Alors que son principal cheval de bataille contre le Président Abdou DIOUF était le chômage, le Président WADE après 12 années d'exercice avoue son échec sur la question. Il est donc intéressant de tenter d'en expliquer les causes.
L'évolution de l'environnement international nécessite une adaptabilité rapide de l'économie nationale afin d'obtenir des résultats probants dans le domaine de l'emploi. Mais depuis le indépendances, le Sénégal n'a jamais élaboré de politique pour l'emploi spécifique. Et aujourd'hui des villages les plus reculés du Sénégal aux bidonvilles des grandes agglomérations en passant par les quartiers chics de Dakar les jeunes sont la plupart du temps désœuvrés et désabusés.
Ignorer l'importance de l'emploi dans une stratégie de développement, c'est pour un homme politique se faire Hara-Kiri.
Le niveau de l'emploi est le signe extérieur d'une bonne croissance qui n'est pas seulement l'augmentation auto entretenue de certaines grandeurs économiques (PIB, revenu par habitant etc.) mais la modification cumulative des conditions de production et la transformation des infrastructures. Et le chômage quant à lui est l'une des manifestations les plus visibles du sous-développement. Il montre dans les faits l'état économique réel d'un pays au delà des discours politiques lénifiants et des clignotants qu'on déclare verts.
L'emploi au Sénégal sera le défi majeur au 21 siècle. en effet, si le 19 siècle était celui des matières premières, le 20ème celui de l'énergie qui a façonné l'équilibre du monde, le prochain sera celui du savoir et des services. Ces derniers seront tout à la fois la clé et l'enjeu de l'avenir des peuples et des sociétés et fourniront 70% des emplois.
Notre pays depuis 1960 se maintient dans un statut quo tyrannique en matière de politique d'emploi et prend toujours le problème par le même bout sans résultats. Toute politique économique cherchant à résoudre le chômage tente de faire avancer le marché vers le plein emploi. Et ceci bien qu'il soit utopiste de parler de plein emploi dans nos économies, mais cela nécessite d'abord une bonne analyse de la demande et de l'offre avec des outils statistiques qui font défaut.
L'analyse de l'offre permet d'en connaitre les limites et de mieux comprendre l'efficacité des politiques mises en place. Il faut signaler qu'une stratégie globale de réduction des personnes cherchant un emploi ne passe pas seulement par le seule création d'emplois. Les gouvernements n'ignorent pas qu'au Sénégal le taux de croissance n'est pas suffisant pour absorber le surplus de main-d'œuvre qui apparait chaque année du fait de la croissance démographique et de la faiblesse du taux de productivité de certains secteurs.
Se basant sur ce constat, les socialistes puis les libéraux ont tenté d'accélérer la croissance mais les imperfections, la segmentation du marché ont freiné la réduction du chômage. Les tentatives dans les deux camps sont jusqu'aujourd'hui axées sur l'intégration et le développement de l'industrie. Mais la diversité de ce secteur, les faibles investissements et leur manque de savoir faire freinent cette approche. Les premiers plans du Sénégal notamment celui dit de Lebré en 1960, puis la tentative de création de la zone franche industrielle ont tous échoué. On voit que la permanence d'une politique de l'emploi basée seulement sur l'industrie s'est révélée désastreuse. Les libéraux tout bonnement mais sans la visibilité qui sied tentent du néo-keynésianisme. L'APIX, les grands travaux s'ils ne sont pas accompagnés en amont d'une maitrise technique des outils économiques qui seront les tableaux de bord de "l'avion" auront les mêmes résultats. Un climat malmené par les effets négatifs globaux, une conjoncture internationale soumise à des tensions sans précédent, une crise économique persistante et une économie virtuelle en voie d'implosion tout cela pose problème . Il faut respecter plus les outils économiques qui seuls nous empêcheront de faire du pilotage à vue.
Il est aussi certain que notre potentiel humain constitue une richesse énorme s'il est bien formé et mobilisé à des taches prioritaires. La politique macro économique au Sénégal a toujours privilégié les grandes firmes au détriment des PME, grandes pourvoyeuses d'emplois. Ces dernières ont peu accès aux capitaux et subissent la déficience de l'offre des facteurs de production, c'est à dire la fourniture adéquate de l'énergie (prix élevé et irrégularité), le manque de pièces de rechange et de fonds de roulement et les privatisations qui font passer ces grandes entreprises entre des mains étrangères ne font qu'accentuer le problème. En effet, qu'est ce qui explique que malgré un taux de croissance positif, l'économie sénégalaise n'embauche pas ? C'est qu'au Sénégal indépendamment de la consommation entretenue par des flux financiers externes (argent de l'émigration, prêts et aides), la demande en matière d'emploi est directement liée aux activités économiques qui sont concentrées autour des pôles de croissance. Ces dernières apparaissent comme une réunion d'activités motrices qui influent sur la main d'œuvre. Il existe au Sénégal une inégale répartition de la croissance et de l'emploi. L'une et l'autre se trouvent agglutinées dans le milieu urbain qui absorbe sa propre activité.
