Ministre des Affaires Etrangères de Valéry Giscard d’Estaing, le diplomate Louis de Guiringaud a bien dénudé la relation franco-africaine : « L’Afrique est le seul continent où deux compagnies de parachutistes, 200 hommes environ, peuvent modifier le cours de l’Histoire ». La formule est brutale et caricaturale ; mais elle est exacte dans ce périmètre du continent historiquement délimité et géopolitiquement verrouillé que les spécialistes ont dénommé le pré-carré, c’est-à-dire la basse-cour et la valetaille de la France au sud du Sahara.
Trente ans après le septennat de Giscard, les moyens sont certes plus robustes (3000 soldats au Mali et 1600 en Centrafrique) ; mais le rôle de la France est inchangé dans une Afrique où les indépendances sont « indépendantristes » selon le mot de l’écrivain libano-guinéen William Sassine. Paris y modifie toujours le cours de l’Histoire, au gré de ses intérêts. Et très souvent, à la demande – situation cocasse et choquante – de gouvernants et/ou d’opposants impuissants devant le chavirement de leurs pays.
La tenue du sommet Afrique-France sur la paix, la sécurité et le développement, du 6 au 7 décembre, donne entièrement raison à Louis de Guiringaud : l’Afrique est la pointure de la France. La chaussure asiatique et la babouche arabe sont un peu grandes pour son pied de Puissance moyenne. Quant à l’Amérique Latine, elle est depuis l’élaboration de la doctrine Monroe, la chasse gardée des USA. Ce n’était donc point étonnant que la France fût, appelée, hier, au Mali ; et qu’elle soit attendue, aujourd’hui, en Centrafrique.
En effet, l’affaissement malien et l’implosion centrafricaine ont démontré tragiquement qu’il n’existe pas de capacité africaine de planification et de conduite d’opérations militaires en toute autonomie. Plus saisissant encore, c’est une France charitable qui annonce sa disponibilité à entrainer 20 000 militaires destinés à la future Force de Réaction Rapide Africaine (FRRA). Question : que deviendront alors les fameuses Forces Africaines en Attente (FAA) ? Télescopage ou dilution de sigles creux ? L’avenir y répondra par la bouche de la France. C’est d’autant plus certain que le récent Rapport des sénateurs Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel s’intitule : « L’Afrique est notre avenir ». Davantage qu’un Rapport fermé, c’est un agenda ouvert.
Le sommet Afrique-France honteusement plus couru que les réunions de l’Union Africaine (40 chefs d’Etat dans la capitale française contre une vingtaine de Présidents ou de chefs de gouvernement présents annuellement à Addis-Abeba) a avalisé de facto tous les agendas cachés ou non de la France. Carte blanche et légitimation aveugle et anticipée de toutes les actions de l’Hexagone sur le continent. Mieux, les chefs d’Etats africains ont octroyé, par leur présence massive à Paris, une virginité nouvelle, c’est-à-dire l’équivalent d’un détergent qui lave et absout la France de toutes les turpitudes anciennes ou récentes qui ont fait le lit des désastres qu’elle est entrain d’endiguer, en tant que sauveur bardé des résolutions de l’ONU. Or, Dieu sait qu’en Centrafrique comme au Mali, – les deux plats de résistance du sommet – la France n’est pas au-dessus de tout soupçon. Bien au contraire.
Centrafrique. Dans les manuels de géographie coloniale, les élèves lisaient Oubangui-Chari, noms de deux cours d’eau par lesquels le colonisateur français a baptisé un territoire enclavé et vaste de plus de 600 000Km2. Un lecteur doté d’une mémoire ferme se souviendra du remarquable texte de l’administrateur et écrivain, René Maran, (un Français d’origine guyanaise) racontant « La mort de Batouala » dans cet Oubangui-Chari qui deviendra, après l’indépendance, la République Centrafricaine ou RCA. Pays qui sera, d’un point de vue stratégique, une pièce maitresse du pré-carré, avec cette espèce de « porte-avions » fixe qu’ont longtemps constitué les bases militaires de Bouar et de Bangui.
