France : Un rapport du Sénat déplore la politique africaine du Président Macron, teintée "d'arrogance" et de "paternalisme"


Trois sénateurs de la commission des affaires étrangères et de la défense – Ronan Le Gleut (LR), Marie-Arlette Carlotti (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) et François Bonneau (Union Centriste) – ont publié un rapport d'information sur la politique africaine du président français Emmanuel Macron. Ce rapport, consulté par Dakaractu, critique sévèrement les initiatives de la France en Afrique, qualifiées d'"arrogantes" et de "paternalistes".

 Des initiatives en échec et une image dégradée

Selon le rapport, toutes les initiatives françaises ont "rencontré des difficultés majeures". Par exemple, les relations avec l'Algérie se sont "profondément dégradées", la France a été "dépassée par ses partenaires européens" dans la restitution des œuvres d'art, et plusieurs décisions ou déclarations officielles ont été perçues comme "arrogantes et condescendantes" envers les dirigeants et les peuples africains. Sur le plan militaire, la France a semblé "en perte d'influence et d'image", notamment avec les "leçons de Barkhane". Les lacunes de la réponse française aux conflits dans les pays du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) ont persisté jusqu'au "départ forcé des militaires français après huit ans d'opération", soulignent les sénateurs.

 La réduction des bases militaires : une décision mal perçue

Le rapport, d'une trentaine de pages, revient également sur la décision annoncée en février 2023 par le président Macron de réduire l'empreinte militaire française en Afrique de l'Ouest. Cette décision, prise en réaction aux coups d'État au Mali et au Burkina Faso, visait à diminuer les effectifs militaires de 900 à moins de 400 hommes en Côte d’Ivoire, et de 350-400 à moins de 100 au Sénégal et au Gabon. Cependant, cette réduction a été perçue comme un "fait accompli" par les pays concernés, qui n'ont pas été consultés en amont. 

Les conséquences ont été significatives : les nouvelles autorités sénégalaises ont annoncé en novembre 2024 la fin de la base française, suivies par le Tchad, qui s'est rapproché de la Russie et des Émirats arabes unis. En Côte d’Ivoire, le président a également annoncé la rétrocession de la base de Port-Bouët. Ces décisions ont constitué un "revers médiatique majeur" pour la France, alors même qu'elle avait initié cette réduction.

 Des conséquences négatives pour la France

Le rapport souligne que la réduction des effectifs militaires aura des répercussions importantes. Bien que la France maintienne une centaine de militaires en Côte d’Ivoire et au Gabon (la situation restant incertaine au Sénégal), il sera difficile de maintenir la coopération opérationnelle et les formations des armées partenaires à leur niveau actuel (environ 10 000 militaires africains formés par an au Gabon et 7 000 au Sénégal). Cette réduction compliquera également les opérations d'évacuation des ressortissants français et européens en cas de crise, comme l'a montré l'opération Sagittaire au Soudan en avril 2023. Enfin, elle affaiblit la position de la France en tant que "puissance moyenne de rang mondial", notamment en matière de coopération avec les États-Unis et de crédibilité au sein du Conseil de sécurité de l'ONU.

 Des critiques précises et des maladresses répétées

Le rapport pointe également des "maladresses" dans la politique africaine de la France. Il relève que la dégradation de l'image française en Afrique résulte d'un "éloignement par rapport aux sociétés civiles et aux populations". Le tournant générationnel – la majorité de la population africaine n'était pas née il y a 20 ans – n'a pas été suffisamment pris en compte, et la France continue de s'adresser principalement à des élites aujourd'hui marginalisées.

Parmi les critiques précises, on retrouve la perception d'une "arrogance" et d'un "paternalisme" français, illustrés par des décisions comme la convocation des chefs d'État sahéliens à Pau en janvier 2020 ou l'absence d'invitation de ces mêmes chefs au sommet France-Afrique de Montpellier en octobre 2021. La centralisation excessive des décisions à l'Élysée a également amplifié ces faux pas.

Des recommandations pour une nouvelle approche

Le rapport propose plusieurs recommandations pour améliorer la politique africaine de la France :
1. Diversifier les relations : Ne pas se limiter à une "politique africaine" unique, mais développer des relations multiples avec les pays africains en s'appuyant sur les liens historiques.
2. Décentraliser le discours : Laisser davantage d'acteurs officiels s'exprimer sur les questions africaines et limiter les grands sommets présidentiels.
3. Soutenir les réformes internationales : Plaider pour une réforme du Conseil de sécurité de l'ONU, avec deux sièges permanents pour des pays africains, et soutenir les demandes africaines en matière de financement du développement durable et de transition énergétique.
4. Maintenir une présence au Sahel : Faire preuve de "patience stratégique" face aux menées russes et rétablir des canaux de communication avec les pays du Sahel, notamment via un partenariat renforcé avec le Maroc.
5. Renforcer les partenariats militaires : Compenser la réduction des effectifs par une augmentation des missions de défense et spécialiser les attachés de défense par armée (terre, air, marine) pour mieux répondre aux besoins des partenaires africains.
Mercredi 12 Février 2025
Dakaractu



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