Dans ces pôles de croissance, il existe ce que j'appelle des enclaves de développement. Ce sont des entreprises qui étaient ou qui sont entre des mains d'étrangers recourant ainsi par définition plus au capital qu'à la main d'œuvre. Avec des techniques de pointe, une gestion de plus en plus sophistiquée et opaque, des facteurs de production et des intrants importés ( parce que le plus souvent c'est des filiales), et aux postes clefs des personnes hautement qualifiées mais expatriées. Et sur le devant de la scène des sénégalais bon teint. Ces entreprises absorbent la croissance sans la diffuser de manière interne créant ainsi peu d'emplois. Ce type d'activité intense est une illusion. Tout comme il faudra prendre garde des nouveaux produits d'ingénierie financière utilisés pour trouver des fonds extra budgétaires. Il ne faudra pas confondre mondialisation et extraversion. La privatisation sans la libération est inutile et dangereuse. Tout comme le fait de tenir à l'écart le secteur privé national des investissements productifs. Il ne faut pas passer d'un monopole public à un quasi monopole privé de surcroit étranger.
La modernisation des activités a permis au Sénégal d'obtenir des accroissements de production mais en raison d'une politique économique statique il n'y a pas eu d'effet multiplicateur sur l'emploi. De telle sorte qu'aujourd'hui la croissante coexiste avec le chômage. Et tout ceci n'est pas près de changer si la tyrannie du statu quo est maintenue par les gouvernants en matière de politique industrielle de l'emploi.
Il faut réformer notre politique économique sans détours, sans ambigüité et sans parcellisation. Tout en faisant la lumière sur le déclin du pays avec pédagogie. Un pacte social avec le secteur privé national et les syndicats s'avère urgent avec une réforme agricole en profondeur.
IBRAHIMA SALL - ECONOMISTE
PRESIDENT DU MODEL
L'évolution de l'environnement international nécessite une adaptabilité rapide de l'économie nationale afin d'obtenir des résultats probants dans le domaine de l'emploi. Mais depuis le indépendances, le Sénégal n'a jamais élaboré de politique pour l'emploi spécifique. Et aujourd'hui des villages les plus reculés du Sénégal aux bidonvilles des grandes agglomérations en passant par les quartiers chics de Dakar les jeunes sont la plupart du temps désœuvrés et désabusés.
Ignorer l'importance de l'emploi dans une stratégie de développement, c'est pour un homme politique se faire Hara-Kiri.
Le niveau de l'emploi est le signe extérieur d'une bonne croissance qui n'est pas seulement l'augmentation auto entretenue de certaines grandeurs économiques (PIB, revenu par habitant etc.) mais la modification cumulative des conditions de production et la transformation des infrastructures. Et le chômage quant à lui est l'une des manifestations les plus visibles du sous-développement. Il montre dans les faits l'état économique réel d'un pays au delà des discours politiques lénifiants et des clignotants qu'on déclare verts.
L'emploi au Sénégal sera le défi majeur au 21 siècle. en effet, si le 19 siècle était celui des matières premières, le 20ème celui de l'énergie qui a façonné l'équilibre du monde, le prochain sera celui du savoir et des services. Ces derniers seront tout à la fois la clé et l'enjeu de l'avenir des peuples et des sociétés et fourniront 70% des emplois.
Notre pays depuis 1960 se maintient dans un statut quo tyrannique en matière de politique d'emploi et prend toujours le problème par le même bout sans résultats. Toute politique économique cherchant à résoudre le chômage tente de faire avancer le marché vers le plein emploi. Et ceci bien qu'il soit utopiste de parler de plein emploi dans nos économies, mais cela nécessite d'abord une bonne analyse de la demande et de l'offre avec des outils statistiques qui font défaut.
L'analyse de l'offre permet d'en connaitre les limites et de mieux comprendre l'efficacité des politiques mises en place. Il faut signaler qu'une stratégie globale de réduction des personnes cherchant un emploi ne passe pas seulement par le seule création d'emplois. Les gouvernements n'ignorent pas qu'au Sénégal le taux de croissance n'est pas suffisant pour absorber le surplus de main-d'œuvre qui apparait chaque année du fait de la croissance démographique et de la faiblesse du taux de productivité de certains secteurs.
