L’Etat va-t-il payer 18 milliards indus à Pape Aly Guéye ? (Par Cheikh Yérim Seck).


DAKARACTU.COM  Le ministre d’Etat chargé de l’Economie et des Finances a refusé de débloquer le moindre penny pour éponger une dette qui n’en est pas une. Le 16 septembre, Abdoulaye Diop a violemment éconduit un businessman dépêché auprès de lui par Pape Aly Guéye pour lui proposer un pourboire mirobolant s’il ordonne le paiement. Le grand argentier du pays est sur la même position que le Fonds monétaire international, l’Agence française de développement (AFD) et tous les partenaires du Sénégal qui s’opposent au déblocage de 18 milliards de francs cfa pour payer « l’homme d’affaires » Guéye sur la base d’un dossier monté de toutes pièces qui ne correspond à aucune prestation réellement effectuée au profit de la Société nationale de distribution d’énergie électrique (Senelec).
Président du conseil d’administration de la Senelec, Cheikh Tidiane Mbaye est plus radical. A un « démarcheur » que lui a envoyéPape Aly Guéye, il a répondu que non seulement ce dernier ne va être payé, mais qu’il doit être poursuivi pour avoir perçu depuis plusieurs années des dizaines de milliards pour des prestations fictives ou incomplètes. Proche de Samuel Sarr, directeur général de la Senelec de septembre 2003 à décembre 2006 puis ministre de l’Energie d’avril 2007 à octobre 2010, Pape Aly Guéye a bénéficié à flux tendus de marchés de gré-à-gré à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de francs cfa, alors que son entreprise, Myna-Distribution, n’a aucune expertise sur les questions d’électricité et d’énergie. Rien que pour la période de 2005 à 2010, il s’est fait payer pas moins de 22 milliards de francs cfa sur la base de marchés de gré-à-gré pas ou sous-exécutés, selon le rapport d’une mission menée par le Contrôle général de la Senelec.
Pape Aly Guéye est l’un de ces businessmen secrétés par l’alternance, passés à une vitesse supersonique de la pauvreté à la richesse, gavés de milliards issus de marchés de gré-à-gré et autres formes d’enrichissement facile. Ami de Samuel Sarr, cité dans une affaire de blanchiment d’argent portant sur 70 milliards de francs cfa, il est l’époux de la fille de Mbackiyou Faye, un proche du président du Sénat et businessman Pape Diop, qui fut au cœur du plus gros et plus juteux scandale foncier de l’histoire du Sénégal.
Pour des livraisons douteuses de poteaux, transformateurs, compteurs-machines, appareillages véhicules…, Pape Aly Guéye s’est vu octroyer, bras long oblige, des traites pour 18 milliards de francs cfa qu’il a fait payer par des banques. Mais le Trésor public ne suit pas cette fois-ci. Et à juste titre. Le pillage a trop duré.
Les banques qui avaient accepté les traites (Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal, Société générale de banques du Sénégal, Banque de l’ouest africain et Banque islamique du Sénégal) se retournent aujourd’hui contre le sulfureux  businessman. Dakaractu a pu consulter un rapport d’expertise des biens immobiliers de Pape Aly Guéye commandité en prévision de leur saisie. En moins de cinq ans, ce nouveau riche s’est constitué un patrimoine immobilier à vous couper le souffle.
Celui qui, avant d’être présenté à Samuel Sarr en 2003, tirait le diable par la queue, possède aujourd’hui la SCI Azur, propriétaire des immeubles suivants : Azur 1, sur la rue Carnot, au centre-ville de Dakar, estimé à 3 milliards ; Azur 2, aux Almadies, 3,5 milliards ; Azur 3, toujours aux Almadies, 3,8 milliards et Azur 4, Virage de Ngor, 2,4 milliards. Sans compter son immense domaine qui jouxte la résidence de l’ambassadeur des Etats-Unis, dans le quartier huppé des Almadies bien sûr, où il a érigé deux villas jumelées pour ses deux épouses. Même dans la République la plus bananière, le fisc et l’organisme anti-blanchiment se seraient intéressés à cet immobilier insolent brutalement sorti de terre.
Pape Aly Guéye, qui a déjà usé des 18 milliards, multiplie les manœuvres pour recouvrer ce montant afin d’échapper aux saisies des banques. Et aurait reçu l’assurance d’un des dirigeants du ministère de l’Energie qu’il va être payé. En contrepartie de quoi et de combien ? A entendre son entourage, le businessman aurait également remis 100 millions de francs cfa à un ministre d’Etat pour qu’il l’introduise auprès du chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, et l’aide à diligenter son paiement.
Abdoulaye Diop, acceptera-t-il qu’on lui torde la main ? Cautionnera-t-il un préjudice financier aussi grave au détriment du Trésor public ? Dakaractu vous promet un suivi millimétré de ce dossier.
Pape Aly Guéye a causé suffisamment de dégâts pour en allonger la liste. Pour avoir refusé de lui signer un contrat de 9 milliards, Modibo Diop, alors directeur de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (Aser), est embastillé à Rebeuss depuis plusieurs mois. En outre, le rapport de la Cour des comptes sorti en décembre 2010 a dénoncé « le non-respect par l’entreprise Myna Distribution de ses engagements contractuels pour la livraison des différents matériels et accessoires de réseau ; les multiples faveurs accordées à l’entreprise Myna Distribution au détriment des intérêts de la Senelec ; le niveau élevé du seuil de tolérance de 20% pour les commandes de matériels… ». La Cour a recommandé au ministre de la Justice de diligenter « une enquête judiciaire sur les relations d’affaires entre Myna Distribution et la Senelec sur la période 2003-2009 ».
Si Pape Aly Guéye, qui continue malgré tout à couler une paisible impunité, avec ses complices, arrive à corrompre pour se faire octroyer 18 autres milliards indus, ce sera l’une des plus graves escroqueries sous l’ère de l’alternance.
 
 
Dimanche 25 Septembre 2011