Macky Sall obtient la victoire au premier tour. L’opposition reçoit un double honneur, aussi bien par et pour son score honorable que par et pour son option également honorable et, surtout, hautement patriotique, en faveur de la paix dont les deux vaincus (Idrissa Seck et Ousmane Sonko) s’engagent à être les « artisans ». Le mot est tombé des lèvres du Président de REWMI, à l’issue d’une rencontre avec le Khalife général des mourides (Voir le journal L’OBS du samedi 2 mars 2019). Le vin électoral est donc tiré et bu jusqu’à la lie. Même s’il a manifestement le goût acide et les effets mortels de la ciguë. Indiscutablement, les deux héroïques perdants de l’élection présidentielle ont placé la patrie au-dessus de leurs personnes respectives.
Ces appréciations glorifiantes ne dispensent pas d’une coupe anatomique du scrutin du 24 février et d’une fouille instructive de son torrent de leçons. Un exercice auquel doit immédiatement et longuement se livrer le vainqueur, en l’occurrence, le Président Macky Sall. En effet, le chef de l’Etat réélu se retrouve avec un colossal cahier des charges post-scrutin. Un cahier précisément surchargé de tâches (attentes glissées en filigrane par les votants) et de taches (points noirs suffisamment perceptibles sur les multiples visages du vote) qu’il urge de prendre à bras-le-corps. Les messages codés et les dangers détectés dans cette élection-là ne sont-ils pas plus importants que les chiffres bruts reflétés, de façon aride, par les résultats contestés ou acceptés ?
A l’entame du second mandat – et au vu des 42% de votes protestataires visiblement teintés d’aversion – Macky Sall doit se convaincre que les Sénégalais aiment autant le pain que les libertés, autant la croissance économique que l’ancrage du Droit réellement vécu au quotidien. Durant le mandat écoulé, la glaciation démocratique fut rampante puis galopante. A l’orée du Sommet de la Francophonie de Dakar, en novembre 2014, le Président de la république avait gelé d’autorité, toutes les manifestations, jusqu’à la fin du conclave. Pour quelle raison ? Accueillir calmement des hôtes canadiens et français qui, chez eux, sont perpétuellement confrontés aux manifestations. Au demeurant, le Préfet de police de Paris ne bloque jamais les Sénégalais de France qui manifestent sporadiquement à l’occasion des séjours parisiens de Macky Sall. Bien au contraire. Les policiers français gardent leur air débonnaire devant les immigrés qui conspuent Macky Sall. Autre pays, autres mœurs…de gouvernance !
En guise de rappel, des individus odieux ont profané les tombes d’un cimetière de Pikine. La colère de la population désireuse de manifester – dans le périmètre communal et non à la Place de l’Indépendance, contre les actes crapuleux de profanation et non contre la vie chère – a buté sur l’oukase du Préfet. Un oukase porteur d’interdiction. Ainsi, les Sénégalais ont été subitement transformés en mendiants de la liberté. Eux qui en furent des conquérants, bien avant 2012. Voilà une des facettes du bilan immatériel et négatif qui a pesé dans la balance électorale, au détriment du vainqueur Macky Sall. Il s’y ajoute une actualité judiciaire très foisonnante (les affaires Karim Wade et Khalifa Sall) qui a grandement pollué le septennat du fameux wakh-wakheet et fortement retenti dans les urnes, le 24 février dernier. Plus amplement, le sentiment dominant de nombreux segments de la population est que la gouvernance s’est tristement « duvaliérisée ». Le duvaliérisme (né du règne inénarrable de François Duvalier à Haïti) se traduit par le diptyque : autoritarisme et népotisme. Bref, la lèpre guette la démocratie sénégalaise.
Continuons la fouille du torrent de leçons, en dévoilant encore les taches, c’est-à-dire les points qui ont assez noirci le visage du vote ! Les poussées de fièvre confrériques et les crispations identitaires ont, avec effroi, accroché l’attention des observateurs et vivement alarmé les citoyens. Ce périlleux dévoiement de la vie politique n’est évidemment pas spontané. Il est le fruit de l’accouplement entre la gouvernance déraillée et l’exacerbation outrancière du parti-pris politique. Ce danger, hier, sous-jacent mais endigué, est, aujourd’hui, stimulé et flagrant. Le Sénégal anciennement à l’avant-garde africaine de la l’édification de la nation, campe maintenant, frénétiquement en bordure de l’abime « des identités meurtrières », pour emprunter le vocabulaire de l’écrivain d’origine libanaise, Amine Maalouf. L’inquiétude est d’autant plus grande que les propos de Maitre Moussa Diop – à défaut de provoquer le décapage de la couche de goudron de l’autoroute ILA TOUBA – amorcent le déchiquetage des fondations d’une exceptionnelle symbiose, jusque-là, emblématique et…stabilisatrice du Sénégal.
