Le livre « Solutions » est pavé de contradictions ; quelques-unes sont formelles (des non-sens) et d’autres, plus substantielles, voient l’auteur, au gré des circonstances, dire le contraire d’une position défendue à un autre endroit.
Au rayon des non-sens, deux illustrations peuvent être données. A la page 53 : Monsieur Sonko écrit qu’une fois élu, il mettra en œuvre le « rejet catégorique des APE ». Puis deux paragraphes plus loin, il dit qu’une fois élu, il « exiger[a] un différé d’application des APE ». Rejet ou différé ?
Pareille contradiction apparait également un peu plus haut, aux pages 47 et 48. Monsieur Sonko y décrit son modèle industriel en disant qu’il s’agit « d’une offre ciblée des marchés internes (objectif de substitution aux importations) et des marchés externes (objectif de promotion d’exportations de produits manufacturés) ». Mais à la page 48, il dit exactement le contraire en écrivant que son modèle « transcende le clivage classique théorique entre les modèles d’industrialisation par substitution aux importations ou par promotion des exportations ». Ces exemples, il y en a à foison. L’auteur s’embourbe dans la sophistication de son raisonnement, perd le fil de ses propos et finit par émettre des affirmations formellement contradictoires.
Ces contradictions voisinent avec un autre type, plus substantiel. C’est quand l’auteur, selon ce qui l’arrange, change de point de vue. Il peut reprocher une mesure au Gouvernement puis proposer exactement la même chose un peu plus loin. Tel est par exemple le cas en matière de politique commerciale. Ousmane Sonko -cela est bien connu- est le chantre du protectionnisme (voir, parmi tant d’autres, l’épisode des bons de carburant Elton et Total). C’est donc sans surprise que l’on trouve dans son livre, un projet d’exclusion quasi-totale des entreprises étrangères des marchés publics et un « rachat des entreprises étrangères » (p. 116). Ces mesures, bien qu’inopportunes selon nous, sont cohérentes sous la plume de Monsieur Sonko. Elle participe de la théorie économiquement xénophobe qu’il développe depuis quelques années.
Mais alors qu’il fustige l’existence « des intérêts et du capital étrangers » au Sénégal (p. 45) et prône ouvertement un nationalisme économique, il écrit : qu’une fois élu, il « encourager[a] les investissements directs étrangers » et favorisera (p. 151) la « captation de l’aide publique au développement et des investissements directs étrangers » (p. 53); qu’il nous faut « capter les délocalisations industrielles » européennes (p. 50) ; que le Sénégal devrait pouvoir s’inspirer de pays à population réduite comme « les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse, la Suède, le Danemark qui pourtant ont réussi à se doter d’économies fortes, portées par de puissantes multinationales et captant une part importante d’investissements étrangers » (p. 164). Les pages 154 et 155 de son livre vont même plus loin et sont une véritable profession de foi en l’APD et l’IDE. N’est-ce pas contradictoire et surtout insensé ? Comment capter, les IDE, l’APD, les délocalisations industrielles avec une économie nationaliste, protectionniste et qui stigmatise les investisseurs étrangers ? Quel est véritablement le point de vue de Monsieur Sonko ?
Son discours parait finalement opportuniste. Quand cela sert les intérêts de son raisonnement du moment, il défend le point de vue qu’il fustigeait auparavant. Les exemples sont multiples. Ainsi, sur le Sport, Monsieur Sonko dit qu’il faut « une politique infrastructurelle conséquente car il est impossible de prétendre à la performance si l’Etat, dans un premier temps, ne déploie pas un programme de construction d’infrastructures sportives modernes et multidisciplinaires sur l’étendue du territoire » (p. 88). Or, le 29 juillet 2018, quelques jours avant la parution de « Solutions », dans un discours repris par différents médias de la place, Monsieur Sonko reprochait au Gouvernement d’avoir construit une arène nationale. Il disait qu’il fallait plutôt investir dans la construction d’universités laissant entendre que les infrastructures sportives n’étaient pas une priorité. Une contradiction de plus, d’autant plus curieuse que dans son livre, à la page 158, il reproche au gouvernement « la construction d’universités supplémentaires ».
