Immigration irrégulière et endettement : Les préoccupantes révélations d’une étude de l’OIM.


Il est de notoriété publique que la migration irrégulière est à l’origine de nombres d’initiatives à même de mettre le candidat dans une position inconfortable et d'impacter négativement sa réintégration après son retour. L'endettement est l'un de ces facteurs. 
Compte tenu l'importance de la thématique, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a mené une étude dans six pays de la sous-région.
Pour le cas du Sénégal, la restitution des résultats a fait l’objet d’un atelier organisé ce jeudi 1er octobre dans un hôtel de la place et auxquels plusieurs acteurs qui s’activent autour de la question migratoire ont été conviés. 
Il a été ainsi révélé qu’au Sénégal, les régions de Dakar, Kolda, Sédhiou et  Tambacounda sont concernées pour 358 sondés dont 351 hommes et 7 femmes. 
72% des sondés sont endettés 
L’enquête a établi que 72% ont contracté des prêts, soit pour financer leur parcours migratoire, soit pour mettre au point un projet personnel ou professionnel. Mais au moment de l’étude, 83% d’entre eux étaient toujours endettés. Dans le détail, 52% n’avaient pas commencé à rembourser leurs dettes et 31% s’en étaient partiellement acquittés.
S’agissant du profil des migrants de retour endettés, l’étude a montré qu’ils « sont principalement des hommes, jeunes, ayant des niveaux d'éducation inférieurs à la moyenne nationale ». L’enquête tient à préciser que « seul le milieu d’origine diffère ». « La plupart des migrants endettés sont ruraux alors que les non-endettés sont le plus souvent urbains », explicitent les enquêteurs selon lesquels, les femmes sont en moyenne plus âgées, plus urbaines et ont un niveau d'instruction plus élevé que celui des hommes. Elles sont aussi meilleures payeuses que la gent masculine. 
Les femmes, meilleures payeuses que les hommes
Les montants empruntés varient selon le moment de l’emprunt. La dette initiale est de l’ordre de 294 000 francs alors que celle de départ s'élève à 340 000 francs. Cette catégorie constitue la majorité des enquêtés car elle représente au moins 81% des cas. Au retour, les migrants peuvent s'endetter jusqu’à 140 000 francs. Des sommes qu’ils peuvent trouver auprès des leurs. Ce qui fait que les emprunts sont réalisés majoritairement de manière informelle et libre d’intérêts. « Les créanciers sont le plus fréquemment des amis, des proches, ou des membres de la famille », indique les auteurs de l’étude. Cependant, un focus est mis sur les mères qui, selon le document « jouent un rôle central dans le financement du voyage et l’obtention de prêts en se portant garantes du remboursement ». 
Quand les mères s'endettent pour payer le projet de voyage de leurs enfants...
S’il a été relevé que « rembourser une dette entièrement et dans les temps renforcent le lien social entre le migrant et sa communauté d’origine », force est de constater que le contraire mène parfois à des abus et des pressions sociales. Ainsi, fait savoir l’étude, 18% des participants ont rapporté avoir fait l’objet de menaces, d’abus et d’actes de violence pour rembourser une dette. Ce qui peut impacter la réintégration du migrant de retour dans son pays d’origine. En tout cas, 28% des endettés considèrent que leurs dettes affectent leur situation sociale, psychologique ou économique. Pis encore, cette situation peut être à l’origine d’un nouveau projet de migration irrégulière. D’où la nécessité de trouver des mécanismes pour pallier à ce boulet trainé par les migrants. 
À cet effet, les enquêteurs ont émis quelques recommandations dont la première concerne la prise en compte des dimensions sociale, économique et psychologique de l’endettement au sein des projets de réintégration au Sénégal. Ce, aux fins de mieux répondre aux besoins des migrants dans le cadre du retour. L’étude préconise aussi de « rendre flexibles les mécanismes d’emprunt auprès des banques et institutions de microfinance et créer des structures de médiation en cas de retard ou défaut de paiement ».
Jeudi 1 Octobre 2020
Daddy Diop