Le Président WADE a aujourd’hui un problème politique majeur, c’est celui de sa succession à la tête de l’Etat du Sénégal. Dans son programme de succession, il faut considérer deux étapes apparemment successives et imbriquées en même temps.
La première étape qui est la mise en orbite politique de Karim comprend deux phases.
La première phase a pour but d’assurer sa rentrée politique et de renforcer sa position à l’intérieur du système. La GENERATION DU CONCRET a été un moyen subtil pour réaliser cette rentrée. Sa création a été une tentative, une opération de mise en place d’un système de vases communicants entre le PDS et cette structure. L’idée était de provoquer des vagues de transhumance à l’intérieur du même système, c'est-à-dire, du PDS vers la génération du concret. Cette entrée en politique devait se faire de façon convaincante, avec des réalisations « concrètes » via l’ANOCI. Un tel cursus donne des arguments et permet d’être influent sur l’échiquier politique, notamment à l’intérieur de l’appareil dirigeant ainsi qu’aux yeux de l’opinion publique. La réussite de cette opération lui aurait permis d’avoir une position prépondérante pour le contrôle du parti.
La deuxième phase avait pour but de le positionner dans l’arène politique nationale. Les élections locales de 2009 étaient une belle et bonne occasion pour réaliser cela. C’était un test grandeur nature pour Karim. Si le PDS avait gagné Dakar il allait probablement en être le maire. Et ce serait la porte ouverte pour la réalisation des grandes ambitions. La non-réussite de cette opération a dû réduire ces ambitions. Imaginer Karim, Maire de Dakar et en même temps Ministre avec les charges qu’il a présentement. Pourtant, le pouvoir avait déployé des moyens importants et le Président s’était personnellement impliqué afin d’augmenter davantage les chances de son parti. Il croyait tant à la réussite de cette opération qu’il n’avait rien prévu, puisque jusqu’à présent, personne n’a encore été pressenti dans le camp présidentiel. En tout cas, on n’a pas vu quelqu’un d’autre émerger pour prétendre à sa succession. Sa déclaration de candidature (hâtive ? prématurée ? à trois ans de la présidentielle ?) est en fait une manière de parer au plus pressé. Mais avait-il le choix? Son plan minutieusement échafaudé n’a pas connu les résultats escomptés et à la place il n’y avait presque rien. Cette défaite a ébranlé ses certitudes. Je pense que cette déclaration de candidature est un jeu politique de sa part pour garder le pouvoir au-delà de 2012, en se disant que pour l’heure, il était le seul à pouvoir gagner une élection au PDS.
Cependant, malgré cette déconvenue, le Président continue à poser des actes qui font encore croire que Karim est toujours en lisse pour la prochaine compétition. Peut-être qu’il garde encore le secret espoir que Karim a encore une chance, en lui donnant les moyens de ses ambitions. Qu’avec ces moyens, il peut faire ses preuves à travers les réalisations et convaincre bon nombre de sénégalais le moment venu. En tout cas, cette stratégie a un avantage au moins. Elle permet de continuer à mettre Karim en pole position car en dehors de WADE, si, dans son camp un autre candidat se manifeste d’ici les échéances, Karim aurait une bonne longueur déjà.
La deuxième étape, c’est le projet de modification de la Constitution le 23 Juin dernier. C’est une opération dont le but est d’éviter les risques d’échec à la prochaine présidentielle, avec au départ la quasi-certitude que le Conseil Constitutionnel allait valider la candidature de WADE. En effet, malgré la défaite aux locales de 2009 et jusqu’à une date relativement récente, le camp présidentiel croyait encore à la validité de sa candidature et à sa victoire, avec la bénédiction de ce projet. Mais patatras ! L’événement du 23 Juin survint avec fracas. La certitude est de nouveau remise en cause. Le problème aujourd’hui pour le Président WADE, c’est que ce qui ne semblait être au départ qu’un simple événement de protestation s’est aujourd’hui mué en un mouvement qui a pris une nouvelle dimension : l’opposition à sa candidature pour un troisième mandat.
