Le Sénégal est à la veille d'une journée tendue. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer vendredi sur la nouvelle candidature controversée du chef de l'Etat Abdoulaye Wade à la présidentielle. La candidature du président sortant est jugée anticonstitutionnelle par ses opposants et la société civile. Parmi les principaux candidats figurent trois ex-Premiers ministres d'Abdoulaye Wade devenus opposants, Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall, ainsi qu'Ousmane Tanor Dieng, leader du Parti socialiste (PS). Candidat également, la star de la chanson et homme d'affaires Youssou Ndour, lui aussi opposé à la nouvelle candidature d'Abdoulaye Wade. Toute la difficulté pour les cinq "sages" va être de trancher entre deux interprétations de la Constitution, diamétralement opposées, faites par les partisans et les opposants au chef de l'Etat: Elu en 2000, Abdoulaye Wade a été réélu en 2007 pour cinq ans après une réforme constitutionnelle en 2001 qui a institué un quinquennat renouvelable une fois. Mais aujourd'hui, il se représente pour sept ans après le rétablissement, en 2008, du septennat renouvelable une fois, à la suite d'une nouvelle réforme constitutionnelle. Le chantre du "changement" ne veut plus partir Pour ses opposants, cette nouvelle candidature constitue un troisième mandat, et est donc illégale. En face, les partisans d'Abdoulaye Wade affirment que le décompte doit se faire à partir de la première réforme constitutionnelle de 2001 instituant le quinquennat et qu'il s'agit donc d'un second mandat conforme à la Constitution. La candidature du président sortant, âgé de 85 ans, est de plus en plus contestée dans le pays. Elu en 2000 comme candidat -libéral- du "changement" (sopi en wolof) -après 40 ans de pouvoir socialiste-, le président semble ne plus vouloir quitter le pouvoir. En juin dernier, l'opposition l'a fait reculer lorqu'il envisageait de modifier à nouveau la constitution: le projet aurait permis d'élire simultanément, dès cette année, un président et un vice-président sur la base d'un "ticket" qui, pour l'emporter, pouvait ne recueillir au premier tour que 25% des suffrages exprimés. En fait, il s'agissait, selon l'opposition, de préparer une succession dynastique, via Karim Wade, le fils controversé de l'actuel président. "Atteinte au droit de manifester pacifiquement" La validation de la candidature de Wade fait craindre des réactions violentes. Le gouvernement en a donc profité pour interdire toutes les manifestations à caractère politiques à partir de ce jeudi, dernier jour de dépôt des candidatures, jusqu'à lundi. Une décision considérée "illégale", par les principaux dirigeants de l'opposition qui ont appelé "le peuple sénégalais à une résistance active". Et le Mouvement du 23 juin (M23) qui regroupe les partis d'opposition et la société civile -dont le collectif "Y'en a marre"- a appelé à manifester vendredi à Dakar en dépit de cette interdiction. "La Constitution nous autorise à manifester et ne peut pas être abrogée par un arrêté ministériel", en l'occurrence celui du ministre de l'Intérieur, a déclaré Alioune Tine, porte-parole du M23 qui entend par ailleurs "attaquer" cet arrêté "devant la Cour suprême". Selon Amnesty International, "il n'y a pas de justification apparente à cette interdiction qui porte atteinte au droit de manifester pacifiquement". Il s'agit d'une "décision des plus inquiétantes", affirme l'organisation, ajoutant que "le potentiel de déstabilisation est immense". Des déclarations du président Wade publiées jeudi par le site sénégalais d'information en ligne DakarActu risquent d'exacerber les tensions, puisqu'il y affirme qu'il peut "légalement" se présenter non seulement en 2012, mais également "une autre fois en 2019".
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