Comme autre exemple, on peut citer ses propositions sur la fiscalité des salaires. Il commence d’abord par regretter que les travailleurs salariés supportent « un lourd fardeau fiscal » (p. 182). Mais à la page suivante, il déplore la réforme fiscale de l’actuel gouvernement qui a eu pour effet, dit-il, « une baisse substantielle de l’impôt sur le revenu, notamment au profit des salariés ». Il promet, dès lors, à la même page, une fois élu, une hausse des impôts sur les « salaires moyens » notamment.
Enfin comme dernier exemple dans la catégorie « contradictions », Monsieur Sonko promet, s’il est élu, une redynamisation de la construction de lignes de chemin de fer (p. 162). Pourtant, dans une interview du 09 avril 2018 (sourceainfo.com), il affirmait que l’investissement dans les infrastructures ferroviaires n’était pas opportun.
Ces contradictions trahissent chez son auteur une posture purement politicienne. Les points de vue sont fonction de l’opportunité. L’on fait peu de cas de la vérité. Peu importe que les mesures critiquées aillent dans le bon sens. Il ne faut rien reconnaître de positif au Gouvernement.
La méthode Sonko nous fait penser à celle de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche. Le héros de Cervantès se rêvait chevalier, combattant les mauvaises gens. Il s’est alors construit un adversaire imaginaire à qui il a prêté tous les défauts qu’il entendait combattre. Il s’est à partir de là senti tout à son aise de le pourfendre. Dans « Solutions », Monsieur Sonko prête à son « adversaire » toutes sortes de tares, supposées ou inventées. Puis il se fait fort de les dénoncer, souvent en affirmant des choses fausses. Quand il dit par exemple que le budget de la CMU a été amputé de 10 milliards de francs en 2018 (p. 173), il dit une contrevérité. Au contraire, le budget de la CMU a connu une hausse de 30% en 2018 et une hausse de 54% a été inscrite pour 2019, soit un doublement des ressources du programme entre 2016 et 2019.
Des données tronquées
Une démarche voisine de celle-ci revient également assez souvent dans le livre. L’auteur y donne des informations partielles, des données anciennes en faisant croire qu’elles sont récentes ou encore emprunte beaucoup de raccourcis.
C’est le cas quand il compare les niveaux d’endettement public de 2012 et de 2017 (p. 15). La manière induit sciemment le lecteur en erreur. En écrivant que le taux d’endettement est passé de 41% à 61%, Monsieur Sonko passe d’abord sous silence que le taux d’endettement de 2012 était en très forte croissance mais surtout que son niveau n’était pas lié à une politique de maîtrise de la dette mais à d’autres facteurs. En effet, à la suite des accords internationaux de réduction et d’annulation de dettes de 2004 et 2006 (Initiative Pays Pauvres Très Endettés et Initiative Allègement de la Dette Multilatérale (IADM), la dette publique est passée de 78% du PIB en 2000 à 20,9% en 2006. Le Sénégal a alors pu s’endetter à nouveau pour financer sa politique d’investissement,. Et la dette, en six ans, a triplé en valeur absolue, passant de 1 022,7 milliards en 2006 à 3 076 milliards en 2012, et doublé en valeur relative passant de 20,9% à 42,9% du PIB. Les chiffres de Sonko sont tronqués car le service de la dette totale rapporté aux recettes budgétaires était de 46,8% en 2012 alors qu’il s’est situé à 33,7% en 2017.
Des données dépassées
C’est aussi pour tenter de donner une image négative de l’action du Gouvernement qu’il cite des données anciennes ou qui sont aujourd’hui dépassées. Sur le taux de pauvreté à Kolda (p. 16), il cite les chiffres antérieurs à 2012, sans le préciser. Même chose sur le Tourisme, où il cite les données de 2012 (p. 84) alors que les derniers chiffres parus en 2017 montrent qu’entre 2012 et 2016, il y a eu une hausse des entrées sur le territoire de près de 40% et une augmentation des recettes de 37%. Sur le ratio cotisant retraité, Monsieur Sonko écrit que celui-ci était au début des années 1990 à 5 cotisants pour un retraité et est à 2,5 pour un en 2011 (p. 174), donnant exprès de mauvais chiffres alors que les données de 2015 parlent d’un ratio de 5 pour 1.
