Une façade maritime sur l’océan Atlantique, à l’ouest, un fleuve éponyme au nord, le fleuve Gambie au centre, un autre cours d’eau au sud, en Casamance, et enfin la Falémé à l’est, le Sénégal est réellement un paradis des eaux transformé subitement et paradoxalement en enfer pour ses habitants assoiffés. Le paradoxe est d’autant plus effarant qu’en cette saison pluvieuse, les Sénégalais restent victimes des crus, des inondations et du manque d’eau.
Au paradis des eaux et des paradoxes, l’eau (source de vie) est curieusement vectrice de détresse : on meurt de soif dans l’eau. Promotion de la bonne gouvernance ou prolifération de l’amateurisme ou de l’incurie dans la gouvernance ? Dans cette palette de paradoxes, le plus frappant reste que ce défi de l’acheminement de l’eau potable et consommable sur la capitale, est immédiatement consécutif au remaniement ministériel officiellement justifié par la nécessité « d’accélérer la cadence de la traduction concrète de la vision et du programme du chef de l’Etat » selon la formule chère au nouveau chef du gouvernement.
Pour l’instant, c’est la colère des populations qui s’accélère ; tandis que la réponse des Pouvoirs publics traine en longueur, face au casse-tête posé par le diabolique tuyau ou la capricieuse conduite de la station de pompage de Keur Momar Sarr. Pire, le gouvernement bafouille et cafouille sans convaincre. Avec une démarche politiquement surprenante d’inertie et une communication tardive à l‘allumage et calamiteuse à l’arrivée.
Au plan politique, on a reproché à Abdoul Mbaye de n’avoir ni assez ferraillé ni assez mouillé le maillot sur le front social ; autrement dit, d’avoir été plus à l’aise devant une pile de dossiers, dans son bureau que face à l’orage, sur le terrain. Présentement, son tombeur dans l’ombre et sa remplaçante sous les projecteurs (Aminata Touré) se coltine laborieusement l’épreuve de la pénurie. Premier test. Mais, mouille-t-elle davantage son corsage qu’Abdoul Mbaye, son maillot ? On en doute. Comme on déplore son absence sur les plateaux de télévision où son image gigogne (de Premier ministre, d’épouse, de maman et de ménagère) et une allocution empreinte de compassion auraient – non pas réparé les tuyaux abimés de la station de pompage – mais mis du baume au cœur des mères de famille éprouvées.
Ce silence du Premier ministre a provoqué le 16 septembre (jour du paroxysme de la pénurie d’eau à Dakar) une situation désastreuse pour la communication gouvernementale. En effet, le journal télévisé de la RTS s’est ouvert, ce jour-là, sur la cérémonie de remise du drapeau aux Lionnes par le chef de l’Etat qui, à cette occasion, a décaissé des millions. Un air de provocation caractérisée et un zeste d’insouciance irresponsable dans une conjoncture de chaleur torride et d’eau introuvable qui accable les populations.
Evidemment, la RTS n’est en rien fautive. Car c’est Mme Aminata Touré qui a préféré présider, la veille, une cérémonie de signature de conventions entre un sous-ministre français, Pascal Canfins, et son collègue sénégalais, en lieu et place d’un discours radiotélévisé en direction de ses compatriotes esquintés par la soif et affectés par le déficit d’hygiène. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a opté pour la facilité qui consiste à envoyer les techniciens et les directeurs – non élus mais nommés par décret – au charbon. Au fil des jours, le flot des explications et des assurances techniques et trompeuses, a grossi comme un océan de mensonges.
C’est dire combien il urge de rappeler à Aminata Touré que la Primature n’est pas la Première sinécure. Encore moins le Premier tremplin qui rapproche du destin présidentiel. Adresser un message (médiatisé) d’encouragement aux Lionnes, en bivouac sur la côte mozambicaine de l’océan indien, est un geste populiste infiniment plus facile qu’un ardu face-à-face télévisé avec la presse sur les causes – et les remèdes durables – de la pénurie. Constitutionnellement, un Premier ministre sénégalais est le paratonnerre de son Président. A ce titre, il reçoit la foudre politique (l’impopularité) sans broncher. Ni esquiver.
« A quelque chose, malheur est bon » dit un adage aussi vulgarisé qu’inoxydable. A ce propos, l’approvisionnement interrompu de Dakar et les dégâts sous-jacents des inondations mettent en lumière, le caractère squelettique (réduction de la marge budgétaire, inexistence des équipements performants et faiblesse des moyens humains) de la Protection civile qui est pourtant érigée en direction à l‘instar de la Sécurité publique. C’est là une vieille hérésie qui chahute la bonne gouvernance, ridiculise la souverainté nationale et, enfin, moque la quête d’émergence toujours au cœur des discours officiels.
