Le pouvoir est-il si grisant au point de faire perdre la tête à nos dirigeants ? En tout cas, tout le laisse croire car dès qu’ils le touchent, ils deviennent accrocs et ne comptent plus décrocher quitte à mourir... d’overdose. Le goût immodéré des Africains pour le pouvoir aura conduit certains chefs d’Etat aux pires excès et dérives. C’est fort à propos que Jacques Attali soutient : «L’exercice du pouvoir grossit les caractères des êtres comme la loupe ceux de l’imprimerie. Il est une drogue qui rend fou quiconque s’y complait. Aveuglées par les phares de la renommée, les chenilles dévouées ont tôt fait de se métamorphoser en vaniteux papillons.»
Dès lors, on comprend mieux le comportement extravagant de nos dirigeants ivres de pouvoir; des mégalomanes en passant par les bouffons, sans oublier les sanguinaires et les génocidaires ; le continent africain aura connu toutes sortes de présidents. Mobutu Sese Seko, Idi Amin Dada, Jean Bedel Bokassa, Charles Taylor, Samuel Doe, Hissein Habré, Moussa Traoré, Lansana Conté, Dadis Camara, Ben Ali, Hosni Moubarak, Laurent Gbagbo… sont des exemples assez illustratifs et leur soif inextinguible de pouvoir les aura conduits aux pires atrocités. Franchement l’Africain aime le pouvoir, c’est pourquoi une fois installé aux commandes, sa seule et unique préoccupation devient sa conservation. Pour parvenir à ses fins, tous les moyens sont bons; tripatouillage de la constitution, truquage des élections, intimidation ou élimination d’un rival; la méthode est partout la même. Pour pérenniser leur règne, ils ont adopté à l’unanimité la même stratégie qui consiste à conforter une partie des chefs de l’armée, de la police et des magistrats dans des positions de privilégiés par l’octroi de largesses et d’avantages divers pour les inciter à mater sévèrement les contestataires. Le drame chez les chefs d’Etat africains est qu’ils sont tous sensibles à la gloriole. Entourés par une cohorte de thuriféraires experts en louanges et flagorneries, ils finissent souvent par tomber sous le charme de leur baratin. A bien considérer les choses, on peut reconnaître que Senghor avait raison de dire que «l’émotion est nègre, la raison hellène».
Parce que contrairement aux Toubabs qui dirigent avec la raison, les chefs d’Etat africains gouvernent avec leurs émotions viscérales ; se prenant pour des demi-dieux, ils se croient investis du droit de vie et de mort sur les citoyens ou…sujets. Il n’est pas exagéré de dire que la plupart des présidents africains considèrent les citoyens comme leurs sujets ; sinon comment comprendre qu’ils bafouent sans cesse les lois de la République, foulent au pied les règles élémentaires de la démocratie et pillent éhontément les richesses sans être inquiétés. Nul ne pourra dire avec exactitude les masses d’argent planquées dans les paradis fiscaux. Et pendant ce temps, leur peuple croupit dans une misère sans fin. D’ailleurs, le comportement peu honorable des présidents africains aura fait dire à Chirac que «la démocratie est un luxe pour les Africains». Pourtant, il n’en est rien car l’avènement d’une Afrique réellement démocratique est très possible, il suffit seulement d’y croire et d’en payer le prix. Le seul problème qui plombe notre avancée démocratique demeure le nombrilisme et l’ego surdimensionné de nos leaders. Espérons seulement que ces dirigeants qui continuent de s’accrocher au pouvoir auront l’intelligence de tirer leur révérence à temps pour ne pas sombrer dans la déchéance comme leur ami Gbagbo.