Sur le poids des investissements étrangers au Sénégal, Monsieur Sonko tente également de faire accroire qu’il y a une « prédominance des intérêts et du capital étrangers » au Sénégal (p. 45). Mais cela n’est pas exact. Le recensement général des entreprises de 2016 a montré que les étrangers ne détiennent que 26,5% du capital social des entreprises qui interviennent au Sénégal.
Des solutions faussement nouvelles
A côté des contradictions et des inexactitudes, il y a dans « Solutions », beaucoup d’idées faussement nouvelles. Son auteur propose de créer des choses qui existent déjà. Par exemple, pour les femmes de ménage, quand Monsieur Sonko envisage de revaloriser leur rémunération au SMIC, au moins théoriquement, en y intégrant les avantages en nature (p. 176), il propose une mesure qui existe au Sénégal depuis… 1968. En effet, l’article 11 de l’arrêté ministériel n° 974 M.F.P.T. du 23 Janvier 1968 modifié, détermine le régime juridique des avantages en nature et a prévu depuis maintenant 40 ans, ce que Monsieur Sonko propose.
Idée faussement nouvelle donc, comme c’est le cas de sa proposition de créer une retraite complémentaire pour les fonctionnaires (p. 180). L’Assemblée nationale a voté en juin 2018 le projet de loi que lui a soumis le Gouvernement et qui crée un régime complémentaire pour la retraite des fonctionnaires.
« Solutions » comporte également plusieurs emprunts au PSE. Les pôles locaux de compétitivité et les clusters (p.159) dont parle Monsieur Sonko figurent dans le PSE et sont déjà à l’œuvre ; la nécessité d’accorder plus d’importance aux filières scientifiques (p. 169) est aussi en bonne place dans le PSE (n° 359). Sur l’agriculture, l’élevage, la pêche, les fausses nouvelles idées sont nombreuses. Mauvaise-foi ou méconnaissance ?
Sur la protection sociale, c’est certainement par méconnaissance des dispositifs existant que Monsieur Sonko affirme qu’il n’existe aucun régime de couverture maladie destiné aux travailleurs du secteur informel. La preuve de cette méconnaissance apparait quand il dit « s’approprier pleinement l’objectif général » de la Stratégie nationale de protection sociale qui est une couverture de 50% (p. 173-174). Le taux de couverture est déjà à ce niveau et l’objectif fixé aujourd’hui par le Président de la République est de 75% pour 2021.
Monsieur Sonko n’est pas en terrain connu quand il parle de protection sociale. Plus globalement, sur les questions de Capital humain, on sent l’auteur de « Solutions » très peu à son aise. Dans tout le livre, rien n’est dit sur la Santé publique, pas un seul paragraphe. Quant à son projet éducatif, Monsieur Sonko ne lui consacre qu’à peine deux pages et demi, sur les 233 que compte le livre (pp. 167 à 169). Mais au-delà de la concision des développements, c’est la vacuité des propositions qui marque le plus. Il y a une litanie de généralités et de lieux communs. L'enchainement de certaines affirmations non expliquées, des ambitions non étayées donne l'impression de lire un recueil de vœux pieux. Il n’y a aucune originalité dans les propositions et ce pourrait bien être écrit par Monsieur-tout-le-monde.
Sur ces questions de développement du Capital humain, le reproche que Monsieur Sonko fait dans les premières pages du livre (p.17) pourrait lui être retourné : il y écrit que les « politiques publiques menées au Sénégal sur la période 1960-2018 révèlent un manque d’ambition, de vision et une faiblesse structurelle des options ».
Un discours inélégant
Ce type de propos, plein de condescendance, adressés à des générations de hauts fonctionnaires, est aussi une des caractéristiques du livre. Il y a un nihilisme dans le discours de Monsieur Sonko. A l’entendre, aucune réflexion pertinente n’a été menée depuis 1960. Le reproche est nimbé de mépris. C’est à l’image d’une grande partie de l’ouvrage. La courtoisie est souvent absente ; l’injure jamais bien loin ; et à chaque fois, l’outrage est gratuit. C’est par exemple, sans raison, qu’il accuse le « patronat hôtelier » de se livrer « à l’affairisme, au trafic d’influence, au chantage et à la roublardise » (p. 85).