Un an avant la proclamation de l’indépendance (1959) la France a politiquement bloqué l’horloge, par l’assassinat du nationaliste et artisan de la souveraineté en gestation : Barthélémy Boganda. Depuis cette date, c’est Paris qui place, déplace, réinstalle, coule, couvre et sécurise les Présidents. Lesquels tiennent davantage de pantins actionnés que de dirigeants responsables. En 1965, David Dacko est balayé par le Colonel Jean-Bedel Bokassa. Foccart très échaudé par les flirts poussés entre Bangui et Pékin, a laissé faire. Mieux, l’Elysée a soutenu Bokassa jusque dans les extrémités de sa mégalomanie teintée de folie ; puisque le ministre de la Coopération d’alors, Robert Galley, a représenté la France au sacre du Napoléon au petit pied de Bangui.
En 1979, la France a déclenché l’opération militaire Barracuda. Les parachutistes du 11ème Choc (unité organiquement liée au SDECE devenu DGSE) renversent Bokassa et réinstallent Dacko. Vingt quatre mois après, en 1981, le Colonel André Kolingba – un officier formé à Mont-Louis – prend ou reçoit (grand mystère) le pouvoir à Bangui. Sans grabuge. Paris est à la manœuvre, puisque le Colonel et barbouze Jean-Claude Mantion sera l’homme fort de Centrafrique durant les 12 ans de présidence Kolingba. Patron de la Garde présidentielle, directeur des services secrets et conseiller financier du chef de l’Etat, Mantion fut le vrai Proconsul ou la pâle figure d’un Général Mac Arthur sous les Tropiques.
En 1990, le multipartisme imposé par le Discours de La Baule (encore la France qui dicte la conduite à tenir) a laissé libre cours à un chaos démocratique et à un vaudeville électoral qui ont débouché sur des mutineries à répétition, tantôt réprimées par l’armée française, tantôt téléguidées par les décideurs parisiens. Et, in fine, fatales au régime du Président élu : Ange-Félix Patassé. Son tombeur et successeur, le Général François Bozizé, est à, son tour, vaincu par la coalition Séléka que ni les Français ni les Tchadiens (poulains des Français) n’ont voulu, par calculs obscurs, militairement freiner. Moralité : la France enfile en Centrafrique, un manteau de sauveur sur un costume mal caché de pyromane. Historiquement, elle a figé la Centrafrique dans un infantilisme politique sans pareil dans le pré-carré.
Mali. Sous la férule du patriote ombrageux Modibo Keita, l’ex-Soudan français avait fermement pris son destin en main, dès l’éclatement de la Fédération du Mali, en août 1960. Option résolument socialiste, décrochage de la zone CFA, rapprochement avec la Chine populaire, solidarité avec le peuple algérien en lutte etc. Bamako est restée longtemps à la lisière du pré-carré. En 1968, le coup d’Etat du Lieutenant Moussa Traoré (futur Général) a généré un réchauffement des relations entre Paris et Bamako, sans provoquer un basculement dans le giron français. C’est plutôt la coopération algéro-malienne qui était à son zénith. Moussa Traoré passait ses vacances à Sidi Ferruch ; tandis que la Sécurité militaire du Colonel Kasdi Merbah épaulait les services de sécurité dirigés par le Colonel Tiécoro Bakayoko.
En 1991, Mitterrand très mécontent du refus de Moussa Traoré de se plier aux injonctions de La Baule (multipartisme immédiatement exigé par la France) a vite placé son homologue malien dans la ligne de mire. Sous le couvert de la Fondation France-Libertés de Danielle Mitterrand, les services secrets français bien représentés à Bamako par l’ambassadeur Didier Roisin, ont placé sur orbite l’ADEMA, un nid de démocrates et de gauchistes ayant pour leader le Professeur Alpha Oumar Konaré. Le scénario est bien peaufiné. Enrôlé et aiguillonné par la France, le Colonel ATT, alors chef des troupes aéroportées, renverse Moussa Traoré et donne le pouvoir à Konaré qui le lui remettra (après deux mandats) dans une sorte ping-pong qui tient plus de la comédie que de la démocratie. Le fameux capitaine Sanogo y mettra un terme dans un contexte d’affaissement inexorable du pays.