La stratégie qui sous-tendait ce projet de modification, c’était de résoudre le problème de succession mais en même temps celui de la conservation et de sortie du pouvoir. C'était une tentative de suppression de fait du second tour pour éviter les risques d’une défaite à la prochaine présidentielle quel que soit le candidat de son camp. Il voulait ainsi régler juridiquement un problème politique. Aujourd’hui, le Président semble se trouver dans une situation de difficultés de sortie du pouvoir. Dès lors, la solution ne peut être que politique. C’est ce qui explique sa démarche actuelle. Ainsi, autant il cherche l’éclairage des juristes sur une éventuelle attitude du Conseil Constitutionnel, autant il cherche à se rassurer politiquement. C’est comme cela qu’il faut analyser et comprendre sa stratégie depuis le 23 Juin, comme une manière de se compter, de se peser, de se soupeser. Les meetings, réunions, les sorties et visites de courtoisie sont autant d’occasions devant lui permettre de rassembler des éléments d’appréciation pour tester ses capacités, voir quelles sont ses chances face à cette situation, jusqu’où il peut aller. Il pense que cette approche va lui permettre de ramener en sa faveur le rapport de forces qu’il a peut-être perdu depuis le 23 Juin. Dans le même temps, il cherche de savoir jusqu’où l’en-face peut aller. En un mot, il est en train d’évaluer A ce propos, il faut reconnaître que WADE est un homme méfiant. J’ai le sentiment qu’il n’accorde pas beaucoup de crédit aux assurances de son entourage. Il n’a d’ailleurs pas le même agenda que celui-ci qui, à mon avis, ne connaît pas encore son véritable jeu. Du moins pour certains. Dans ce jeu, il peut, le moment venu, prendre une décision qui risque de surprendre tout le monde, aussi bien l’opposition qu’une bonne partie de son entourage. Il s’agit d’élection anticipée. C’est le cas où la présidentielle pourrait se tenir avant Février 2012, suite à sa démission. Dans cette éventualité, la décision serait inspirée par les difficultés qu’a connues le plan de succession initial et l’incertitude qui plane de plus en plus sur sa candidature. Elle pourrait également être fondée sur un certain nombre d’éléments d’appréciation :
• L’incertitude quant à l’issue du rapport des forces en sa faveur : le projet de modification du 23 Juin 2011 était une carte maîtresse dans le plan de conservation et de succession au pouvoir. WADE avait gagné presque tous les combats politiques contre l’opposition depuis 2000. Avec l’échec de ce projet, il a presque perdu l’as. L’une des raisons de cet échec, c’est le sursaut de l’opposition qui avait compris que l’adoption du projet de modification allait donner au PDS la possibilité de gagner la prochaine présidentielle quels que soient les nominés du ticket présidentiel et de rester encore au pouvoir. L’autre raison, c’est que pour gagner une bataille, il faut des combattants déterminés. Or, dans le camp présidentiel, on a l’impression que leur ardeur combative s’est émoussée (du fait, peut-être, d’un certain embourgeoisement). Au fil du temps, beaucoup ont acquis le réflexe de conservation. Ils donnent le sentiment d’être plus préoccupés pour leur sécurité, celle de leurs familles et de leurs biens. Ils cherchent à se protéger, à se barricader plutôt qu’à prendre le risque de s’exposer. Craignent-ils de tout perdre en s’exposant (bou yemee fii mou nekh, nekhna bepare) ? La sagesse selon laquelle « un tiens vaut mieux que deux tu auras » est-elle de mise quand on a déjà les deux ? Peut-on mobiliser dans ces conditions ? Ce qui est curieux d’ailleurs, c’est que c’est la Cap 21, un accessoire, une sorte de greffon, que l’on voit beaucoup plus sur le champ de bataille. Le PDS passe plus de temps aux querelles interminables qu’au resserrement des rangs. Or, le problème avec la Cap 21, c’est son manque de créativité, d’originalité, d’inventivité, du fait de son approche du genre « marquage à la culotte » de l’opposition (organisation d’un forum des juristes qui est toujours repoussée aux calendes grecques, la création du FAL (encore lui ?), etc. Ce qui explique certainement son lot de mauvaises fortunes que cette approche a engendrées jusqu’à présent. Face à une opposition de plus en plus téméraire, ragaillardie qu’elle est depuis l’événement du 23 Juin. Le Président va-t-il aller jusqu’au bout en maintenant sa candidature avec un tel état d’esprit dans son camp ?