Quand le discours porte sur les étrangers, il est stigmatisant. Sans doute faudrait-il s’attendre à une diplomatie de l’injure, de la stigmatisation et de la provocation. L’auteur cloue au pilori la France (p. 148), le Nigéria (p. 145), « les dirigeants de la zone » UEMOA qui souffrent d’un « complexe de dominé » (p. 147).
Le ton du livre est globalement guerrier, les propos clivants. Nul n’est ménagé, sauf ses partisans. Il oppose ainsi dans l’Administration (p. 22) les bons fonctionnaires qui sont dans PASTEF, pouvant « se prévaloir d’une image irréprochable » et les mauvais qui sont dans l’APR avec « la particularité de trainer des casseroles ». Il dit, pour finir, qu’il y a une différence entre « un militantisme patriotique dans PASTEF et le militantisme népotiste et occulte dans l’APR » (p. 22).
L’injure et l’outrage ne sont jamais bien loin dans l’ouvrage. C’est ainsi, assez gratuitement, que le patronat hôtelier en prend également pour son grade ; on le soupçonne de se livrer
Il y a beaucoup à dire sur le livre « Solutions ». La stratégie fiscale, le programme agricole, la politique monétaire, les dispositifs de sécurité intérieure proposés sont tous discutables. Même le titre est critiquable. Le livre, Monsieur Sonko le dit lui-même, c’est la « synthèse de [sa] vision du Sénégal » (p. 39). Ce n’est pas un livre-programme. Regrettons dès lors qu’il l’ait si mal nommé. D’un livre intitulé « Solutions », on aurait attendu qu’il soit un manifeste, que l’on y trouve le détail de l’offre politique du candidat. Au lieu de quoi, l’auteur nous annonce que le lecteur devra se contenter d’esquisses de points de vue. Attendons la suite ; le livre-programme. Il y aura peut-être suffisamment de matière pour engager un débat sur le fond.
Bocar Mamadou DAFF, APR, Kanel
Mamadou Selly LY, COMEVA, Sacré-cœur 3.
Au rayon des non-sens, deux illustrations peuvent être données. A la page 53 : Monsieur Sonko écrit qu’une fois élu, il mettra en œuvre le « rejet catégorique des APE ». Puis deux paragraphes plus loin, il dit qu’une fois élu, il « exiger[a] un différé d’application des APE ». Rejet ou différé ?
Pareille contradiction apparait également un peu plus haut, aux pages 47 et 48. Monsieur Sonko y décrit son modèle industriel en disant qu’il s’agit « d’une offre ciblée des marchés internes (objectif de substitution aux importations) et des marchés externes (objectif de promotion d’exportations de produits manufacturés) ». Mais à la page 48, il dit exactement le contraire en écrivant que son modèle « transcende le clivage classique théorique entre les modèles d’industrialisation par substitution aux importations ou par promotion des exportations ». Ces exemples, il y en a à foison. L’auteur s’embourbe dans la sophistication de son raisonnement, perd le fil de ses propos et finit par émettre des affirmations formellement contradictoires.
Ces contradictions voisinent avec un autre type, plus substantiel. C’est quand l’auteur, selon ce qui l’arrange, change de point de vue. Il peut reprocher une mesure au Gouvernement puis proposer exactement la même chose un peu plus loin. Tel est par exemple le cas en matière de politique commerciale. Ousmane Sonko -cela est bien connu- est le chantre du protectionnisme (voir, parmi tant d’autres, l’épisode des bons de carburant Elton et Total). C’est donc sans surprise que l’on trouve dans son livre, un projet d’exclusion quasi-totale des entreprises étrangères des marchés publics et un « rachat des entreprises étrangères » (p. 116). Ces mesures, bien qu’inopportunes selon nous, sont cohérentes sous la plume de Monsieur Sonko. Elle participe de la théorie économiquement xénophobe qu’il développe depuis quelques années.