En ce mois de décembre 2013, le Mali n’est pas au bout de ses malheurs. Les Maliens se demandent si le libérateur français n’est pas plus nocif que l’occupant djihadiste ou islamiste. Sékou Touré disait : « Changer de tuteur, ce n’est pas se libérer ». Absolument. Au demeurant, c’est le Président IBK qui laisse exploser sa colère dans les colonnes du journal Le Monde : « La présence de troupes étrangères empêche le Mali de rétablir l’autorité de l’Etat à Kidal. La communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens qui ont pris les armes contre l’Etat. Je rappelle que nous sommes un pays indépendant. L’Etat malien est contraint de négocier avec un groupe armé qui s’en vante. Dans quelle commedia dell’arte sommes-nous ? ». Pathétique et limpide. Serval sert plus les desseins de la France que les intérêts du Mali.
Curieusement, les dirigeants de la sous-région se taisent devant le projet français de reconfiguration territoriale du Mali, par la fédération ou par l’amputation de Kidal. Seul le Président Alpha Condé – pourtant proche des socialistes français – a osé dire : « Azawad, connais pas. Je ne connais que le Mali ». Des gouvernements de pays qui ont des fractures Nord-Sud très béantes et parfois saignantes (Sénégal, Togo, Niger, Mauritanie et Tchad) gardent le silence, nonobstant l’implacable vérité de la théorie des dominos. Si Kidal se détache, la contagion sera tous azimuts, notamment en direction de la Casamance. N’empêche, le Sénégal maintient son contingent – précisément à Kidal – et apporte indirectement sa caution au démantèlement du Mali, au sein la MINUSMA que les Maliens pleins d’humour surnomment : Les Forces d’Amusement International au Mali.
Grimace de l’Histoire ou pied-de-nez de l’actualité ? Au moment où l’Afrique s’est vidée de ses chefs d’Etat, tous convoqués par l’ex-colonisateur, Nelson Mandela, vieil avocat et increvable défenseur de la dignité africaine, tire sa révérence. La coïncidence a meublé de gêne et de malaise les visages de nombreux Présidents.
PS : Je signale que le Professeur Thomas Flichy de l’Ecole militaire spéciale de Saint-Cyr (France) a prononcé, au début du mois de décembre, une conférence sur le fédéralisme au Mali, devant les cadres de l’OTAN réunis à Bruxelles. Au-delà de la Méditerranée, on discute déjà du sort du Mali, sans le gouvernement démocratiquement établi du Mali. Voilà l’amitié franco-africaine.
Trente ans après le septennat de Giscard, les moyens sont certes plus robustes (3000 soldats au Mali et 1600 en Centrafrique) ; mais le rôle de la France est inchangé dans une Afrique où les indépendances sont « indépendantristes » selon le mot de l’écrivain libano-guinéen William Sassine. Paris y modifie toujours le cours de l’Histoire, au gré de ses intérêts. Et très souvent, à la demande – situation cocasse et choquante – de gouvernants et/ou d’opposants impuissants devant le chavirement de leurs pays.
La tenue du sommet Afrique-France sur la paix, la sécurité et le développement, du 6 au 7 décembre, donne entièrement raison à Louis de Guiringaud : l’Afrique est la pointure de la France. La chaussure asiatique et la babouche arabe sont un peu grandes pour son pied de Puissance moyenne. Quant à l’Amérique Latine, elle est depuis l’élaboration de la doctrine Monroe, la chasse gardée des USA. Ce n’était donc point étonnant que la France fût, appelée, hier, au Mali ; et qu’elle soit attendue, aujourd’hui, en Centrafrique.
En effet, l’affaissement malien et l’implosion centrafricaine ont démontré tragiquement qu’il n’existe pas de capacité africaine de planification et de conduite d’opérations militaires en toute autonomie. Plus saisissant encore, c’est une France charitable qui annonce sa disponibilité à entrainer 20 000 militaires destinés à la future Force de Réaction Rapide Africaine (FRRA). Question : que deviendront alors les fameuses Forces Africaines en Attente (FAA) ? Télescopage ou dilution de sigles creux ? L’avenir y répondra par la bouche de la France. C’est d’autant plus certain que le récent Rapport des sénateurs Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel s’intitule : « L’Afrique est notre avenir ». Davantage qu’un Rapport fermé, c’est un agenda ouvert.