Se basant sur ce constat, les socialistes puis les libéraux ont tenté d'accélérer la croissance mais les imperfections, la segmentation du marché ont freiné la réduction du chômage. Les tentatives dans les deux camps sont jusqu'aujourd'hui axées sur l'intégration et le développement de l'industrie. Mais la diversité de ce secteur, les faibles investissements et leur manque de savoir faire freinent cette approche. Les premiers plans du Sénégal notamment celui dit de Lebré en 1960, puis la tentative de création de la zone franche industrielle ont tous échoué. On voit que la permanence d'une politique de l'emploi basée seulement sur l'industrie s'est révélée désastreuse. Les libéraux tout bonnement mais sans la visibilité qui sied tentent du néo-keynésianisme. L'APIX, les grands travaux s'ils ne sont pas accompagnés en amont d'une maitrise technique des outils économiques qui seront les tableaux de bord de "l'avion" auront les mêmes résultats. Un climat malmené par les effets négatifs globaux, une conjoncture internationale soumise à des tensions sans précédent, une crise économique persistante et une économie virtuelle en voie d'implosion tout cela pose problème . Il faut respecter plus les outils économiques qui seuls nous empêcheront de faire du pilotage à vue.
Il est aussi certain que notre potentiel humain constitue une richesse énorme s'il est bien formé et mobilisé à des taches prioritaires. La politique macro économique au Sénégal a toujours privilégié les grandes firmes au détriment des PME, grandes pourvoyeuses d'emplois. Ces dernières ont peu accès aux capitaux et subissent la déficience de l'offre des facteurs de production, c'est à dire la fourniture adéquate de l'énergie (prix élevé et irrégularité), le manque de pièces de rechange et de fonds de roulement et les privatisations qui font passer ces grandes entreprises entre des mains étrangères ne font qu'accentuer le problème. En effet, qu'est ce qui explique que malgré un taux de croissance positif, l'économie sénégalaise n'embauche pas ? C'est qu'au Sénégal indépendamment de la consommation entretenue par des flux financiers externes (argent de l'émigration, prêts et aides), la demande en matière d'emploi est directement liée aux activités économiques qui sont concentrées autour des pôles de croissance. Ces dernières apparaissent comme une réunion d'activités motrices qui influent sur la main d'œuvre. Il existe au Sénégal une inégale répartition de la croissance et de l'emploi. L'une et l'autre se trouvent agglutinées dans le milieu urbain qui absorbe sa propre activité.
Dans ces pôles de croissance, il existe ce que j'appelle des enclaves de développement. Ce sont des entreprises qui étaient ou qui sont entre des mains d'étrangers recourant ainsi par définition plus au capital qu'à la main d'œuvre. Avec des techniques de pointe, une gestion de plus en plus sophistiquée et opaque, des facteurs de production et des intrants importés ( parce que le plus souvent c'est des filiales), et aux postes clefs des personnes hautement qualifiées mais expatriées. Et sur le devant de la scène des sénégalais bon teint. Ces entreprises absorbent la croissance sans la diffuser de manière interne créant ainsi peu d'emplois. Ce type d'activité intense est une illusion. Tout comme il faudra prendre garde des nouveaux produits d'ingénierie financière utilisés pour trouver des fonds extra budgétaires. Il ne faudra pas confondre mondialisation et extraversion. La privatisation sans la libération est inutile et dangereuse. Tout comme le fait de tenir à l'écart le secteur privé national des investissements productifs. Il ne faut pas passer d'un monopole public à un quasi monopole privé de surcroit étranger.
La modernisation des activités a permis au Sénégal d'obtenir des accroissements de production mais en raison d'une politique économique statique il n'y a pas eu d'effet multiplicateur sur l'emploi. De telle sorte qu'aujourd'hui la croissante coexiste avec le chômage. Et tout ceci n'est pas près de changer si la tyrannie du statu quo est maintenue par les gouvernants en matière de politique industrielle de l'emploi.
Il faut réformer notre politique économique sans détours, sans ambigüité et sans parcellisation. Tout en faisant la lumière sur le déclin du pays avec pédagogie. Un pacte social avec le secteur privé national et les syndicats s'avère urgent avec une réforme agricole en profondeur.
IBRAHIMA SALL - ECONOMISTE
PRESIDENT DU MODEL