Mais alors qu’il fustige l’existence « des intérêts et du capital étrangers » au Sénégal (p. 45) et prône ouvertement un nationalisme économique, il écrit : qu’une fois élu, il « encourager[a] les investissements directs étrangers » et favorisera (p. 151) la « captation de l’aide publique au développement et des investissements directs étrangers » (p. 53); qu’il nous faut « capter les délocalisations industrielles » européennes (p. 50) ; que le Sénégal devrait pouvoir s’inspirer de pays à population réduite comme « les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse, la Suède, le Danemark qui pourtant ont réussi à se doter d’économies fortes, portées par de puissantes multinationales et captant une part importante d’investissements étrangers » (p. 164). Les pages 154 et 155 de son livre vont même plus loin et sont une véritable profession de foi en l’APD et l’IDE. N’est-ce pas contradictoire et surtout insensé ? Comment capter, les IDE, l’APD, les délocalisations industrielles avec une économie nationaliste, protectionniste et qui stigmatise les investisseurs étrangers ? Quel est véritablement le point de vue de Monsieur Sonko ?
Son discours parait finalement opportuniste. Quand cela sert les intérêts de son raisonnement du moment, il défend le point de vue qu’il fustigeait auparavant. Les exemples sont multiples. Ainsi, sur le Sport, Monsieur Sonko dit qu’il faut « une politique infrastructurelle conséquente car il est impossible de prétendre à la performance si l’Etat, dans un premier temps, ne déploie pas un programme de construction d’infrastructures sportives modernes et multidisciplinaires sur l’étendue du territoire » (p. 88). Or, le 29 juillet 2018, quelques jours avant la parution de « Solutions », dans un discours repris par différents médias de la place, Monsieur Sonko reprochait au Gouvernement d’avoir construit une arène nationale. Il disait qu’il fallait plutôt investir dans la construction d’universités laissant entendre que les infrastructures sportives n’étaient pas une priorité. Une contradiction de plus, d’autant plus curieuse que dans son livre, à la page 158, il reproche au gouvernement « la construction d’universités supplémentaires ».
Comme autre exemple, on peut citer ses propositions sur la fiscalité des salaires. Il commence d’abord par regretter que les travailleurs salariés supportent « un lourd fardeau fiscal » (p. 182). Mais à la page suivante, il déplore la réforme fiscale de l’actuel gouvernement qui a eu pour effet, dit-il, « une baisse substantielle de l’impôt sur le revenu, notamment au profit des salariés ». Il promet, dès lors, à la même page, une fois élu, une hausse des impôts sur les « salaires moyens » notamment.
Enfin comme dernier exemple dans la catégorie « contradictions », Monsieur Sonko promet, s’il est élu, une redynamisation de la construction de lignes de chemin de fer (p. 162). Pourtant, dans une interview du 09 avril 2018 (sourceainfo.com), il affirmait que l’investissement dans les infrastructures ferroviaires n’était pas opportun.
Ces contradictions trahissent chez son auteur une posture purement politicienne. Les points de vue sont fonction de l’opportunité. L’on fait peu de cas de la vérité. Peu importe que les mesures critiquées aillent dans le bon sens. Il ne faut rien reconnaître de positif au Gouvernement.
La méthode Sonko nous fait penser à celle de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche. Le héros de Cervantès se rêvait chevalier, combattant les mauvaises gens. Il s’est alors construit un adversaire imaginaire à qui il a prêté tous les défauts qu’il entendait combattre. Il s’est à partir de là senti tout à son aise de le pourfendre. Dans « Solutions », Monsieur Sonko prête à son « adversaire » toutes sortes de tares, supposées ou inventées. Puis il se fait fort de les dénoncer, souvent en affirmant des choses fausses. Quand il dit par exemple que le budget de la CMU a été amputé de 10 milliards de francs en 2018 (p. 173), il dit une contrevérité. Au contraire, le budget de la CMU a connu une hausse de 30% en 2018 et une hausse de 54% a été inscrite pour 2019, soit un doublement des ressources du programme entre 2016 et 2019.
Des données tronquées
Une démarche voisine de celle-ci revient également assez souvent dans le livre. L’auteur y donne des informations partielles, des données anciennes en faisant croire qu’elles sont récentes ou encore emprunte beaucoup de raccourcis.