La victoire du 24 février – même pâle – fait du Président Macky Sall, le maitre du jeu, avec les cartes entre les mains. Il lui revient et lui incombe d’indiquer la direction : le cap requinquant de l’apaisement ou le chemin empierré de la tension. La présente phase est cruciale. Elle requiert un grand savoir-faire. Par bonheur, Idrissa Seck et Ousmane Sonko ne mettent pas des bâtons dans les roues. La personnalité du Premier ministre post-scrutin et la configuration de la prochaine équipe gouvernementale auront valeur de tests et seront des signaux forts. Certes, le Sénégal n’a pas quitté le club des démocraties bien notées sur le continent (Maurice, Botswana, Cap-Vert, les Seychelles etc.) mais il y est de plus en plus à l’étroit. Par conséquent, il est bien urgent que le Président Sall donne un bon et vigoureux coup de barre, au cours du second mandat, afin de quitter, en 2024, la scène de l’Histoire par la grande porte. Sinon, il en sortira par la porte cochère, la fenêtre, la cheminée ou la lucarne.
PS : l’anatomie de la victoire n’est pas incompatible avec l’auscultation de la défaite de l’opposition. Ayons le courage intellectuel de disséquer et le succès et l’échec ! La défaite de l’opposition a bel et bien des ressorts. Abstraction faite du piège juridique (le pervers parrainage), deux choses ont été fatales aux candidats de l’opposition, notamment à Idrissa Seck. Le premier coup dur renvoie à la double posture de boycott et…d’ambiguïté du Président Abdoulaye Wade. Son attitude tactiquement équivoque était concrètement en faveur de Macky Sall. Preuve que le Pape du Sopi place l’amnistie de son fils, Karim Wade, au-dessus de l’alternance à la tête du Sénégal.
Le deuxième élément explicatif est la peur que suscite le Président de REWMI dans la galaxie libérale. Pour les caciques du PDS et pour nombre d’anciens ministres du régime libéral défunt, l’arrivée au pouvoir d’Idrissa Seck constitue une perspective cauchemardesque. Dans les confidences faites en privé, les transhumants disent que Macky Sall traque mal et punit mal. En revanche, la traque, la reddition des comptes et la vengeance sous le magistère d’Idrissa Seck seraient plus méthodiques, plus sophistiquées et plus rudes. En clair, la crème du PDS a peur et a horreur d’Idrissa Seck. Le Général De Gaulle disait : « La peur des communistes et la crainte de la guerre civile (allusion à l’OAS) rangent les Français derrière mon képi ». Chez nous, la peur d’Idrissa Seck a donné un coup d’accélérateur à la transhumance et à la ruée vers le bunker protecteur du Palais de Macky Sall.
Ces appréciations glorifiantes ne dispensent pas d’une coupe anatomique du scrutin du 24 février et d’une fouille instructive de son torrent de leçons. Un exercice auquel doit immédiatement et longuement se livrer le vainqueur, en l’occurrence, le Président Macky Sall. En effet, le chef de l’Etat réélu se retrouve avec un colossal cahier des charges post-scrutin. Un cahier précisément surchargé de tâches (attentes glissées en filigrane par les votants) et de taches (points noirs suffisamment perceptibles sur les multiples visages du vote) qu’il urge de prendre à bras-le-corps. Les messages codés et les dangers détectés dans cette élection-là ne sont-ils pas plus importants que les chiffres bruts reflétés, de façon aride, par les résultats contestés ou acceptés ?
A l’entame du second mandat – et au vu des 42% de votes protestataires visiblement teintés d’aversion – Macky Sall doit se convaincre que les Sénégalais aiment autant le pain que les libertés, autant la croissance économique que l’ancrage du Droit réellement vécu au quotidien. Durant le mandat écoulé, la glaciation démocratique fut rampante puis galopante. A l’orée du Sommet de la Francophonie de Dakar, en novembre 2014, le Président de la république avait gelé d’autorité, toutes les manifestations, jusqu’à la fin du conclave. Pour quelle raison ? Accueillir calmement des hôtes canadiens et français qui, chez eux, sont perpétuellement confrontés aux manifestations. Au demeurant, le Préfet de police de Paris ne bloque jamais les Sénégalais de France qui manifestent sporadiquement à l’occasion des séjours parisiens de Macky Sall. Bien au contraire. Les policiers français gardent leur air débonnaire devant les immigrés qui conspuent Macky Sall. Autre pays, autres mœurs…de gouvernance !