Il y a une vingtaine d’années, un nuage d’ammoniac jailli d’un camion-citerne de la SONACOS, avait semé la mort sur un large rayon. Les sapeurs-pompiers – faute d’équipements appropriés – avaient vite reflué, pour ne pas tomber comme des mouches. Ce sont les militaires français habillés comme des astronautes qui avaient foncé sur l’épais et mortel nuage, puis bouché et soudé la citerne d’ammoniac. Plus près de nous, l’armée française (encore elle) avait récupéré et sauvé l’ancien ministre d’Etat Karim Wade, des flammes calcinant quelques étages de l’immeuble Tamaro. Même pour dégager un puisatier coincé récemment dans un puits situé au fin fond de la banlieue, c’est une armée étrangère qui accourut. Honteux ! Au paradis des paradoxes, le paradoxe ne tue point ; puisque les indemnités des députés, y compris le « sukur koor », et les avantages des PCA passent avant l’augmentation des moyens d’action de la Protection civile.
Ah ! J’allais oublier l’autre paradoxe : l’Etat aurait commandé des blindés anti-émeutes pour un plus efficace maintien de l’ordre. Contre qui ? Le rebelle César Atoute Badiane qui empêche de déminer en rond sur une partie de la Casamance ou contre les citoyens électeurs qui ont plébiscité Macky Sall, avec de plus de 65% des votes, en 2012 ? Il serait infiniment mieux inspiré de doter la Protection civile d’engins sophistiqués et de budget conséquent. Voilà un chef d’Etat électoralement bien aimé (Macky Sall) qui ne doit point redouter une insurrection populaire. Sauf, si son gouvernement traque beaucoup et trime peu.
Mais le plus monumental des paradoxes est à recenser non loin du Lac de Guiers. Dans cette zone sylvo-pastorale qui borde le Delta du fleuve Sénégal, l’ère de l’après-barrage (fin de la construction de Manantali et début des lâchers d’eau) devait, à la fois, ressusciter un gigantesque réseau de lacs et de rivières, et fortifier les deux mamelles du développement rural : l’agriculture et l’élevage. Malheureusement, le comportement belliqueux de la Mauritanie d’alors (on est sous le régime du Président Ould Taya) et le « veto » de Nouakchott au sein de l’OMVS ont eu raison aussi bien du Canal du Cayor d’Abdou Diouf que du Réseau Hydrographique National (RHN) que Wade voulait déployer sur les décombres du Projet de Revitalisation des Vallées Fossiles.
Paradoxalement, notre voisin du nord a dévié impunément les eaux du fleuve Sénégal, sur plus d’une centaine de kilomètres, pour humidifier en permanence la mare morte d’Astout El Sahéli, dans la région du Tagant. C’est le seul endroit du territoire mauritanien où vivent des caïmans. Au demeurant, cette posture de la Mauritanie (elle nous dicte sa loi) révèle – si besoin en était – le caractère doublement vital et névralgique des infrastructures d’eau (Lac de Guiers, station de pompage de Keur Momar Sarr et barrage de Diama) dans notre système de défense nationale.
Je rappelle qu’au plus fort de la crise sénégalo-mauritanienne des années 1989-1990, l‘Etat-major de Nouakchott avait positionné ses unités d’élite (les Parachutistes d’Atar) à quelques mètres du barrage de Diama, sous le commandement du Colonel Ould Lekheul. Objectif : pulvériser ou capturer le barrage de Diama. Question : comment un pays peut-il gagner une guerre avec sa brave armée, lorsque le moral de ses citoyens citadins est brisé par une soif sans fin ? Et avec faim, car sans eau, point de riz au poisson !
En définitive, ce manque d’eau ne manque pas de vertus. Il a d’abord, le mérite de dévoiler la faillite d’une politique nationale de l’eau quasi-inexistante. Certes, il y a une hydraulique villageoise qui repose sur une constellation de châteaux d’eau et sur une flopée de forages. Mais une politique de l’eau fortement prospective à l’image d’une Loi de programmation militaire, fait cruellement défaut. Deux ou trois usines de dessalement d’eau de mer et une révision de la clé de répartition des eaux au sein de l’OMVS devraient en être les premiers jalons. Ensuite, la panne et ses causes obscures (accident, vétusté ou sabotage du tuyau ou de la conduite) commandent de protéger militairement le site 24h/24. Au Mali, le barrage de Markala qui donne vie à l’Office de Niger (garant de l’autosuffisance en riz) est gardé en permanence par l’armée. Même en temps de paix.
