IMMIGRATION : La galère des demandeurs d’asile en France


Ils sont 45 demandeurs d’asile (Congolais, Angolais, Sahraouis, Togolais, Nigérians…) qui vivent depuis six mois sous un pont désaffecté à Beauvais, une ville située à 78 km au nord de Paris. Et pourtant ils disposent de papiers provisoires qui leur permettent de circuler librement en attendant l’évolution de leur dossier de régularisation déposé à la préfecture. Celle-ci a le devoir de les héberger notamment dans les CADA (centres d’accueils des demandeurs d’asile) mais ceux-ci sont souvent pleins. Alors ils se tournent vers un camping municipal avant d’en être délogés. Et faute d’une autre solution, ils se retrouvent à la rue et sous des bâches emménagés de manière sommaire. Ils ont rebaptisé ironiquement leur campement de fortune « Hôtel 5 étoiles » avec une voie principale appelée « Rue du droit d’asile ».

Des conditions de vie difficile

La vie s’est organisée au fil des mois sous le pont avec une promiscuité gênante. Les femmes au nombre de quatre ainsi que deux mineurs ont finalement trouvé un hébergement. Ceux qui restent bénéficient de l’aide d’associations locales et de bonnes volontés mais vivent dans des conditions difficiles. « On se cotise pour acheter du riz et de la semoule pour faire à manger, explique Lazare, le porte-parole du groupe. Avant on mangeait à la Boutique solidarité d’Emmaüs (Ndlr, une organisation caritative) mais ce n’est plus possible depuis qu’on perçoit chacun une allocation quotidienne de 10 euros versés par l’Etat. Maintenant on n’a plus droit qu’à une douche dans la journée car le local n’ouvre que le matin. On a réclamé en vain des toilettes publiques alors on se débrouille comme on peut pour faire nos besoins dans la nature ».

Pis encore, le maire (UMP, droite) de Beauvais a engagé récemment une procédure judiciaire en vue d’expulser le groupe du lieu qu’il squatte. Selon Tidiane Koïta, un Mauritanien d’origine responsable du Pôle solidarité de la ville, « l’hébergement des demandeurs d’asile n’est pas de notre ressort et Mme le maire a interpellé à plusieurs reprises l’Etat qui en a la charge. Mais nous avons la responsabilité morale et humaine de ne pas laisser ces gens exposés aux intempéries, au risque d’incendie, etc. C’est pourquoi nous avons engagé cette procédure pour renvoyer chacun devant ses responsabilités. »

Solidarité Migrants qui soutient les demandeurs d’asile crie au scandale. « Nous sommes très surpris par cette démarche, confie Rose-Marie Monteil, présidente de l’association. Non seulement on les abandonne à leur sort mais on veut les mettre à la rue alors qu’ils y sont déjà ! ». Quant aux demandeurs d’asile, ils ne savent plus à quel hébergement se vouer. « Il y a la pluie, le froid, on ne dort pas bien et je ne pensais pas vivre ça en France », avoue leur porte-parole. Lui et ses camarades d’infortune réalisent qu’avant de profiter de ce qu’ils pensaient être un Eldorado il faut déjà galérer pour trouver un lieu pour faire…dodo.

Ibrahima Athie, journaliste

France
Vendredi 25 Novembre 2011