• La probabilité de plus en plus forte de la possibilité de non-validation de la candidature du Président sortant, pour les raisons suivantes :
- L’opinion des constitutionnalistes : ne va-t-elle pas être prise en compte par le Conseil Constitutionnel dans l’étude des candidatures pour la prochaine élection présidentielle ? WADE lui-même ne va-t-il pas en tenir compte ? Les membres du Conseil Constitutionnel sont certainement à l’écoute de toutes ces opinions. Ils pourraient, au besoin, s’en inspirer. D’autant qu’il est ressorti du séminaire des 06 et 07 Septembre 2011 au Méridien que le Conseil Constitutionnel examinera les candidatures sur la base des textes régissant les élections et de la Constitution. Dans ces cas, peut-il ignorer les articles 116 et 118 du code électoral et les articles 27 et 104 de la Constitution ?
- La relativisation, le doute ou la cacophonie dans le camp présidentiel : des divergences sont apparues dans le camp des défenseurs de la candidature du Président quant à la compétence ou non du Conseil Constitutionnel, même s’ils soutiennent tous que cette candidature sera validée par celui-ci. D’aucuns soutiennent qu’il est incompétent pour analyser la candidature quant au fond, qu’il doit simplement arrêter la liste des candidats sur la base des conditions énumérées par le code électoral et de se limiter à ses compétences d’attribution. D’autres sont d’avis qu’il est compétent pour aller au-delà. Ces divergences ont été notées lors de l’émission DINE AK DIAMANO de Walf TV entre Me SEYE et Monsieur Thierno LO, le Ministre du Tourisme. Il en est de même lors de la nouvelle émission DECRYPTAGE de Pape Alé NIANG du 7 Septembre 2011 entre Me El Hadj Amadou SALL qui croit à la compétence du Conseil Constitutionnel et Me SEYE qui soutient encore l’idée d’incompétence ;
- L’état d’esprit du Conseil Constitutionnel : va-il rester insensible à son environnement et au contexte ? Qu’a-t-il à perdre aujourd’hui par rapport au pouvoir pour la prochaine élection présidentielle ? Quels moyens de pression le Président de la République dispose-t-il aujourd’hui sur le Conseil Constitutionnel ? Qu’est ce que celui-ci peut-il désormais craindre de sa part ? Le débat sur la candidature de WADE ne l’a-t-il pas quelque peu libéré?
• La méfiance de WADE, l’incertitude quant à l’issue de la décision du Conseil Constitutionnel : va-t-il accepter de se mettre comme dans la situation d’un cartouchard dont le sort est lié à la décision d’une sorte de commission du genre de ce qui existait à l’Université. Les étudiants, dont certains ont eu à occuper ou occupent aujourd’hui des fonctions importantes dans ce pays connaissent bien ce genre de moments difficiles. La commission accepte ou rejette la dérogation. L’étudiant candidat à une dérogation se trouve dans une situation de pile ou face. A moins que le Président soit sûr que le Conseil Constitutionnel va valider sa candidature, malgré l’opinion des hommes de sciences en la matière. Dans ce cas, qu’est-ce qui fonde sa certitude ? Quelle garantie a-t-il que le Conseil Constitutionnel va valider sa candidature ? Celui-ci va-t-il faire fi des analyses faites par les experts en matière de droit constitutionnel ? Quid de la déclaration personnelle de WADE ?
