La chasse à Kadhafi: où pourrait-il se refugier?


Mardi les rebelles libyens ont fixé un ultimatum à l’armée de Mouammar Kadhafi qui défend la ville de Syrte, qui très prochainement tombera. La chasse à Kadhafi pourrait se terminer demain et il serait retrouvé. Il est peut-être déjà mort, ou il sera capturé et jugé, ou il a déjà fui le pays. Tout reste possible en Libye. Le commandement des troupes d’opposition a déjà tué tellement de fois Kadhafi (et annoncé sa fuite), ses fils et ses filles, qu’il a perdu toute crédibilité.

Les possibilités de survie très limitées

Le sort de Kadhafi est sombre dans tous les cas de figure. Telles sont les graves conséquences juridiques de la mondialisation: dans le monde contemporain les dictateurs n’ont pratiquement plus nulle part où aller.

Afin de déterminer où le dictateur pourrait passer le reste de sa vie au calme, on pourrait prendre la liste des 193 membres de l’ONU et rayer: a) les signataires du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI, créée en 2002, 114 pays sur les 139 signataires l’ont ratifié); b) les pays qui refuseraient certainement d’accueillir Kadhafi même s’ils ne reconnaissent pas la juridiction de la CPI (les Etats-Unis, l’Inde, la Russie, la Chine, Israël et certains autres); c) les monarchies pétrolières arabes hostiles au dictateur déchu. Il ne reste que quatre ou cinq pays. Rappelons qu’en juin la CPI a délivré un mandat d’arrêt contre le colonel Mouammar Kadhafi accusé de crime contre l’humanité.

Qui pourrait prendre le colonel sous son aile

L’époque du luxe d'un exil en France dans une villa luxueuse, comme dans le cas de Bébé Doc, Jean-Claude Duvalier, dans les années 1980, ou d'une vie de château au Japon comme dans le cas de l’ex-président péruvien Alberto Fujimori en 2000-2007, est révolue.

Parmi les voisins proches, Kadhafi pourrait être accueilli par l’Arabie saoudite. Elle a toujours aidé ses coreligionnaires, telle est la position officielle du royaume. Les victimes du printemps arabe y ont déjà reçu des titres de séjour: le président tunisien Zine al-Abidine Ben Ali, renversé en janvier, et le président yéménite Ali Abdallah Saleh. Au début des années 1980 y séjournait l’ancien dirigeant ougandais, Idi Amin Dada, le dictateur le plus imposant, le plus imprévisible et le plus sanguinaire d’Afrique à son époque. En fait, il a d’abord fui Kampala en Libye, mais il n’y est pas resté longtemps car il s'est brouillé avec le fougueux Mouammar Kadhafi.

Mais Kadhafi ne vivra certainement pas à Riyad ou dans ses environs (s’il reste encore en vie). Vu qu’en 2009 il a publiquement annoncé que le roi d’Arabie saoudite, Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud, était une marionnette de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, il est peu probable que le royaume accueille le colonel les bras ouverts.

L’Afrique du Sud, avec laquelle Kadhafi et d’autres anciens dictateurs entretenaient de très bonnes relations, ne convient plus. Elle a signé le Statut de Rome, fatal pour tous les dictateurs internationalement recherchés, et l’Afrique du Sud ne voudra certainement pas s’attirer les foudres de la jurisprudence internationale. Le président soudanais Omar el-Béchir, contre qui la CPI a délivré un mandat d’arrêt en 2009, évite même de faire escale sur le territoire sud-africain pendant ses voyages à l’étranger. En mars, l’ex-président haïtien Jean-Bertrand Aristide est revenu d’Afrique du Sud où il vivait en exil depuis 2004.

Johannesburg tient beaucoup à son statut de membre du groupe BRICS (le Brésil, la Russie l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) et ne le mettra pas en jeu en violant ses engagements internationaux.

Pratiquement sans issue

Bien sûr, il existe une faible probabilité que Mouammar Kadhafi parte au Venezuela ou même en Corée du Nord chez ses amis Hugo Chavez ou Kim Jong Il. Mais le Venezuela a signé et ratifié le statut de la CPI. Par ailleurs, Pyongyang et Caracas sont trop éloignés pour que le colonel puisse s’y rendre incognito. Après tout, tous les services spéciaux occidentaux sont à sa recherche.

Kadhafi ne sera pas la première victime des révolutions arabes qui ont éclaté à la fin de l’année dernière. Hormis les présidents tunisien et yéménite mentionnés précédemment, un triste sort attend également l’ex-président égyptien Hosni Moubarak, dont le procès pourrait se terminer par un long emprisonnement ou la peine capitale. De cette manière les portes de l’Egypte sont également fermées pour Mouammar Kadhafi. Quant à la Tunisie, l’homologue de Moubarak y a été condamné avec son épouse à pratiquement 50 ans de réclusion pour divers chefs d’accusation.

Il faut dire que les problèmes de nombreux dictateurs moyen-orientaux et des régions voisines ont commencé bien avant que la toile de la CPI soit tissée dans le monde. Le premier à en faire les frais a été le shah d'Iran Reza Pahlavi, renversé par la révolution islamique de 1979. Il s’est d’abord réfugié au Maroc, aux Bahamas et au Mexique. Puis il s’est rendu aux Etats-Unis pour être soigné en novembre 1979, ce qui a provoqué l’assaut contre l’ambassade américaine à Téhéran par les radicaux islamiques. Il a également vécu quelque temps à Panama. Et seulement ensuite il s’est installé en Egypte où il est décédé en 1980.

Pour l’instant, on sait avec plus ou moins de certitude, que, selon les représentants algériens, le clan de Kadhafi a commencé à quitter le pays. L’épouse de l’ancien dictateur Safia, sa fille Aïcha et les fils Mohamed et Hannibal accompagnés de leurs enfants sont entrés en Algérie par la frontière algéro-libyenne. Le ministère algérien des Affaires étrangères en a déjà informé le secrétaire général de l’ONU et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Les Algériens déclarent que les membres du clan partiront ensuite dans un autre pays: il est clair qu’ils ne veulent pas se brouiller avec un voisin aussi surexcité et armé jusqu’aux dents. Il est impossible de dire où sont les autres enfants de Kadhafi, sa fille et ses quatre fils, et qui est en vie ou non. Mais on le saura très prochainement.

( Rian ) 

Jeudi 1 Septembre 2011