C’est le cas quand il compare les niveaux d’endettement public de 2012 et de 2017 (p. 15). La manière induit sciemment le lecteur en erreur. En écrivant que le taux d’endettement est passé de 41% à 61%, Monsieur Sonko passe d’abord sous silence que le taux d’endettement de 2012 était en très forte croissance mais surtout que son niveau n’était pas lié à une politique de maîtrise de la dette mais à d’autres facteurs. En effet, à la suite des accords internationaux de réduction et d’annulation de dettes de 2004 et 2006 (Initiative Pays Pauvres Très Endettés et Initiative Allègement de la Dette Multilatérale (IADM), la dette publique est passée de 78% du PIB en 2000 à 20,9% en 2006. Le Sénégal a alors pu s’endetter à nouveau pour financer sa politique d’investissement,. Et la dette, en six ans, a triplé en valeur absolue, passant de 1 022,7 milliards en 2006 à 3 076 milliards en 2012, et doublé en valeur relative passant de 20,9% à 42,9% du PIB. Les chiffres de Sonko sont tronqués car le service de la dette totale rapporté aux recettes budgétaires était de 46,8% en 2012 alors qu’il s’est situé à 33,7% en 2017.
Des données dépassées
C’est aussi pour tenter de donner une image négative de l’action du Gouvernement qu’il cite des données anciennes ou qui sont aujourd’hui dépassées. Sur le taux de pauvreté à Kolda (p. 16), il cite les chiffres antérieurs à 2012, sans le préciser. Même chose sur le Tourisme, où il cite les données de 2012 (p. 84) alors que les derniers chiffres parus en 2017 montrent qu’entre 2012 et 2016, il y a eu une hausse des entrées sur le territoire de près de 40% et une augmentation des recettes de 37%. Sur le ratio cotisant retraité, Monsieur Sonko écrit que celui-ci était au début des années 1990 à 5 cotisants pour un retraité et est à 2,5 pour un en 2011 (p. 174), donnant exprès de mauvais chiffres alors que les données de 2015 parlent d’un ratio de 5 pour 1.
Sur le poids des investissements étrangers au Sénégal, Monsieur Sonko tente également de faire accroire qu’il y a une « prédominance des intérêts et du capital étrangers » au Sénégal (p. 45). Mais cela n’est pas exact. Le recensement général des entreprises de 2016 a montré que les étrangers ne détiennent que 26,5% du capital social des entreprises qui interviennent au Sénégal.
Des solutions faussement nouvelles
A côté des contradictions et des inexactitudes, il y a dans « Solutions », beaucoup d’idées faussement nouvelles. Son auteur propose de créer des choses qui existent déjà. Par exemple, pour les femmes de ménage, quand Monsieur Sonko envisage de revaloriser leur rémunération au SMIC, au moins théoriquement, en y intégrant les avantages en nature (p. 176), il propose une mesure qui existe au Sénégal depuis… 1968. En effet, l’article 11 de l’arrêté ministériel n° 974 M.F.P.T. du 23 Janvier 1968 modifié, détermine le régime juridique des avantages en nature et a prévu depuis maintenant 40 ans, ce que Monsieur Sonko propose.
Idée faussement nouvelle donc, comme c’est le cas de sa proposition de créer une retraite complémentaire pour les fonctionnaires (p. 180). L’Assemblée nationale a voté en juin 2018 le projet de loi que lui a soumis le Gouvernement et qui crée un régime complémentaire pour la retraite des fonctionnaires.
« Solutions » comporte également plusieurs emprunts au PSE. Les pôles locaux de compétitivité et les clusters (p.159) dont parle Monsieur Sonko figurent dans le PSE et sont déjà à l’œuvre ; la nécessité d’accorder plus d’importance aux filières scientifiques (p. 169) est aussi en bonne place dans le PSE (n° 359). Sur l’agriculture, l’élevage, la pêche, les fausses nouvelles idées sont nombreuses. Mauvaise-foi ou méconnaissance ?