• Le PDS dans tout cela ? : acceptera-t-il d’être sacrifié ? La hantise d’être forclos ou de rejet ne serait-elle pas là ? C’est un risque que le parti ne prendra certainement pas, comme l’a déclaré Madame Awa GUEYE KEBE : ils ne sont effectivement pas tous des nains politiques au PDS ;
• Parce que pour la première fois le Président en a fait allusion lors de sa rencontre avec les élus locaux. Ce n’était pas fortuit. S’il en a parlé, c’est certainement parce qu’il y avait pensé. C’était comme une sorte de provocation. Mais cela peut être aussi une tactique pour lui de voir comment l’opposition va réagir. WADE se comporte souvent comme un joueur qui aime feindre de donner des coups pour voir la réaction de l’autre et je crois qu’ici la mayonnaise semble avoir quelque peu pris, si l’on se réfère à la réaction de l’opposition à la suite de cette déclaration. L’élection anticipée est une arme politique que WADE peut utiliser à l’occasion et elle peut même être redoutable. En effet, si tout le monde connaît le calendrier républicain, seul WADE pourrait maîtriser celui d’une présidentielle anticipée et ce calendrier est important car il peut influer. Qui est prêt pour une telle éventualité ? L’opposition ? Y a-t-elle réfléchi ? Karim ? Idy ? Macky SALL ? Dans ce cas, il pourrait en faire bénéficier à quelqu’un ou à quelques uns dans son camp ;
• Parce que la perspective d’une élection sans WADE n’est plus à écarter totalement au vu de l’évolution de la situation politique : 23 Juin 2011 (ce n’est pas bien pour l’image du Président, et je pense qu’aujourd’hui ce qui le gène le plus, c’est bien ce mouvement que cet événement a engendré) ;
• Parce qu’une élection présidentielle sans WADE en Février 2012 risque de faire désordre dans son camp. Qui va être leur candidat ? Alors que le problème de candidature du camp libéral est actuellement en train d’être résolu par ses enfants du camp libéral déjà candidats (Macky, Idy, Aminata Tall, Karim ?).
Cependant, malgré ces développements, l’éventualité d’une élection anticipée peut être infirmée par les événements dont seuls les acteurs politiques ont parfois le secret. Personne n’avait prévu le 23 Juin. Pourtant il est arrivé avec son lot de surprises. D’ici février 2012, tout peut arriver. Tout dépend en définitive des résultats des rapports de forces politiques actuellement en présence. Et aussi de l’état d’avancement du traitement du fichier électoral.
Doudou MANE
Agroéconomiste
Master’s en Economie Agricole
Maîtrise ès Sciences Juridiques
Consultant
doudoumane@hotmail.com
La première étape qui est la mise en orbite politique de Karim comprend deux phases.
La première phase a pour but d’assurer sa rentrée politique et de renforcer sa position à l’intérieur du système. La GENERATION DU CONCRET a été un moyen subtil pour réaliser cette rentrée. Sa création a été une tentative, une opération de mise en place d’un système de vases communicants entre le PDS et cette structure. L’idée était de provoquer des vagues de transhumance à l’intérieur du même système, c'est-à-dire, du PDS vers la génération du concret. Cette entrée en politique devait se faire de façon convaincante, avec des réalisations « concrètes » via l’ANOCI. Un tel cursus donne des arguments et permet d’être influent sur l’échiquier politique, notamment à l’intérieur de l’appareil dirigeant ainsi qu’aux yeux de l’opinion publique. La réussite de cette opération lui aurait permis d’avoir une position prépondérante pour le contrôle du parti.
La deuxième phase avait pour but de le positionner dans l’arène politique nationale. Les élections locales de 2009 étaient une belle et bonne occasion pour réaliser cela. C’était un test grandeur nature pour Karim. Si le PDS avait gagné Dakar il allait probablement en être le maire. Et ce serait la porte ouverte pour la réalisation des grandes ambitions. La non-réussite de cette opération a dû réduire ces ambitions. Imaginer Karim, Maire de Dakar et en même temps Ministre avec les charges qu’il a présentement. Pourtant, le pouvoir avait déployé des moyens importants et le Président s’était personnellement impliqué afin d’augmenter davantage les chances de son parti. Il croyait tant à la réussite de cette opération qu’il n’avait rien prévu, puisque jusqu’à présent, personne n’a encore été pressenti dans le camp présidentiel. En tout cas, on n’a pas vu quelqu’un d’autre émerger pour prétendre à sa succession. Sa déclaration de candidature (hâtive ? prématurée ? à trois ans de la présidentielle ?) est en fait une manière de parer au plus pressé. Mais avait-il le choix? Son plan minutieusement échafaudé n’a pas connu les résultats escomptés et à la place il n’y avait presque rien. Cette défaite a ébranlé ses certitudes. Je pense que cette déclaration de candidature est un jeu politique de sa part pour garder le pouvoir au-delà de 2012, en se disant que pour l’heure, il était le seul à pouvoir gagner une élection au PDS.
