La Tabaski: un moment de folies économiques.


DAKARACTU.COM  Depuis un mois maintenant, Dakar est en folie et les Dakarois sont devenus fous. Doit-on parler des Sénégalais, tant ce phénomène d’extravagances est surtout visible et palpable dans la capitale sénégalaise ? Le Sénégalais n’a en ce moment qu’un seul mot à la bouche : le mouton. Il en rêve la nuit, tous ses efforts, tous ses stratagèmes ne sont dirigés que vers un seul but : avoir son mouton. A n’importe quel prix, et c’est là tout le problème. Du coup, il se crée un climat qui confine à l’obsession, tant au niveau des vendeurs de moutons que des acheteurs. L’élevage sénégalais a sans conteste fait des progrès que l’on constate de visu, nos bêtes étant devenues de véritables spécimens. Cela a donné des idées à de nombreux jeunes qui y voient une source de revenus ponctuels à condition de savoir élever un mouton pour le porter au niveau d’une belle bête rentable. Donc, la Tabaski n’est plus seulement une fête religieuse, c’est devenu un véritable instant de profits. Cette atmosphère de commerce à outrance est renforcée par cette particularité qui fait du Sénégalais un homme prêt à tout pour soigner les apparences. Il est prêt pour des raisons connues de lui seul, qui n’ont plus rien à voir avec ce que la religion lui recommande de faire, à dilapider trois, voire quatre mois de salaire, pour s’enivrer un seul instant du bonheur de pouvoir soupirer en disant : « j’ai eu un beau mouton, j’ai célébré la fête avec faste, les enfants sont contents. » Le nombre est grand de scènes de ménage racontées au Sénégal, qui ont frôlé le divorce parce que le mari avait ramené un mouton qu’il n’était pas possible de présenter à la belle-famille sous peine de honte incommensurable et de bannissement assuré. Ou des scènes qui racontaient comment les enfants avaient passé la nuit à pleurer parce que le mouton que leur père avait acheté était plus petit que le beau bélier du voisin. C’est à pleurer ou à pleurer de rire, c’est selon. Alors les vendeurs s’en donnent à cœur joie. Ils affichent des prix inabordables pour le commun des Sénégalais, mais comme ces derniers sont prêts à tout sacrifier sauf leur honneur, ils savent que leurs moutons trouveront preneurs. Et c’est bien là le problème. Que des personnes nanties se vantent, du moins osent se vanter d’avoir consacré des millions pour un mouton, est un scandale dans un pays confronté toute l’année aux pires difficultés économiques et sociales. Que des vendeurs patentés et célèbres se vantent d’être les fournisseurs des pontes de notre République, qui leur achètent rubis sur l’ongle des moutons à 2 millions, est une obscénité. On frise l’indécence quand on sait que ce n’est en rien une obligation religieuse et que, pour ces sommes-là, ce « riche » pouvait en offrir trois à des nécessiteux, pour un plus grand bénéfice de grâces divines. Est-il normal de sacrifier tout un cheptel en une journée, alors que dans des pays aussi musulmans que nous, et plus riches que nous, comme le Maroc pour ne pas le citer, ces pratiques d’égorgement collectifs ont été réglementées ? Est-il normal que des milliers de Sénégalais, qui n’ont pas les moyens de satisfaire cette recommandation religieuse, passent le plus clair de leur temps et gaspillent tant d’énergies pour avoir de quoi se payer le mouton qui fera leur bonheur en même temps que le début de leurs très prochains problèmes ?
On a juste parlé du mouton. On vous fait grâce de l’angoisse des épouses face à la probabilité de ne pas avoir le Ganila ravageur qui va faire trembler de rage sa coépouse, laquelle ne veut surtout pas redoubler, même pour griller la viande dans ses vêtements de l’an passé. Que dis-je ? de la Korité passée.
Et si tant de gaspillages, de marques d’arrogance, de marques de futilité faisaient que le Créateur, au nom Duquel nous sommes censés faire ces sacrifices, refuse au contraire de couvrir un tel pays de Ses Bienfaits… On devrait se poser la question. 
Dimanche 6 Novembre 2011