Guinée: trois morts dans les manifestations de jeudi, la junte ordonne des poursuites


Trois civils ont été tués jeudi en Guinée au cours de manifestations contre la junte au pouvoir, ont indiqué le collectif organisateur et le ministère de la Justice.

De son côté, le procureur général de Conakry a ordonné des poursuites contre ceux qui ont appelé à manifester ou ont soutenu l'appel, et a nommé expressément sept figures d'opposition.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui avait appelé à manifester, a indiqué dans un communiqué que les trois personnes décédées, Thierno Bella Diallo, El hadj Boubacar Diallo et Thierno Moussa Barry avaient été victimes de la "répression sauvage" exercée par les forces de sécurité.

Le ministre de la Justice Alphonse Charles Wright a confirmé leur décès dans un communiqué vendredi tout en ajoutant que les causes "restent à élucider par voie d'autopsie".

Il a ordonné des poursuites, sans se prononcer sur les auteurs présumés. Il a affirmé la volonté des autorités de combattre l'impunité.

Les défenseurs des droits accusent régulièrement les policiers et les gendarmes guinéens de faire un usage excessif de la force, et les autorités de fermer les yeux dans un pays coutumier des violences politiques.

Le ministre a ordonné l'identification "sans délai" d'un membre des forces de sécurité dont l'image est devenue virale sur les réseaux sociaux. Une vidéo le montre en train de faire feu avec un pistolet sur une cible non visible à l'image.

Parallèlement, le procureur général de Conakry Yamoussa Conté a ordonné des poursuites "contre les organisateurs et tous participants (à la) manifestation interdite", dans un communiqué lu sur la télévision d'Etat.

Il a explicitement nommé Sékou Koundouno, Francis Pépé Haba, Cellou Baldé, Étienne Soropogui, Mamadou Sylla, Dembo Sylla, Fodé Oussou Fofana, parmi d'autres.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), organisation citoyenne et quasiment la dernière formation à mobiliser dans la rue, avait appelé à manifester jeudi à Conakry pour réclamer un retour rapide des civils au pouvoir et à la libération de tous les prisonniers détenus selon lui pour des raisons politiques. La manifestation a donné lieu à des heurts entre jeunes et forces de sécurité dans plusieurs quartiers de la banlieue de Conakry.

La Guinée est gouvernée par une junte dirigée par le colonel Mamady Doumbouya depuis que ce dernier et ses hommes ont renversé le pouvoir civil en septembre 2021. La junte a interdit les manifestations et prononcé la dissolution du FNDC.

L'opposition accuse la junte de confisquer le pouvoir et de faire taire toute voix discordante à coup d'arrestations de leaders politiques ou de la société civile, et d'enquêtes judiciaires.

- "Sanctions plus sévères" -

Le FNDC avait été à l'origine de manifestations en juillet et septembre. Cinq personnes avaient été tuées en juillet, et deux en août. Il appelle à nouveau à manifester le 26 octobre.

La junte s'est engagée à rendre le pouvoir à des civils après des élections dans un délai de trois ans. Elle est soumise aux pressions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui réclame une période plus courte.

La Cédéao a suspendu la Guinée de ses organes. Le 22 septembre, elle a annoncé suspendre toute assistance et transaction financière avec la Guinée, et a infligé des sanctions individuelles à un certain nombre de personnalités.

Elle a donné un mois à la junte pour présenter un calendrier "raisonnable et acceptable" de retour des civils, ultimatum qui expire donc théoriquement cette fin de semaine. A défaut, la Cédéao a prévenu qu'elle adopterait des "sanctions plus sévères".

Les manifestations de jeudi ont eu lieu alors qu'une mission de la Cédéao est cette semaine en Guinée pour travailler à un tel calendrier avec les autorités.

"Le gouvernement et le CNRD [Comité national du rassemblement pour le développement, junte, NDLR] ne sont pas figés sur la question de la durée", a déclaré le Premier ministre Bernard Goumou en conseil des ministres jeudi, selon un communiqué diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi.

La junte a jusqu'alors invoqué le temps nécessaire à l'organisation d'élections et à d'importantes réformes pour justifier la période de trois ans.

Vendredi 21 Octobre 2022