En guise de rappel, des individus odieux ont profané les tombes d’un cimetière de Pikine. La colère de la population désireuse de manifester – dans le périmètre communal et non à la Place de l’Indépendance, contre les actes crapuleux de profanation et non contre la vie chère – a buté sur l’oukase du Préfet. Un oukase porteur d’interdiction. Ainsi, les Sénégalais ont été subitement transformés en mendiants de la liberté. Eux qui en furent des conquérants, bien avant 2012. Voilà une des facettes du bilan immatériel et négatif qui a pesé dans la balance électorale, au détriment du vainqueur Macky Sall. Il s’y ajoute une actualité judiciaire très foisonnante (les affaires Karim Wade et Khalifa Sall) qui a grandement pollué le septennat du fameux wakh-wakheet et fortement retenti dans les urnes, le 24 février dernier. Plus amplement, le sentiment dominant de nombreux segments de la population est que la gouvernance s’est tristement « duvaliérisée ». Le duvaliérisme (né du règne inénarrable de François Duvalier à Haïti) se traduit par le diptyque : autoritarisme et népotisme. Bref, la lèpre guette la démocratie sénégalaise.
Continuons la fouille du torrent de leçons, en dévoilant encore les taches, c’est-à-dire les points qui ont assez noirci le visage du vote ! Les poussées de fièvre confrériques et les crispations identitaires ont, avec effroi, accroché l’attention des observateurs et vivement alarmé les citoyens. Ce périlleux dévoiement de la vie politique n’est évidemment pas spontané. Il est le fruit de l’accouplement entre la gouvernance déraillée et l’exacerbation outrancière du parti-pris politique. Ce danger, hier, sous-jacent mais endigué, est, aujourd’hui, stimulé et flagrant. Le Sénégal anciennement à l’avant-garde africaine de la l’édification de la nation, campe maintenant, frénétiquement en bordure de l’abime « des identités meurtrières », pour emprunter le vocabulaire de l’écrivain d’origine libanaise, Amine Maalouf. L’inquiétude est d’autant plus grande que les propos de Maitre Moussa Diop – à défaut de provoquer le décapage de la couche de goudron de l’autoroute ILA TOUBA – amorcent le déchiquetage des fondations d’une exceptionnelle symbiose, jusque-là, emblématique et…stabilisatrice du Sénégal.
La victoire du 24 février – même pâle – fait du Président Macky Sall, le maitre du jeu, avec les cartes entre les mains. Il lui revient et lui incombe d’indiquer la direction : le cap requinquant de l’apaisement ou le chemin empierré de la tension. La présente phase est cruciale. Elle requiert un grand savoir-faire. Par bonheur, Idrissa Seck et Ousmane Sonko ne mettent pas des bâtons dans les roues. La personnalité du Premier ministre post-scrutin et la configuration de la prochaine équipe gouvernementale auront valeur de tests et seront des signaux forts. Certes, le Sénégal n’a pas quitté le club des démocraties bien notées sur le continent (Maurice, Botswana, Cap-Vert, les Seychelles etc.) mais il y est de plus en plus à l’étroit. Par conséquent, il est bien urgent que le Président Sall donne un bon et vigoureux coup de barre, au cours du second mandat, afin de quitter, en 2024, la scène de l’Histoire par la grande porte. Sinon, il en sortira par la porte cochère, la fenêtre, la cheminée ou la lucarne.
PS : l’anatomie de la victoire n’est pas incompatible avec l’auscultation de la défaite de l’opposition. Ayons le courage intellectuel de disséquer et le succès et l’échec ! La défaite de l’opposition a bel et bien des ressorts. Abstraction faite du piège juridique (le pervers parrainage), deux choses ont été fatales aux candidats de l’opposition, notamment à Idrissa Seck. Le premier coup dur renvoie à la double posture de boycott et…d’ambiguïté du Président Abdoulaye Wade. Son attitude tactiquement équivoque était concrètement en faveur de Macky Sall. Preuve que le Pape du Sopi place l’amnistie de son fils, Karim Wade, au-dessus de l’alternance à la tête du Sénégal.
Le deuxième élément explicatif est la peur que suscite le Président de REWMI dans la galaxie libérale. Pour les caciques du PDS et pour nombre d’anciens ministres du régime libéral défunt, l’arrivée au pouvoir d’Idrissa Seck constitue une perspective cauchemardesque. Dans les confidences faites en privé, les transhumants disent que Macky Sall traque mal et punit mal. En revanche, la traque, la reddition des comptes et la vengeance sous le magistère d’Idrissa Seck seraient plus méthodiques, plus sophistiquées et plus rudes. En clair, la crème du PDS a peur et a horreur d’Idrissa Seck. Le Général De Gaulle disait : « La peur des communistes et la crainte de la guerre civile (allusion à l’OAS) rangent les Français derrière mon képi ». Chez nous, la peur d’Idrissa Seck a donné un coup d’accélérateur à la transhumance et à la ruée vers le bunker protecteur du Palais de Macky Sall.