Cependant, malgré cette déconvenue, le Président continue à poser des actes qui font encore croire que Karim est toujours en lisse pour la prochaine compétition. Peut-être qu’il garde encore le secret espoir que Karim a encore une chance, en lui donnant les moyens de ses ambitions. Qu’avec ces moyens, il peut faire ses preuves à travers les réalisations et convaincre bon nombre de sénégalais le moment venu. En tout cas, cette stratégie a un avantage au moins. Elle permet de continuer à mettre Karim en pole position car en dehors de WADE, si, dans son camp un autre candidat se manifeste d’ici les échéances, Karim aurait une bonne longueur déjà.
La deuxième étape, c’est le projet de modification de la Constitution le 23 Juin dernier. C’est une opération dont le but est d’éviter les risques d’échec à la prochaine présidentielle, avec au départ la quasi-certitude que le Conseil Constitutionnel allait valider la candidature de WADE. En effet, malgré la défaite aux locales de 2009 et jusqu’à une date relativement récente, le camp présidentiel croyait encore à la validité de sa candidature et à sa victoire, avec la bénédiction de ce projet. Mais patatras ! L’événement du 23 Juin survint avec fracas. La certitude est de nouveau remise en cause. Le problème aujourd’hui pour le Président WADE, c’est que ce qui ne semblait être au départ qu’un simple événement de protestation s’est aujourd’hui mué en un mouvement qui a pris une nouvelle dimension : l’opposition à sa candidature pour un troisième mandat.
La stratégie qui sous-tendait ce projet de modification, c’était de résoudre le problème de succession mais en même temps celui de la conservation et de sortie du pouvoir. C'était une tentative de suppression de fait du second tour pour éviter les risques d’une défaite à la prochaine présidentielle quel que soit le candidat de son camp. Il voulait ainsi régler juridiquement un problème politique. Aujourd’hui, le Président semble se trouver dans une situation de difficultés de sortie du pouvoir. Dès lors, la solution ne peut être que politique. C’est ce qui explique sa démarche actuelle. Ainsi, autant il cherche l’éclairage des juristes sur une éventuelle attitude du Conseil Constitutionnel, autant il cherche à se rassurer politiquement. C’est comme cela qu’il faut analyser et comprendre sa stratégie depuis le 23 Juin, comme une manière de se compter, de se peser, de se soupeser. Les meetings, réunions, les sorties et visites de courtoisie sont autant d’occasions devant lui permettre de rassembler des éléments d’appréciation pour tester ses capacités, voir quelles sont ses chances face à cette situation, jusqu’où il peut aller. Il pense que cette approche va lui permettre de ramener en sa faveur le rapport de forces qu’il a peut-être perdu depuis le 23 Juin. Dans le même temps, il cherche de savoir jusqu’où l’en-face peut aller. En un mot, il est en train d’évaluer A ce propos, il faut reconnaître que WADE est un homme méfiant. J’ai le sentiment qu’il n’accorde pas beaucoup de crédit aux assurances de son entourage. Il n’a d’ailleurs pas le même agenda que celui-ci qui, à mon avis, ne connaît pas encore son véritable jeu. Du moins pour certains. Dans ce jeu, il peut, le moment venu, prendre une décision qui risque de surprendre tout le monde, aussi bien l’opposition qu’une bonne partie de son entourage. Il s’agit d’élection anticipée. C’est le cas où la présidentielle pourrait se tenir avant Février 2012, suite à sa démission. Dans cette éventualité, la décision serait inspirée par les difficultés qu’a connues le plan de succession initial et l’incertitude qui plane de plus en plus sur sa candidature. Elle pourrait également être fondée sur un certain nombre d’éléments d’appréciation :
