DAKARACTU.COM Depuis l’annonce par les autorités sénégalaises de leur intention de mettre Hissène Habré ce lundi dans un avion à destination de N’Djamena, les réactions fusent de toutes parts. Cette nuit du 8 au 9 juillet a été riche en tractations de toutes sortes. Etabli au Sénégal depuis sa chute en 1990, l’ex-président tchadien a pris racine dans ce pays où il compte de nombreux amis et alliés, y compris dans le proche entourage du chef de l’Etat, Abdoulaye Wade. Ironie de l’histoire, c’est le ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, qui a annoncé la décision d’extradition. Avocat dans une autre vie, ce même Madické est celui qui défendait Habré et s’opposait énergiquement à son jugement, invoquant son immunité d’ancien président de la République, et a fortiori à son extradition.
L’idée d’extrader l’hôte du Sénégal a pris tout le monde de court. Elle a surpris Habré qui, après un séjour de 21 ans à Dakar, apprend qu’il a trois jours pour se préparer à partir. Elle a pris de court les amis et alliés de l’ancien président tchadien qui ont très peu de temps pour pouvoir peser sur le cours des choses. Elle a sonné les avocats des victimes qui réclamaient l’extradition vers la Belgique, qui a lancé un mandat d’arrêt international contre Habré suite à une plainte déposée par un Belge d’origine tchadienne, et non vers le Tchad. Réputé pour être très peu respectueux des droits de l’homme, le Tchad, qui applique la peine de mort, n’offre aucune garantie d’un procès équitable à son ancien dirigeant. D’autant que l’actuel homme fort du pays, Idriss Déby Itno, fut l’ancien chef d’état-major de Habré et a très souvent été cité parmi les auteurs des exactions aujourd’hui reprochées à ce dernier.
Au-delà de ces considérations sur le contexte, le droit est très exigeant en la matière. L’extradition est une procédure sérieuse et grave qui suit des délais bien précis et confère à la personne à extrader le droit de se défendre et de faire appel. L’extradition n’est pas une question politique, comme elle en a toute l’allure dans le présent dossier. C’est en effet suite au sommet de l’Union africaine (UA), qui s’est achevé le 2 juillet à Malabo, que les choses ont commencé à se dessiner. Le sommet ayant pris une résolution demandant au Sénégal de juger ou d’extrader Hissène Habré, conformément à ses obligations internationales, Abdoulaye Wade a écrit au président en exercice de l’UA, Teodoro Obiang Nguéma, au président de la Commission de l’UA, Jean Ping, et à son homologue tchadien, Idriss Déby Itno pour exprimer l’impossibilité pour le Sénégal, faute de moyens financiers, de juger, et sa volonté d’extrader vers le Tchad. D’ordinaire réticent à l’idée de laisser revenir au pays son prédécesseur et a fortiori de prendre le risque de le juger, le chef de l’Etat tchadien a, cette fois-ci, accepté qu’on lui livre celui qu’il a renversé par les armes en 1990. Que va-t-il faire de lui ? Quel plan a-t-il derrière la tête ? Simple rappel, accusé d’être l’un des instigateurs des remous qui secouent le Tchad, Hissène Habré a été condamné par contumace dans son pays. Va-t-il purger la peine qui lui a été infligée en son absence ? Va-t-il être rejugé ? Sur quel volet de l’affaire ? Sur tous, y compris ceux qui compromettent Idriss Déby Itno ? Dakaractu.com va revenir dans les heures qui viennent sur cette affaire suivie de près dans les milieux politiques, diplomatiques et de la société civile en Afrique.