Sur la protection sociale, c’est certainement par méconnaissance des dispositifs existant que Monsieur Sonko affirme qu’il n’existe aucun régime de couverture maladie destiné aux travailleurs du secteur informel. La preuve de cette méconnaissance apparait quand il dit « s’approprier pleinement l’objectif général » de la Stratégie nationale de protection sociale qui est une couverture de 50% (p. 173-174). Le taux de couverture est déjà à ce niveau et l’objectif fixé aujourd’hui par le Président de la République est de 75% pour 2021.
Monsieur Sonko n’est pas en terrain connu quand il parle de protection sociale. Plus globalement, sur les questions de Capital humain, on sent l’auteur de « Solutions » très peu à son aise. Dans tout le livre, rien n’est dit sur la Santé publique, pas un seul paragraphe. Quant à son projet éducatif, Monsieur Sonko ne lui consacre qu’à peine deux pages et demi, sur les 233 que compte le livre (pp. 167 à 169). Mais au-delà de la concision des développements, c’est la vacuité des propositions qui marque le plus. Il y a une litanie de généralités et de lieux communs. L'enchainement de certaines affirmations non expliquées, des ambitions non étayées donne l'impression de lire un recueil de vœux pieux. Il n’y a aucune originalité dans les propositions et ce pourrait bien être écrit par Monsieur-tout-le-monde.
Sur ces questions de développement du Capital humain, le reproche que Monsieur Sonko fait dans les premières pages du livre (p.17) pourrait lui être retourné : il y écrit que les « politiques publiques menées au Sénégal sur la période 1960-2018 révèlent un manque d’ambition, de vision et une faiblesse structurelle des options ».
Un discours inélégant
Ce type de propos, plein de condescendance, adressés à des générations de hauts fonctionnaires, est aussi une des caractéristiques du livre. Il y a un nihilisme dans le discours de Monsieur Sonko. A l’entendre, aucune réflexion pertinente n’a été menée depuis 1960. Le reproche est nimbé de mépris. C’est à l’image d’une grande partie de l’ouvrage. La courtoisie est souvent absente ; l’injure jamais bien loin ; et à chaque fois, l’outrage est gratuit. C’est par exemple, sans raison, qu’il accuse le « patronat hôtelier » de se livrer « à l’affairisme, au trafic d’influence, au chantage et à la roublardise » (p. 85).
Quand le discours porte sur les étrangers, il est stigmatisant. Sans doute faudrait-il s’attendre à une diplomatie de l’injure, de la stigmatisation et de la provocation. L’auteur cloue au pilori la France (p. 148), le Nigéria (p. 145), « les dirigeants de la zone » UEMOA qui souffrent d’un « complexe de dominé » (p. 147).
Le ton du livre est globalement guerrier, les propos clivants. Nul n’est ménagé, sauf ses partisans. Il oppose ainsi dans l’Administration (p. 22) les bons fonctionnaires qui sont dans PASTEF, pouvant « se prévaloir d’une image irréprochable » et les mauvais qui sont dans l’APR avec « la particularité de trainer des casseroles ». Il dit, pour finir, qu’il y a une différence entre « un militantisme patriotique dans PASTEF et le militantisme népotiste et occulte dans l’APR » (p. 22).
L’injure et l’outrage ne sont jamais bien loin dans l’ouvrage. C’est ainsi, assez gratuitement, que le patronat hôtelier en prend également pour son grade ; on le soupçonne de se livrer
Il y a beaucoup à dire sur le livre « Solutions ». La stratégie fiscale, le programme agricole, la politique monétaire, les dispositifs de sécurité intérieure proposés sont tous discutables. Même le titre est critiquable. Le livre, Monsieur Sonko le dit lui-même, c’est la « synthèse de [sa] vision du Sénégal » (p. 39). Ce n’est pas un livre-programme. Regrettons dès lors qu’il l’ait si mal nommé. D’un livre intitulé « Solutions », on aurait attendu qu’il soit un manifeste, que l’on y trouve le détail de l’offre politique du candidat. Au lieu de quoi, l’auteur nous annonce que le lecteur devra se contenter d’esquisses de points de vue. Attendons la suite ; le livre-programme. Il y aura peut-être suffisamment de matière pour engager un débat sur le fond.
Bocar Mamadou DAFF, APR, Kanel
Mamadou Selly LY, COMEVA, Sacré-cœur 3.
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