Le sommet Afrique-France honteusement plus couru que les réunions de l’Union Africaine (40 chefs d’Etat dans la capitale française contre une vingtaine de Présidents ou de chefs de gouvernement présents annuellement à Addis-Abeba) a avalisé de facto tous les agendas cachés ou non de la France. Carte blanche et légitimation aveugle et anticipée de toutes les actions de l’Hexagone sur le continent. Mieux, les chefs d’Etats africains ont octroyé, par leur présence massive à Paris, une virginité nouvelle, c’est-à-dire l’équivalent d’un détergent qui lave et absout la France de toutes les turpitudes anciennes ou récentes qui ont fait le lit des désastres qu’elle est entrain d’endiguer, en tant que sauveur bardé des résolutions de l’ONU. Or, Dieu sait qu’en Centrafrique comme au Mali, – les deux plats de résistance du sommet – la France n’est pas au-dessus de tout soupçon. Bien au contraire.
Centrafrique. Dans les manuels de géographie coloniale, les élèves lisaient Oubangui-Chari, noms de deux cours d’eau par lesquels le colonisateur français a baptisé un territoire enclavé et vaste de plus de 600 000Km2. Un lecteur doté d’une mémoire ferme se souviendra du remarquable texte de l’administrateur et écrivain, René Maran, (un Français d’origine guyanaise) racontant « La mort de Batouala » dans cet Oubangui-Chari qui deviendra, après l’indépendance, la République Centrafricaine ou RCA. Pays qui sera, d’un point de vue stratégique, une pièce maitresse du pré-carré, avec cette espèce de « porte-avions » fixe qu’ont longtemps constitué les bases militaires de Bouar et de Bangui.
Un an avant la proclamation de l’indépendance (1959) la France a politiquement bloqué l’horloge, par l’assassinat du nationaliste et artisan de la souveraineté en gestation : Barthélémy Boganda. Depuis cette date, c’est Paris qui place, déplace, réinstalle, coule, couvre et sécurise les Présidents. Lesquels tiennent davantage de pantins actionnés que de dirigeants responsables. En 1965, David Dacko est balayé par le Colonel Jean-Bedel Bokassa. Foccart très échaudé par les flirts poussés entre Bangui et Pékin, a laissé faire. Mieux, l’Elysée a soutenu Bokassa jusque dans les extrémités de sa mégalomanie teintée de folie ; puisque le ministre de la Coopération d’alors, Robert Galley, a représenté la France au sacre du Napoléon au petit pied de Bangui.
En 1979, la France a déclenché l’opération militaire Barracuda. Les parachutistes du 11ème Choc (unité organiquement liée au SDECE devenu DGSE) renversent Bokassa et réinstallent Dacko. Vingt quatre mois après, en 1981, le Colonel André Kolingba – un officier formé à Mont-Louis – prend ou reçoit (grand mystère) le pouvoir à Bangui. Sans grabuge. Paris est à la manœuvre, puisque le Colonel et barbouze Jean-Claude Mantion sera l’homme fort de Centrafrique durant les 12 ans de présidence Kolingba. Patron de la Garde présidentielle, directeur des services secrets et conseiller financier du chef de l’Etat, Mantion fut le vrai Proconsul ou la pâle figure d’un Général Mac Arthur sous les Tropiques.
En 1990, le multipartisme imposé par le Discours de La Baule (encore la France qui dicte la conduite à tenir) a laissé libre cours à un chaos démocratique et à un vaudeville électoral qui ont débouché sur des mutineries à répétition, tantôt réprimées par l’armée française, tantôt téléguidées par les décideurs parisiens. Et, in fine, fatales au régime du Président élu : Ange-Félix Patassé. Son tombeur et successeur, le Général François Bozizé, est à, son tour, vaincu par la coalition Séléka que ni les Français ni les Tchadiens (poulains des Français) n’ont voulu, par calculs obscurs, militairement freiner. Moralité : la France enfile en Centrafrique, un manteau de sauveur sur un costume mal caché de pyromane. Historiquement, elle a figé la Centrafrique dans un infantilisme politique sans pareil dans le pré-carré.
