Il y a parfois des prises de position doctrinale que l’on a du mal à partager, même si leur auteur se couvre du manteau de la Science .


Lors de l’élection présidentielle , beaucoup ont cherché à contraindre le Conseil constitutionnel dans le sens de leurs convictions, oubliant volontairement que leur opinion ne pouvait avoir une autorité qu’autre que relative, car le juge n’est tenu que par la loi.
Aujourd’hui , ce sont encore les mêmes qui reviennent à la charge pour asseoir la compétence exclusive de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, même pour les Ministres ayant accompli des actes délictueux dans l’exercice de leurs fonctions .
Pourtant l’alinéa 2 de l’ article 101 de la Constitution prévoit expressément que les Ministres sont passibles de la Haute Cour de Justice pour un tel cas de figure.
Mais invoquant la jurisprudence française (sans les références complètes), Monsieur Souleymane Ndiaye, docteur en droit et sciences criminelles, a cru déceler dans la formulation de l’alinéa 2 de l’article 101 de la Constitution une imprécision nécessitant une interprétation.
Selon l’honorable Docteur, l’acte commis dans l’exercice des fonctions est celui en rapport direct ;;;; des affaires de l’Etat relevant des (ses) attributions, et qu’i faudrait même le distinguer de celui accompli à l’occasion des fonctions.
L’intérêt de cette distinction c’est d’exclure de la compétence de la Haute Cour de Justice tous les actes qui n’ont pas un lien direct avec les fonctions, même s’ils sont dérivés des fonctions .
l’acte consistant par un Ministre , à s’enrichir indûment, pendant qu’il est en fonction, est un acte réfléchi, prémédité, intentionnel, dolosif ; il est « détachable des fonctions » et ,c’est à ce titre ,qu’ il doit relever de la compétence de la Cour de l’enrichissement illicite.
L’analyse a l’apparence de la subtilité et aboutit à une conclusion désarmante.
Le raisonnement est d’abord vicié par son postulat : on retrouve dans le droit français le pendant de l’article 101 alinéa 2 : l’article 68 alinéa 2 de la Constitution française rédigé en termes identiques ;or ce texte fait l’objet d’une certaine lecture jurisprudentielle sus-rappelée ;cette interprétation doit être transposée , mutatis mutandis , dans l’ordre juridique sénégalais.
A supposer que les faits soient établis, le vice se trouverait dans l’automatisme de la solution qui ignore totalement les frontières, donc le contexte différencié.
Cela signifierait aussi que, pour l’auteur, le délit d’enrichissement illicite relève du droit commun ; or si tel est le cas , c’est une juridiction de droit commun qui est aussi compétente. L’absurdité de ce résultat est tout aussi flagrante que personne n’a encore osé prétendre que la Cour de l’enrichissement illicite est une juridiction ordinaire.
L’aberration atteint son comble lorsque l’on laisse croire que la Haute Cour de Justice aurait une compétence résiduelle : elle n’aurait à juger que les actes délictueux du Ministre en fonction qui a été négligeant , imprudent ou maladroit. Ainsi, seules les fautes d’inattention, c'est-à-dire celles que l’on accomplit sans le vouloir, justifieraient l’existence de la Haute Cour de Justice.
Dans ces conditions, il serait laborieux de vouloir partager l’affirmation de monsieur Ndiaye selon laquelle « il n y a donc ni chasse aux sorcières, ni manœuvres politiques derrière les actions de la Cour de l’enrichissement illicite », et qu’ « il faut laisser l’institution judiciaire accomplir sa mission ».
En réalité, Monsieur Souleymane Ndiaye n’est pas parvenu à se détacher de son engagement partisan ; sa doctrine orientée manque alors totalement de pertinence , faute de neutralité académique.


Abdoul Aziz Diop
DEA Droit Public Général
DESS Administration Publique et Privée en Afrique- État de Droit et Bonne Gouvernance-
Secrétaire Général des Cadres Libéraux
Mercredi 28 Novembre 2012
Abdoul Aziz Diop