Au train où vont les choses, les Sénégalais finiront par regretter le purgatoire des ajustements structurels d’Abdou Diouf, comparativement au paradis des eaux et…des paradoxes dans lequel le Sénégal est douloureusement vautré.
Au paradis des eaux et des paradoxes, l’eau (source de vie) est curieusement vectrice de détresse : on meurt de soif dans l’eau. Promotion de la bonne gouvernance ou prolifération de l’amateurisme ou de l’incurie dans la gouvernance ? Dans cette palette de paradoxes, le plus frappant reste que ce défi de l’acheminement de l’eau potable et consommable sur la capitale, est immédiatement consécutif au remaniement ministériel officiellement justifié par la nécessité « d’accélérer la cadence de la traduction concrète de la vision et du programme du chef de l’Etat » selon la formule chère au nouveau chef du gouvernement.
Pour l’instant, c’est la colère des populations qui s’accélère ; tandis que la réponse des Pouvoirs publics traine en longueur, face au casse-tête posé par le diabolique tuyau ou la capricieuse conduite de la station de pompage de Keur Momar Sarr. Pire, le gouvernement bafouille et cafouille sans convaincre. Avec une démarche politiquement surprenante d’inertie et une communication tardive à l‘allumage et calamiteuse à l’arrivée.
Au plan politique, on a reproché à Abdoul Mbaye de n’avoir ni assez ferraillé ni assez mouillé le maillot sur le front social ; autrement dit, d’avoir été plus à l’aise devant une pile de dossiers, dans son bureau que face à l’orage, sur le terrain. Présentement, son tombeur dans l’ombre et sa remplaçante sous les projecteurs (Aminata Touré) se coltine laborieusement l’épreuve de la pénurie. Premier test. Mais, mouille-t-elle davantage son corsage qu’Abdoul Mbaye, son maillot ? On en doute. Comme on déplore son absence sur les plateaux de télévision où son image gigogne (de Premier ministre, d’épouse, de maman et de ménagère) et une allocution empreinte de compassion auraient – non pas réparé les tuyaux abimés de la station de pompage – mais mis du baume au cœur des mères de famille éprouvées.
Ce silence du Premier ministre a provoqué le 16 septembre (jour du paroxysme de la pénurie d’eau à Dakar) une situation désastreuse pour la communication gouvernementale. En effet, le journal télévisé de la RTS s’est ouvert, ce jour-là, sur la cérémonie de remise du drapeau aux Lionnes par le chef de l’Etat qui, à cette occasion, a décaissé des millions. Un air de provocation caractérisée et un zeste d’insouciance irresponsable dans une conjoncture de chaleur torride et d’eau introuvable qui accable les populations.
Evidemment, la RTS n’est en rien fautive. Car c’est Mme Aminata Touré qui a préféré présider, la veille, une cérémonie de signature de conventions entre un sous-ministre français, Pascal Canfins, et son collègue sénégalais, en lieu et place d’un discours radiotélévisé en direction de ses compatriotes esquintés par la soif et affectés par le déficit d’hygiène. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a opté pour la facilité qui consiste à envoyer les techniciens et les directeurs – non élus mais nommés par décret – au charbon. Au fil des jours, le flot des explications et des assurances techniques et trompeuses, a grossi comme un océan de mensonges.
C’est dire combien il urge de rappeler à Aminata Touré que la Primature n’est pas la Première sinécure. Encore moins le Premier tremplin qui rapproche du destin présidentiel. Adresser un message (médiatisé) d’encouragement aux Lionnes, en bivouac sur la côte mozambicaine de l’océan indien, est un geste populiste infiniment plus facile qu’un ardu face-à-face télévisé avec la presse sur les causes – et les remèdes durables – de la pénurie. Constitutionnellement, un Premier ministre sénégalais est le paratonnerre de son Président. A ce titre, il reçoit la foudre politique (l’impopularité) sans broncher. Ni esquiver.
« A quelque chose, malheur est bon » dit un adage aussi vulgarisé qu’inoxydable. A ce propos, l’approvisionnement interrompu de Dakar et les dégâts sous-jacents des inondations mettent en lumière, le caractère squelettique (réduction de la marge budgétaire, inexistence des équipements performants et faiblesse des moyens humains) de la Protection civile qui est pourtant érigée en direction à l‘instar de la Sécurité publique. C’est là une vieille hérésie qui chahute la bonne gouvernance, ridiculise la souverainté nationale et, enfin, moque la quête d’émergence toujours au cœur des discours officiels.