Mali. Sous la férule du patriote ombrageux Modibo Keita, l’ex-Soudan français avait fermement pris son destin en main, dès l’éclatement de la Fédération du Mali, en août 1960. Option résolument socialiste, décrochage de la zone CFA, rapprochement avec la Chine populaire, solidarité avec le peuple algérien en lutte etc. Bamako est restée longtemps à la lisière du pré-carré. En 1968, le coup d’Etat du Lieutenant Moussa Traoré (futur Général) a généré un réchauffement des relations entre Paris et Bamako, sans provoquer un basculement dans le giron français. C’est plutôt la coopération algéro-malienne qui était à son zénith. Moussa Traoré passait ses vacances à Sidi Ferruch ; tandis que la Sécurité militaire du Colonel Kasdi Merbah épaulait les services de sécurité dirigés par le Colonel Tiécoro Bakayoko.
En 1991, Mitterrand très mécontent du refus de Moussa Traoré de se plier aux injonctions de La Baule (multipartisme immédiatement exigé par la France) a vite placé son homologue malien dans la ligne de mire. Sous le couvert de la Fondation France-Libertés de Danielle Mitterrand, les services secrets français bien représentés à Bamako par l’ambassadeur Didier Roisin, ont placé sur orbite l’ADEMA, un nid de démocrates et de gauchistes ayant pour leader le Professeur Alpha Oumar Konaré. Le scénario est bien peaufiné. Enrôlé et aiguillonné par la France, le Colonel ATT, alors chef des troupes aéroportées, renverse Moussa Traoré et donne le pouvoir à Konaré qui le lui remettra (après deux mandats) dans une sorte ping-pong qui tient plus de la comédie que de la démocratie. Le fameux capitaine Sanogo y mettra un terme dans un contexte d’affaissement inexorable du pays.
En ce mois de décembre 2013, le Mali n’est pas au bout de ses malheurs. Les Maliens se demandent si le libérateur français n’est pas plus nocif que l’occupant djihadiste ou islamiste. Sékou Touré disait : « Changer de tuteur, ce n’est pas se libérer ». Absolument. Au demeurant, c’est le Président IBK qui laisse exploser sa colère dans les colonnes du journal Le Monde : « La présence de troupes étrangères empêche le Mali de rétablir l’autorité de l’Etat à Kidal. La communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens qui ont pris les armes contre l’Etat. Je rappelle que nous sommes un pays indépendant. L’Etat malien est contraint de négocier avec un groupe armé qui s’en vante. Dans quelle commedia dell’arte sommes-nous ? ». Pathétique et limpide. Serval sert plus les desseins de la France que les intérêts du Mali.
Curieusement, les dirigeants de la sous-région se taisent devant le projet français de reconfiguration territoriale du Mali, par la fédération ou par l’amputation de Kidal. Seul le Président Alpha Condé – pourtant proche des socialistes français – a osé dire : « Azawad, connais pas. Je ne connais que le Mali ». Des gouvernements de pays qui ont des fractures Nord-Sud très béantes et parfois saignantes (Sénégal, Togo, Niger, Mauritanie et Tchad) gardent le silence, nonobstant l’implacable vérité de la théorie des dominos. Si Kidal se détache, la contagion sera tous azimuts, notamment en direction de la Casamance. N’empêche, le Sénégal maintient son contingent – précisément à Kidal – et apporte indirectement sa caution au démantèlement du Mali, au sein la MINUSMA que les Maliens pleins d’humour surnomment : Les Forces d’Amusement International au Mali.
Grimace de l’Histoire ou pied-de-nez de l’actualité ? Au moment où l’Afrique s’est vidée de ses chefs d’Etat, tous convoqués par l’ex-colonisateur, Nelson Mandela, vieil avocat et increvable défenseur de la dignité africaine, tire sa révérence. La coïncidence a meublé de gêne et de malaise les visages de nombreux Présidents.
PS : Je signale que le Professeur Thomas Flichy de l’Ecole militaire spéciale de Saint-Cyr (France) a prononcé, au début du mois de décembre, une conférence sur le fédéralisme au Mali, devant les cadres de l’OTAN réunis à Bruxelles. Au-delà de la Méditerranée, on discute déjà du sort du Mali, sans le gouvernement démocratiquement établi du Mali. Voilà l’amitié franco-africaine.