• L’incertitude quant à l’issue du rapport des forces en sa faveur : le projet de modification du 23 Juin 2011 était une carte maîtresse dans le plan de conservation et de succession au pouvoir. WADE avait gagné presque tous les combats politiques contre l’opposition depuis 2000. Avec l’échec de ce projet, il a presque perdu l’as. L’une des raisons de cet échec, c’est le sursaut de l’opposition qui avait compris que l’adoption du projet de modification allait donner au PDS la possibilité de gagner la prochaine présidentielle quels que soient les nominés du ticket présidentiel et de rester encore au pouvoir. L’autre raison, c’est que pour gagner une bataille, il faut des combattants déterminés. Or, dans le camp présidentiel, on a l’impression que leur ardeur combative s’est émoussée (du fait, peut-être, d’un certain embourgeoisement). Au fil du temps, beaucoup ont acquis le réflexe de conservation. Ils donnent le sentiment d’être plus préoccupés pour leur sécurité, celle de leurs familles et de leurs biens. Ils cherchent à se protéger, à se barricader plutôt qu’à prendre le risque de s’exposer. Craignent-ils de tout perdre en s’exposant (bou yemee fii mou nekh, nekhna bepare) ? La sagesse selon laquelle « un tiens vaut mieux que deux tu auras » est-elle de mise quand on a déjà les deux ? Peut-on mobiliser dans ces conditions ? Ce qui est curieux d’ailleurs, c’est que c’est la Cap 21, un accessoire, une sorte de greffon, que l’on voit beaucoup plus sur le champ de bataille. Le PDS passe plus de temps aux querelles interminables qu’au resserrement des rangs. Or, le problème avec la Cap 21, c’est son manque de créativité, d’originalité, d’inventivité, du fait de son approche du genre « marquage à la culotte » de l’opposition (organisation d’un forum des juristes qui est toujours repoussée aux calendes grecques, la création du FAL (encore lui ?), etc. Ce qui explique certainement son lot de mauvaises fortunes que cette approche a engendrées jusqu’à présent. Face à une opposition de plus en plus téméraire, ragaillardie qu’elle est depuis l’événement du 23 Juin. Le Président va-t-il aller jusqu’au bout en maintenant sa candidature avec un tel état d’esprit dans son camp ?
• La probabilité de plus en plus forte de la possibilité de non-validation de la candidature du Président sortant, pour les raisons suivantes :
- L’opinion des constitutionnalistes : ne va-t-elle pas être prise en compte par le Conseil Constitutionnel dans l’étude des candidatures pour la prochaine élection présidentielle ? WADE lui-même ne va-t-il pas en tenir compte ? Les membres du Conseil Constitutionnel sont certainement à l’écoute de toutes ces opinions. Ils pourraient, au besoin, s’en inspirer. D’autant qu’il est ressorti du séminaire des 06 et 07 Septembre 2011 au Méridien que le Conseil Constitutionnel examinera les candidatures sur la base des textes régissant les élections et de la Constitution. Dans ces cas, peut-il ignorer les articles 116 et 118 du code électoral et les articles 27 et 104 de la Constitution ?
- La relativisation, le doute ou la cacophonie dans le camp présidentiel : des divergences sont apparues dans le camp des défenseurs de la candidature du Président quant à la compétence ou non du Conseil Constitutionnel, même s’ils soutiennent tous que cette candidature sera validée par celui-ci. D’aucuns soutiennent qu’il est incompétent pour analyser la candidature quant au fond, qu’il doit simplement arrêter la liste des candidats sur la base des conditions énumérées par le code électoral et de se limiter à ses compétences d’attribution. D’autres sont d’avis qu’il est compétent pour aller au-delà. Ces divergences ont été notées lors de l’émission DINE AK DIAMANO de Walf TV entre Me SEYE et Monsieur Thierno LO, le Ministre du Tourisme. Il en est de même lors de la nouvelle émission DECRYPTAGE de Pape Alé NIANG du 7 Septembre 2011 entre Me El Hadj Amadou SALL qui croit à la compétence du Conseil Constitutionnel et Me SEYE qui soutient encore l’idée d’incompétence ;
- L’état d’esprit du Conseil Constitutionnel : va-il rester insensible à son environnement et au contexte ? Qu’a-t-il à perdre aujourd’hui par rapport au pouvoir pour la prochaine élection présidentielle ? Quels moyens de pression le Président de la République dispose-t-il aujourd’hui sur le Conseil Constitutionnel ? Qu’est ce que celui-ci peut-il désormais craindre de sa part ? Le débat sur la candidature de WADE ne l’a-t-il pas quelque peu libéré?