Il y a une vingtaine d’années, un nuage d’ammoniac jailli d’un camion-citerne de la SONACOS, avait semé la mort sur un large rayon. Les sapeurs-pompiers – faute d’équipements appropriés – avaient vite reflué, pour ne pas tomber comme des mouches. Ce sont les militaires français habillés comme des astronautes qui avaient foncé sur l’épais et mortel nuage, puis bouché et soudé la citerne d’ammoniac. Plus près de nous, l’armée française (encore elle) avait récupéré et sauvé l’ancien ministre d’Etat Karim Wade, des flammes calcinant quelques étages de l’immeuble Tamaro. Même pour dégager un puisatier coincé récemment dans un puits situé au fin fond de la banlieue, c’est une armée étrangère qui accourut. Honteux ! Au paradis des paradoxes, le paradoxe ne tue point ; puisque les indemnités des députés, y compris le « sukur koor », et les avantages des PCA passent avant l’augmentation des moyens d’action de la Protection civile.
Ah ! J’allais oublier l’autre paradoxe : l’Etat aurait commandé des blindés anti-émeutes pour un plus efficace maintien de l’ordre. Contre qui ? Le rebelle César Atoute Badiane qui empêche de déminer en rond sur une partie de la Casamance ou contre les citoyens électeurs qui ont plébiscité Macky Sall, avec de plus de 65% des votes, en 2012 ? Il serait infiniment mieux inspiré de doter la Protection civile d’engins sophistiqués et de budget conséquent. Voilà un chef d’Etat électoralement bien aimé (Macky Sall) qui ne doit point redouter une insurrection populaire. Sauf, si son gouvernement traque beaucoup et trime peu.
Mais le plus monumental des paradoxes est à recenser non loin du Lac de Guiers. Dans cette zone sylvo-pastorale qui borde le Delta du fleuve Sénégal, l’ère de l’après-barrage (fin de la construction de Manantali et début des lâchers d’eau) devait, à la fois, ressusciter un gigantesque réseau de lacs et de rivières, et fortifier les deux mamelles du développement rural : l’agriculture et l’élevage. Malheureusement, le comportement belliqueux de la Mauritanie d’alors (on est sous le régime du Président Ould Taya) et le « veto » de Nouakchott au sein de l’OMVS ont eu raison aussi bien du Canal du Cayor d’Abdou Diouf que du Réseau Hydrographique National (RHN) que Wade voulait déployer sur les décombres du Projet de Revitalisation des Vallées Fossiles.
Paradoxalement, notre voisin du nord a dévié impunément les eaux du fleuve Sénégal, sur plus d’une centaine de kilomètres, pour humidifier en permanence la mare morte d’Astout El Sahéli, dans la région du Tagant. C’est le seul endroit du territoire mauritanien où vivent des caïmans. Au demeurant, cette posture de la Mauritanie (elle nous dicte sa loi) révèle – si besoin en était – le caractère doublement vital et névralgique des infrastructures d’eau (Lac de Guiers, station de pompage de Keur Momar Sarr et barrage de Diama) dans notre système de défense nationale.
Je rappelle qu’au plus fort de la crise sénégalo-mauritanienne des années 1989-1990, l‘Etat-major de Nouakchott avait positionné ses unités d’élite (les Parachutistes d’Atar) à quelques mètres du barrage de Diama, sous le commandement du Colonel Ould Lekheul. Objectif : pulvériser ou capturer le barrage de Diama. Question : comment un pays peut-il gagner une guerre avec sa brave armée, lorsque le moral de ses citoyens citadins est brisé par une soif sans fin ? Et avec faim, car sans eau, point de riz au poisson !
En définitive, ce manque d’eau ne manque pas de vertus. Il a d’abord, le mérite de dévoiler la faillite d’une politique nationale de l’eau quasi-inexistante. Certes, il y a une hydraulique villageoise qui repose sur une constellation de châteaux d’eau et sur une flopée de forages. Mais une politique de l’eau fortement prospective à l’image d’une Loi de programmation militaire, fait cruellement défaut. Deux ou trois usines de dessalement d’eau de mer et une révision de la clé de répartition des eaux au sein de l’OMVS devraient en être les premiers jalons. Ensuite, la panne et ses causes obscures (accident, vétusté ou sabotage du tuyau ou de la conduite) commandent de protéger militairement le site 24h/24. Au Mali, le barrage de Markala qui donne vie à l’Office de Niger (garant de l’autosuffisance en riz) est gardé en permanence par l’armée. Même en temps de paix.
Au train où vont les choses, les Sénégalais finiront par regretter le purgatoire des ajustements structurels d’Abdou Diouf, comparativement au paradis des eaux et…des paradoxes dans lequel le Sénégal est douloureusement vautré.