Pourtant Nouakchott a frappé récemment à la porte de la CEDEAO, à Lomé où l’aide du Sénégal lui a été gracieusement accordée par le ministre du Commerce, Alioune Sarr.
PS : Je voudrais, par un témoignage et quelques révélations, rendre un hommage et saluer la mémoire du défunt Président de l’Assemblée nationale du Burkina, Salif Diallo. En 1993, moi directeur de la Rédaction du quotidien « Le Pays », lui, Ministre chargé de mission et chef du cabinet du Président du Faso, Salif m’approcha et me proposa la direction du journal « Tam-Tam », à l’époque, l’organe de presse du Parti de Blaise Compaoré : le Front populaire. Avant la naissance du CDP. En tant que Sénégalais, étranger sur le sol burkinabé, j’ai décliné cette offre financièrement alléchante mais politiquement délicate. Et, surtout, inacceptable au regard d’une ligne éditoriale de type « Il est midi ». C’est-à-dire ultra-polémiste. Il m’a compris. Mieux, nous avons entretenu des relations cordiales, jusqu’à sa mort. Salif Diallo était, à la fois, un animal politique féroce et un Abbé Pierre, au plan social et humain. Il y a, quelques jours, la belle-fille du Général Diendéré a accouché en prison. Sans être le Premier ministre, encore moins le ministre de la Justice, Salif a fait efficacement le nécessaire, pour sortir de prison, la mère et le bébé.