• La méfiance de WADE, l’incertitude quant à l’issue de la décision du Conseil Constitutionnel : va-t-il accepter de se mettre comme dans la situation d’un cartouchard dont le sort est lié à la décision d’une sorte de commission du genre de ce qui existait à l’Université. Les étudiants, dont certains ont eu à occuper ou occupent aujourd’hui des fonctions importantes dans ce pays connaissent bien ce genre de moments difficiles. La commission accepte ou rejette la dérogation. L’étudiant candidat à une dérogation se trouve dans une situation de pile ou face. A moins que le Président soit sûr que le Conseil Constitutionnel va valider sa candidature, malgré l’opinion des hommes de sciences en la matière. Dans ce cas, qu’est-ce qui fonde sa certitude ? Quelle garantie a-t-il que le Conseil Constitutionnel va valider sa candidature ? Celui-ci va-t-il faire fi des analyses faites par les experts en matière de droit constitutionnel ? Quid de la déclaration personnelle de WADE ?
• Le PDS dans tout cela ? : acceptera-t-il d’être sacrifié ? La hantise d’être forclos ou de rejet ne serait-elle pas là ? C’est un risque que le parti ne prendra certainement pas, comme l’a déclaré Madame Awa GUEYE KEBE : ils ne sont effectivement pas tous des nains politiques au PDS ;
• Parce que pour la première fois le Président en a fait allusion lors de sa rencontre avec les élus locaux. Ce n’était pas fortuit. S’il en a parlé, c’est certainement parce qu’il y avait pensé. C’était comme une sorte de provocation. Mais cela peut être aussi une tactique pour lui de voir comment l’opposition va réagir. WADE se comporte souvent comme un joueur qui aime feindre de donner des coups pour voir la réaction de l’autre et je crois qu’ici la mayonnaise semble avoir quelque peu pris, si l’on se réfère à la réaction de l’opposition à la suite de cette déclaration. L’élection anticipée est une arme politique que WADE peut utiliser à l’occasion et elle peut même être redoutable. En effet, si tout le monde connaît le calendrier républicain, seul WADE pourrait maîtriser celui d’une présidentielle anticipée et ce calendrier est important car il peut influer. Qui est prêt pour une telle éventualité ? L’opposition ? Y a-t-elle réfléchi ? Karim ? Idy ? Macky SALL ? Dans ce cas, il pourrait en faire bénéficier à quelqu’un ou à quelques uns dans son camp ;
• Parce que la perspective d’une élection sans WADE n’est plus à écarter totalement au vu de l’évolution de la situation politique : 23 Juin 2011 (ce n’est pas bien pour l’image du Président, et je pense qu’aujourd’hui ce qui le gène le plus, c’est bien ce mouvement que cet événement a engendré) ;
• Parce qu’une élection présidentielle sans WADE en Février 2012 risque de faire désordre dans son camp. Qui va être leur candidat ? Alors que le problème de candidature du camp libéral est actuellement en train d’être résolu par ses enfants du camp libéral déjà candidats (Macky, Idy, Aminata Tall, Karim ?).
Cependant, malgré ces développements, l’éventualité d’une élection anticipée peut être infirmée par les événements dont seuls les acteurs politiques ont parfois le secret. Personne n’avait prévu le 23 Juin. Pourtant il est arrivé avec son lot de surprises. D’ici février 2012, tout peut arriver. Tout dépend en définitive des résultats des rapports de forces politiques actuellement en présence. Et aussi de l’état d’avancement du traitement du fichier électoral.
Doudou MANE
Agroéconomiste
Master’s en Economie Agricole
Maîtrise ès Sciences Juridiques
Consultant
doudoumane@hotmail.com